Après la campagne de Belgique, le régiment, bien secoué, est envoyé en réserve en Champagne, où il arrivera, non sans difficulté, le 5 septembre. Là, les troupes écoutent avec émotion la déclaration de Joffre du 06 septembre qui déclarait que l’heure solennelle avait sonné et l’honneur militaire commandait de se faire tuer plutôt que de reculer !
Les opérations militaires vont reprendre
Du 06 au 14 septembre, aura lieu la Bataille qui va clore la première partie de la Grande-Guerre !
Pour La bataille des frontières ou La bataille de mouvement sonne le dernier acte.
C’est la fameuse « Bataille de la Marne » que nous ne décrirons pas car le 33ème n’y participa pas directement et que les récits sur cette bataille sont innombrables avec ce mythe de plus en plus controversé de l’importance des « Taxis de la Marne » dans la victoire.
Le régiment ne fut pas impliqué activement aux premiers combats car, bien éprouvé, il était réserve du 1er corps d’armée et attendait sa prochaine mission. Complètement décimé, l’arrivée de renforts devenait indispensable voire cruciale. Ses pertes étaient largement supérieures à 1000 unités, ne l’oublions pas !
Mais revenons quelques jours auparavant
Les récits doivent beaucoup au témoignage de Paul Hess dans son ouvrage : « La vie à Reims pendant la Guerre de 1914/1918 ». Ainsi qu’aux archives municipales : patrimoine et archives municipales www.reims.fr
Comme beaucoup de villes, Reims aborde ce nouveau siècle avec pour objectif d’entrer dans la modernité.
En 1900, Reims a vu l’arrivée du train. La modernisation de la ville a dû passer par la destruction des remparts qui dataient du Moyen Age.
Le début du 20e siècle a été marquant pour Reims par le fait qu’elle a été l’une des villes qui accueille les premiers meetings aériens internationaux. On peut lire la légitime fierté qui s’empare de la ville à la lecture d’un article de journal qui annonce que :
Le 30 Octobre 1908 s’est ainsi déroulé le premier voyage aérien qui marque à tout jamais l’histoire de l’aviation mondiale. Henri Farman a volé ce jour de Bouy à la Cité des Sacres, c’est-à-dire sur une longueur de 27 kilomètres ! Un record !
D’autres concours ont ensuite été organisés en août 1909, en juillet 1910 et en octobre-novembre 1911. La coupe internationale a eu lieu en septembre 1913 et remportée par le Rémois Maurice Prévost.
L’entrée en campagne vue de Reims
Au début août 1914, Reims, comme beaucoup de villes et de régions du nord et de l’est de la France suit avec émotion et angoisse les premières semaines des opérations militaires.
Mais, il faut bien le reconnaître, ici comme partout en France, les informations proviennent pour beaucoup des communiqués officiels. La population française du Nord et de l’Est auront bien du mal à ne pas céder à l’affolement quand ils verront que contrairement aux annonces officielles, partout les armées françaises reculent et que bientôt, la vue du casque à pointe sera leur quotidien à l’ombre des ruines de leur ville.
Petit à petit, l’euphorie de début de campagne fait place à une certaine inquiétude dans la ville.
La connaissance en fin de mois du communiqué du 25 août 1914 où est annoncée l’échec de l’offensive en Belgique crée un début de panique dans la population. Beaucoup se souviennent du précédent de 1870 et… rien que d’y penser, fait froid dans le dos !
Certains se décident à quitter la ville dès fin août ! Surtout que d’Epernay, les nouvelles montrent que l’arrivée des Allemands semble imminente !
L’inquiétude grandit lorsqu’un article du journal local, L’Informateur de Reims mentionne dès le samedi 22 août que les Allemands exigent des contributions énormes des villes occupées et cite Bruxelles où ils exigent 200 millions de francs belges ! L’article met la population en effroi, surtout pour les bonnes fortunes de la région ne manquent pas !
Les rumeurs, les récits des réfugiés en provenance des Ardennes et de Belgique, ajoutent à l’émoi général ce 26 août :
Autour des évacués arrivant en foule, des groupes se forment et écoutent les récits fort impressionnants de ces réfugiés.
Cet exode continu des habitants des Ardennes, la rareté des nouvelles que l’on soupçonne très graves et, au surplus la déplorable et malheureuse histoire du dirigeable, dont les journaux n’ont dit mot, ce qui fait enfler les rumeurs, ne sont pas pour rassurer les citoyens de la ville. Meilleure solution : la fuite !
Cette histoire du dirigeable concerne un événement de la veille, le 25 août. Vers 21 heures, un dirigeable français, le Dupuy-de-Lôme est abattu par erreur et s’écrase à la Neuvillette.
Les plus folles histoires circulent, les faits ne seront connus que bien plus tard :
Le dirigeable Dupuy de Lôme (de fabrication Clément-Bayard), l’un des 5 dirigeables Français, effectue le 20 août 1914 une mission de bombardement dans la région de Louvain. Mais l’avance des troupes allemandes menace Maubeuge et le dirigeable doit quitter son lieu de stationnement initial. Dans la nuit du 23 au 24 août il prend la direction du sud, vers Reims. La vue du dirigeable affole des soldats français postés aux abords de la ville, ils sont certains qu’il est Allemand, son arrivée n’a pas été signalée et il vient du nord. Sans ordre, ils fusillent et tirent au canon sur le dirigeable, la voile s’enflamme, il tombe près de Courcy, à la Neuvillette.
Un des pilotes, le lieutenant Jourdan, est tué, premier aérostier à périr de la guerre.
Cet incident provoque une méprise, on pensait qu’il s’agissait d’un Zeppelin allemand. Venait-il bombarder la ville ? Sa destruction allait-elle déchaîner la fureur allemande ? Ce qui explique la confusion générale.
Dès ce mercredi 26 août 1914, la population est considérable au service des « laissez-passer » fonctionnant à la Mairie. De nombreuses familles s’en vont. La ville se vide à vue d’œil.
D’autant que la nuit, on a entendu le canon ! Des détonations sourdes très fréquentes, sur la nature desquelles il n’y avait pas à se tromper.
La municipalité semble désemparée
Le maire de Reims, le docteur Langlet, demande à ses concitoyens de ne pas partir mais beaucoup ne l’entendent pas :
Les services publics doivent continuer.
Vous voudrez y contribuer avec nous.
Vous resterez dans la ville pour aider les malheureux.
Nous resterons avec vous, à notre poste, pour défendre vos intérêts.
Genre de message dont l’effet est souvent inverse à l’effet recherché.
Jusqu’au 1er septembre 1914, c’est un peu la panique ! On assiste à une prise d’assaut des trains quittant Reims. On estime que 2/3 de la population est partie en exil à cette date.
Le 2 septembre 1914, l’Etat-major français décide de ne pas défendre Reims et de faire évacuer ses troupes.
Le même jour, le télégraphe est coupé et le dernier train pour Paris part à 10 heures du matin… avant que le Génie ne fasse sauter les voies.
Reims est désormais une « Ville ouverte »
Le 2 septembre 1914, l’Informateur de Reims du jour annonce en « une » :
Les Français arrêtent momentanément l’ennemi dans la région de Rethel.
Mais, on est à peine à 20 km de Reims ! On entend la canonnade de plus en plus se rapprocher.
Le journal « Le Courrier de la Champagne » annonce, en tête de son numéro de ce 2 septembre qu’il interrompt sa publication pour une période indéterminée.
Il explique que la privation de toutes communications postales et téléphoniques met ses rédacteurs non mobilisés dans l’impossibilité de fournir aux lecteurs un journal qui fût vraiment un journal. Il termine ainsi ses adieux :
Donc, chers lecteurs au revoir et même, s’il plaît à Dieu, à bientôt !
Il est de fait que les informations publiées par les autorités depuis la proclamation de l’état de siège en France, le 3 août, ont été de l’ordre de la manipulation. Pour tous, les journaux locaux ou parisiens ont donné à lire des sornettes, parce qu’ils ne pouvaient… que raconter des histoires.
Alors l’annonce le 3 septembre de Gallieni, gouverneur militaire de la place de Paris, comme quoi il a reçu le mandat de défendre Paris coûte que coûte contre l’envahisseur, alors que les membres du Gouvernement ont quitté Paris pour « Donner une impulsion nouvelle à la Défense Nationale ! » En laisse pantois plus d’un ! Mais le pire est à venir !
Ce même 3 septembre 1914, vers 10 h, un aéroplane allemand a lancé quelques bombes !
Toujours le 3 septembre, les derniers soldats français sortent de Reims au moment où apparaissent sur les murs des affiches, signées du maire, informant la population que l’ennemi est aux portes de la ville et appellent au calme.
Dans l’après-midi, les deux affiches suivantes sont placardées en ville :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – Ville de Reims Aux habitants.
Au moment où l’armée allemande est à nos portes et va vraisemblablement pénétrer dans la ville, l’administration municipale vient vous prier de garder tout votre sang-froid, tout le calme nécessaire pour vous permettre de traverser cette épreuve.
Aucune manifestation, aucun attroupement, aucun cri ne doivent venir troubler la tranquillité de la rue. Les services publics d’assistance, d’hygiène, de voirie doivent continuer à être assurés. Vous voudrez y contribuer avec nous.
Vous resterez dans la ville pour aider les malheureux. Nous resterons parmi vous, à notre poste, pour défendre vos intérêts.
Il ne dépend pas de nous, population d’une ville ouverte, de changer les événements. Il dépend de vous de ne pas en aggraver les conséquences. Il faut pour cela du silence, de la dignité, de la prudence.
Nous comptons sur vous, vous pouvez compter sur nous.
Reims, le 3 septembre 1914. Le maire, Dr Langlet.
L’occupation par l’ennemi
Le soir du 3 septembre, vers 20 h, les habitants restés en ville entendent le pas de quelques chevaux. Il n’y a pas de doute, ce sont des hussards qui viennent d’arriver. Plus mobiles et plus rapides, ce sont eux qui interviennent souvent les premiers.
Les cavaliers se dirigeaient vers à l’hôtel de ville. Maintenant, pour beaucoup, c’est la peur qui domine. Que va-t-il arriver désormais ? Toute la nuit a été emplie de bruit de canonnade. Ce n’est pas bon signe !
Le 4 septembre 1914
C’est l’esprit assez inquiet que le 4 septembre, après avoir vu passer, la veille, quelques cavaliers allemands, que certains se décident à aller aux nouvelles du côté de l’hôtel de ville. Beaucoup des badauds font un rapprochement entre la situation dans laquelle ils sont et celle de 1870. Malheureusement, il y existe bien des points de ressemblance comme le remarque un spectateur qui commente :
« L’armée allemande va vraisemblablement faire son entrée à Reims aujourd’hui !
Il fait remarquer qu’après la capitulation de Sedan, elle était déjà venue prendre possession de la ville le 4 septembre, il y a quarante-quatre ans. La coïncidence de ces deux dates est frappante. Toutefois, les événements, s’ils peuvent être jugés désastreux, ne présentent pas, jusqu’à présent, une exacte similitude. La marche foudroyante des armées allemandes sur Paris et le recul continuel des nôtres sont des plus inquiétants ; cependant, tout n’est pas perdu, car, depuis Charleroi, nous n’avons rien appris de décisif. »
Un autre prend la parole : « Nous avons lu que l’ennemi, sous le prétexte que des coups de feu avaient été tirés sur ses hommes, par des civils, a fusillé par groupes des Français, en plusieurs endroits de la Meurthe et Moselle et dans d’autres départements, incendié entièrement des villages. »
Puis un troisième : « Par les évacués, nous avons été mis au courant des atrocités commises chez eux, nous avons appris les exécutions à la mitrailleuse de centaines de Belges, à Dinant, véritables massacres répétés aux environs de cette ville. »
« Pourvu que l’appel si éloquent du maire soit entendu ! » conclut un quatrième !
Toujours le 4 septembre 1914, depuis le matin, le canon tonnait au loin.
« Qu’est-ce que c’est ; ils tirent donc des salves d’artillerie avant leur arrivée ? » s’étonne un habitant.
« A la cave, à la cave ! » entend-t-on !
Le premier instant de stupeur passé, les réfugiés causent de cette terrible surprise sans y rien comprendre. Les obus se suivent rapprochés.
Un habitant raconte : « Nous ne savions pas ce que c’était que la guerre ; nous ne sommes pas longtemps à nous en rendre compte devant ce déchaînement de forces brutales, cet assouvissement de haines accumulées. Mais enfin, nous ne la faisons pas ; nous pouvons tout de même nous demander pourquoi on bombarde la ville déclarée ouverte, où il n’a été fait aucune résistance et dans laquelle il ne reste qu’une population civile. Le commandement allemand a-t-il eu des craintes pour l’entrée de ses troupes ? Alors, il voudrait nous mater à l’avance. Sans l’avoir motivé, nous subirions donc un bombardement d’intimidation ? »
Ce violent bombardement, au cours duquel il a été envoyé 176 obus, de calibre 150 vu la distance, est terminé. Il est 10 heures et demi ce 4 septembre 1914, 3 éventrèrent la grande galerie de peinture du Musée. Dans la journée, on peut voir que le drapeau blanc flotte sur l’une des tours de la cathédrale et au fronton de l’hôtel de ville. C’est l’intendant général Zimmer qui ordonne alors de faire arborer un drapeau blanc sur ce bâtiment et un autre sur la tour nord de la cathédrale, ce qui a pour effet de faire cesser le bombardement.
Il y a eu des victimes : 49 habitants furent tués et 130 blessés dont plusieurs moururent ensuite.
A 16 h, les troupes allemandes font leur entrée en ville, par la rue de l’Université et la place Royale. De leurs maisons, les habitants entendent les tambours, puis des sonneries de clairons alternant avec les hourrah poussés en mesure par les soldats.
Il y eut peu de badauds pour contempler le défilé.
Les habitants sont inquiets. Les journaux de Reims ne paraissent plus. Depuis plusieurs jours, ceux de Paris n’arrivent plus. D’autre part, depuis l’évacuation de la Poste, ils sont sans correspondances. Dorénavant, ils vont être privés complètement de nouvelles.
La ville se trouve isolée du reste du monde. Pour combien de temps ?
L’angoisse est à son paroxysme !
5 septembre 1914, les réfugiés commencent à sortir de leurs abris !
Dans la vieille ville française des sacres ! Quelle désolation !
Tous voient le bel hôtel de ville, du style de la fin de la Renaissance, au fronton duquel se trouve un grand drapeau blanc qui flotte lentement sur le pompeux relief équestre de Louis XIII, au-dessus du portail.
Plus loin, s’élevait du sol, dans sa beauté écrasante et rayonnante la façade de la cathédrale de Reims, indemne ! Mais, à son sommet, un petit objet blanc encore plus haut, qui se mouvait lentement : le drapeau blanc qui annonce la reddition de la place forte !
Au milieu de la place, dans l’axe de l’église, s’élève, en bronze et entouré d’une grille de fer, un simple monument équestre de Jeanne d’Arc. La pucelle, représentée en une délicate jeune fille élancée, montée sur un cheval fougueux, tient dans la main droite une épée ; son beau visage tout jeune et émouvant regarde le ciel avec un sourire d’extase. L’ensemble est d’une délicatesse un peu mièvre et romanesque mais pourtant très attirant.
Les habitants peuvent encore faire ces descriptions si précises de leurs bijoux architecturaux mais aucun ne sait encore qu’à la fin de la guerre, après 1 051 jours de bombardement, la ville ne comptait pas plus de 60 maisons encore habitables.
Reims « ville martyre » devient alors un symbole pour la France entière
Mais, ce 5 septembre, Reims est une ville occupée par les Allemands. Les Rémois seront surpris !
Ils s’attendaient à voir surgir des hordes de Prussiens au casque à pointe qui tels leurs ancêtres Teutons allaient piller, massacrer, violer et détruire tout ce qui se dresserait devant eux ! Mais…
La population rémoise est impressionnée par la fraîcheur des troupes allemandes et le bon état de leur matériel. Pour beaucoup de Rémois, c’est la constatation amère que la presse française leur a menti sur l’état réel d’une armée allemande que le « bourrage de crâne » présentait comme défaitiste et affamée. D’une manière générale le comportement des soldats allemands envers la population civile apparaît convenable. Les Rémois sont sensibles au fait que les Allemands payent ce qu’ils consomment. Les incidents relevés sont très rares et mineurs.
Les commandants Allemands décident de s’installer au prestigieux hôtel « du Lion d’Or » situé près de la cathédrale ! Hôtel qui devient alors Kommandantur ! (à ne pas confondre avec l’hôtel du même nom où séjourne Franchet d’Esperey la veille de la bataille de Dinant. L’histoire comporte parfois de ces coïncidences…)
Pendant une semaine, ce fut pour les Allemands un peu de répit. Eux qui étaient en campagne depuis un long mois déjà !
Les réserves en Champagne des caves de la ville ont été pour l’occupant, matière à améliorer l’ordinaire ! Et pour certains… beuveries quasi journalières !
Ce dont les soldats du 33ème RI seront les témoins quelques jours plus tard !
Les Rémois, eux, ne pouvaient que subir cette situation. Pourquoi ces bombardements et ces inutiles victimes alors que la ville était déclarée ouverte ?
Le correspondant de guerre allemand glisse sur la question assez gênante du motif de ce bombardement, cherchant seulement à lui donner, en passant, une explication plausible ou à présenter, sans assurance, un vague essai de justification en parlant de difficultés faites par la ville, le matin du 4 septembre, après qu’elle fut invitée à se rendre.
Quelles difficultés pouvaient être faites à l’entrée des troupes ennemies, et qui aurait pu en faire, en l’absence de tout élément militaire à Reims et dans les forts ?
Dès le 6 septembre 1914, les habitants se plient aux exigences de l’occupant qui peuvent être perçues comme de l’humiliation. Les critiques envers les autorités françaises ne sont pas épargnées non plus comme l’indique ce témoignage : « Les soldats, comme ceux déjà vus les jours précédents, n’ont pas le moins du monde l’apparence de gens qui auraient subi des privations. Nous voyons là, de nos yeux, et nous sommes obligés de constater que les journaux nous ont encore bien trompés. »
Rapidement, l’occupation devient pesante. Les autorités allemandes commencent à se montrer pesantes et beaucoup pressentent des drames, craintes fondées lorsqu’ils découvrent ce genre d’affiche placardée par les soldats Allemands.
Proclamation s’adressant à la population
D’après les informations reçues, la population du pays a, à plusieurs reprises, participé dans les actions hostiles. Il est prouvé que les habitants du pays, cachés en embuscades, ont tiré sur les troupes allemandes. Ils sont allés jusqu’à tuer des soldats allemands blessés ou à les mutiler d’une manière atroce. Même les femmes ont pris part à ces atrocités.
En outre, sur plusieurs routes, des barrages ont été construits, dont une partie était occupée et fut défendue par la population. La guerre n’est faite que contre l’Armée de l’ennemi et pas contre les habitants, dont la vie et la propriété resteront intactes.
Si cependant d’autres violences, de quelque sorte que ce soit, seront commises contre les troupes allemandes, j’infligerai les plus graves punitions aux coupables ainsi qu’aux habitants des communes dans lesquelles des combats contre la vie de nos soldats seront entrepris.
La population répond, avec sa vie et sa propriété, de ce qu’aucun complot n’aura lieu contre les troupes allemandes. Il est donc dans l’intérêt des habitants d’empêcher tout acte de violence qui pourrait être commis contre nos troupes par quelques individus fanatisés, en tenant compte de ce que la commune entière sera tenue responsable du crime commis.
Le général commandant en chef
Le 10 septembre 1914, les habitants remarquent une certaine fébrilité parmi les troupes d’occupation.
Les commandants de place se succèdent rapidement. Celui-ci est le troisième que Reims connaît depuis huit jours. Un habitant témoigne :
« Nous avons vite remarqué, aujourd’hui, un mouvement insolite d’autos amenant des blessés allemands dans les anciens hôpitaux évacués et même chez des particuliers. Leur va-et-vient continuel n’a pas tardé à exciter une curiosité que l’on évite de laisser trop paraître. Nous désirerions ardemment savoir quelque chose, car on parle beaucoup, à voix basse, depuis hier, d’une terrible bataille de quatre jours qui se serait développée on ne sait exactement où. Un ami, cependant, m’a dit confidentiellement : Il paraît qu’ils prennent la purge par-là, du côté de Montmirail, Etoges, Vertus et que la Garde aurait été décimée dans les marais de Saint-Gond. On cause encore d’un sérieux échec subi par les Allemands vers Condé-sur-Marne et un convoi interminable de voitures de tous modèles, remplies d’approvisionnements est passé rue Cérès pour se diriger, par le boulevard Lundy, vers l’avenue de Laon.
Toute cette active circulation paraîtrait de bon augure et il doit y avoir du vrai dans ce que l’on entend, mais on a besoin de précisions pour se réjouir. »
11 septembre 1914 (récit de Paul Hess)
Nous avons été réveillés par le roulement de voitures, dont le passage a recommencé ce matin, vers 3 heures, se poursuivant sans arrêt jusqu’à 4 heures.
Cette fois, à n’en pas douter, l’armée allemande est en pleine retraite. Toutefois, ces convois interminables ont une marche très régulière et fort bien ordonnée. De distance en distance, des officiers, des sous-officiers à cheval ou assis sur une auto, transmettent, souvent par un simple signe du bras, un ordre qui vient d’être donné d’arrêter, afin d’éviter l’embouteillage ; cela s’exécute instantanément, puis tout repart sur un nouvel ordre.
12 septembre 1914
Dès 4 heures du matin, le canon recommence à tonner à proximité de la ville ; on entend encore mieux qu’hier la fusillade et les mitrailleuses.
Enfin, ce samedi 12 septembre 1914 vécu au milieu d’une atmosphère de bataille toute proche, susceptible peut-être de reprendre et de continuer dans nos murs si l’ennemi n’a pas complètement abandonné Reims, se termine, pour nous dans une grande inquiétude.
Quelquefois, les détonations deviennent si violentes que toutes les vitres tremblent aux fenêtres de notre appartement ;
Dans le courant de la matinée, vers 11 heures Reims est désert. Chacun attend chez soi les événements.
En même temps que la publication de cette liste, un nouvel appel à la population rémoise était également affiché. Voici son texte :
Appel à la population rémoise Chers concitoyens,
Aujourd’hui et les jours suivants, plusieurs d’entre vous, notables et ouvriers, seront retenus comme otages pour garantir vis-à-vis de l’autorité allemande le calme et le bon ordre que vos représentants ont promis en votre nom.
Il y va de leur sécurité, de la sauvegarde de la ville et de vos propres intérêts que vous ne fassiez rien qui puisse démentir ces engagements et compromettre l’avenir.
Ayez conscience de votre responsabilité et facilitez notre tâche.
Hommes, femmes, enfants, restez le plus possible dans vos demeures, évitez toute discussion.
Nous comptons que vous serez à la hauteur de la situation. Tout attroupement est absolument interdit et sera aussitôt dispersé.
Les adjoints, Le maire.
Ils ne savaient s’ils partaient pour longtemps, lorsqu’arrivés à peu près à un kilomètre au-delà du passage à niveau de Witry, sur la route de Rethel, l’officier qui les surveillait leur fit faire halte pour se ranger au bord de la route, puis s’adressant au maire, il dit quelques mots parmi lesquels ils retinrent surtout ceux-ci : « Il n’y a pas eu de désordre à Reims ; vous êtes tous libres. Vous pouvez rentrer chez vous. »
Enfin, ce samedi 12 septembre 1914 vécu au milieu d’une atmosphère de bataille toute proche, susceptible peut-être de reprendre et de continuer dans nos murs si l’ennemi n’a pas complètement abandonné Reims, se termine, pour nous dans une grande inquiétude.
La délivrance de Reims
Revenons sur le parcours du 33ème.
Le 6 septembre, nous quittons La Celle-sous-Chantemerle près de Sézanne où nous étions en cantonnement quand fut lue au régiment la proclamation de Joffre datée du 5 septembre :
Aux armées,
Au moment où s’engage une bataille qui peut être décisive dont dépend le sort du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n’est plus de regarder en arrière ; tous les efforts doivent être employés à attaquer et refouler l’ennemi. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée.
Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée !
Joffre
Des lignes brèves mais chaudes, qui allèrent droit à nos cœurs de soldats et qui décuplèrent notre volonté de vaincre ! Pas pour longtemps cependant !
Tout ce que nous savons, c’est qu’une offensive générale va être reprise.
Notre régiment, le 33ème gardé en réserve, écoute la canonnade qui dure le 06 septembre toute la journée. Mais dès le 07, l’ordre de marcher sur l’ennemi est donné !
Nous ne savions pas encore la destination qui nous était réservée. Et je pense que nul ne le savait, tout était si confus ! Notre marche nous dirigeait vers Reims.
La route vers Reims, nous montre la dure réalité des affrontements. En traversant Esternay, on voit les prisonniers, les blessés allemands, pas beaux !
Ils sont nos ennemis, on aurait pu s’en réjouir mais comme l’avait déjà dit Louis XV après Fontenoy en 1745, « C’est toujours le sang des hommes ! » Et les cris de souffrance enlèvent toute élégance à la guerre !
La guerre en dentelles ! Foutaise d’écrivain en fauteuil.
L’impression est que l’on avait affaire à une armée en déroute, cédant à la panique !
Mais nous ne savions rien des combats qui avaient lieu ici en Champagne ! Nous, on marchait, on marchait, vers où ?
A Champguyon, c’est un village, abandonné depuis peu par les Allemands, en ruine et en feu que l’on traverse. Durant 5 jours, nous talonnons, sans le voir, l’ennemi qui semble fuir.
L’ennemi avait accumulé les ruines sur notre passage, dressé des obstacles de toutes sortes, souillé les points d’eau en y jetant des cadavres ou des entrailles d’animaux.
Au loin le 12, on aperçoit Reims. L’émotion est forte, nous savons vers quel type de destin nous avons marché.
L’enthousiasme des débuts a disparu, les horreurs, les puanteurs sur le terrain nous ont ouvert les yeux. Beaucoup pensent qu’ils vont y laisser leur peau. Résignés, on attend la suite des événements.
Ordre nous est donné par le général Franchet d’Esperey de reprendre la ville de Reims.
Le libellé de cet ordre qui nous a été lu était plus dithyrambique !
Nous étions au lieu-dit de « La Montagne de Reims » près de Jouy-les-Reims.
Il était question pour le 33ème d’avoir l’HONNEUR d’accomplir cet acte héroïque, celui de reprendre la ville de Reims alors aux mains de ces horribles barbares allemands !
Genre de lecture qui devait combler de joie le colonel Stirn. Ce partisan de l’attaque à tout-va !
Lui, revanchard, qui avait subi les critiques après les pertes subies, de par ses assauts pas réfléchis, mal préparés de la sanglante, très sanglante bataille de Dinant !
Ceux qui avaient connu Dinant et sa citadelle se souviennent de ce genre de mission.
La mort certaine pour 1 assaillant sur 2 ou sur 3. Malgré tout, les camarades avaient envie d’en découdre ! Les errements de ces derniers jours avaient sapé le moral et fait augmenter d’autant la haine du boche, celui qui était responsable de tous les malheurs endurés depuis un mois !
Notre cantonnement était situé dans la bourgade « Les Mesneux » à moins de 10 km de l’objectif.
Des unités, dont la nôtre, sont désignées comme avant-garde.
Equipés pour une bataille de rues, discrètement, à la tombée de la nuit, nous prenons la direction des tours de la Cathédrale. Ce symbole du Royaume de France, là où les rois de France étaient sacrés. Le souvenir de Jeanne d’Arc plane. Mais l’ennemi maintenant, ce n’est plus l’Anglais mais l’Allemand.
Notre avancée se fait toujours sans apercevoir de troupe ennemie. A la nuit nous sommes à l’entrée de la ville. Tout ceci semblait trop facile ! Que nous préparaient « les Boches ? »
Où se cachaient-ils ? Quelles ruses avaient ils concocté ?
Le commandant envoie des éclaireurs, alors que nous allions franchir la porte de Paris à l’entrée de la ville. Nous atteignons le parc de la Patte d’Oie, après avoir traversé au niveau du pont de Vesle. Notre objectif, au loin est de progresser vers la cathédrale donc le centre-ville.
La peur au ventre, en redoublant de précaution, nos colonnes progressent. Nous atteignons l’entrée de la ville et la première rue, les premières constructions à l’angle de la rue de l’Etape et de la rue Caqué.
D’un geste, les hommes de tête, les pauvres, reçoivent l’ordre d’avancer ! J’en étais !
Gorge nouée, je prends ma place dans la file, de maison en maison nous progressons par la rue des Poissonniers ! Je me retrouve en tête, à découvert, au bout de la rue ! C’est la rue de Vesle Je vais essuyer une rafale et puis… adieu ! Non… pas encore !
J’avance encore, rien… On continue, par la gauche, par cette rue de Vesle, discrètement, nous arrivons près de notre objectif : la cathédrale sans avoir essuyé le moindre coup de feu ! Et puis, et puis…
Là, nous eûmes du mal à en croire nos yeux ! Trainaient dans la ville des Allemands qui étaient avinés et n’étaient visiblement plus en état de combattre. Il y avait aussi les traînards ,des blessés que les Allemands avaient abandonné avant de quitter la ville et se mettre en position sur les forts à l’ouest et au nord-est de la ville pour nous arroser d’une pluie d’obus comme nous le verrons plus tard. Depuis 1870, on nous avait vanté la rigueur allemande !
Pff ! la réalité était moins… idéale. Pour beaucoup, c’était le signe d’une armée qui avait déjà renoncé. Notre enthousiasme revenait.
Alors nous pénétrons dans les rues du centre-ville.
La nuit et le lendemain matin furent occupés à éliminer ces soiffards ! Je dois l’avouer, tuer fait plaisir, la furie s’empare de moi et de mes camarades il permet de se venger de ce qu’on a enduré. A leur tour de crever ! C’était même si facile !
Cette folie ne dura pas. Les soldats restés sur place, en fait ceux qui avaient été abandonnés par les leurs, étant la majorité blessés et difficilement transportables, se laissaient capturer sans résister. De pauvres bougres pour la plupart, victimes de cette folle guerre. Et il y avait ceux qui avaient abusé des réserves des caves champenoises, et étant tellement imbibés que leur commandement préféra abandonner sur place !
La reprise de la ville ne prit que quelques heures et les Français pouvaient enfin profiter d’un peu d’allégresse et de reconnaissance, comme le montre la suite du récit.
Nous sommes fiers ce dimanche 13 septembre quand nous avons défilé rue Cérés, montant vers le faubourg, bientôt rejoints par le 27ème d’artillerie et puis notre rencontre rue Carnot et rue de Vesle avec le 73ème et le 110ème. Reims était libérée mais à quel prix ! Ah que du bonheur ! On nous acclamait, les jeunes filles nous embrassaient… sur la joue.
Et puis apparaissent les bouteilles. Celles que les boches n’ont pas trouvées, plaisante un troufion de mes amis. Qu’il est bon ce breuvage, la guerre semblait loin, on l’oubliait presque !
Ce fut un flot, un déluge de Champagne ! Que… du bonheur… Que du bonheur je vous dis !
Puis du ciel, nous arriva un autre déluge, une grêle d’obus ; timide en fin de soirée, terrible les jours suivants. Les Allemands nous avaient rendu la partie trop belle, on aurait dû le comprendre plus vite.
Le commandement réagit. Et comme réponse : l’attaque ! Toujours l’attaque ! Le 33ème à nouveau en première ligne.
La suite de la bataille de Reims
Les Allemands, talonnés par les troupes françaises, évacuèrent Reims le 12 septembre et s’installèrent dans certains forts qui ceinturaient la ville.
Nous venons de laisser Reims qui fête ses libérateurs ce dimanche 13 septembre.
Le magnifique drapeau tricolore remplace les sinistres drapeaux blancs qui faisaient honte à la population. Les Rémois sont fiers de voir arriver les 127ème et 33ème RI dans leur ville.
Quelle belle matinée ce fut quand ils les virent défiler rue Cérès avec le général Franchet d’Esperey en tête, lui qui fut Lieutenant-colonel au 132e régiment d’infanterie à Reims en 1903, puis nommé colonel en 1903 !
Bientôt suivirent le 27e d’artillerie puis les 73e et 110e d’infanterie. La foule s’est massée sur leur trajet.
Personne ne voulait manquer la fête ! Ah, elle fût belle mais hélas de courte durée !
Les allemands préparaient leur revanche :
Dès le lendemain, le lundi 14, dès 5 h du matin, ce fut le bombardement systématique de la ville.
Les habitants encore endormis entendent à nouveau ces sinistres sifflements qu’ils avaient déjà entendu une semaine auparavant .Et les sifflements vont se faire sentir toute une semaine durant ! Le tir vise surtout le Q.G. du général Franchet d’Esperey, aux environs de l’Hôtel de Ville. Les jours suivants, le bombardement reprend toujours tôt dans la matinée.
« Oh ! L’effroyable chose que la surprise d’un bombardement subit, » dira un habitant le lendemain !
Les dégâts sont apocalyptiques, tant en pertes de vies humaines qu’en destructions dans la ville.
Des soldats, dont certains du 33ème, des civils, des chevaux vont être touchés. Les longues plaintes et hurlements des mourants s’entendaient dans les abris où s’entassaient les habitants qui n’avaient pas fui la ville.
L’incompréhension est totale parmi la population au début du bombardement. Que cherchaient les Allemands ? Voulaient-ils atteindre l’hôtel de ville, ou ne visaient-ils pas plutôt les locaux que l’état-major venait d’occuper, rue des Boucheries ? En ce cas, l’ennemi aurait été vite et bien renseigné par ceux que, vraisemblablement, il aurait laissés derrière lui pour espionner.
Ah la théorie du complot !
Tout ceci produit un trouble considérable dans les esprits. L’indignation est générale et la consternation, en ville, aussi profonde qu’on saurait l’imaginer, après cette terrible journée. Le bombardement va durer jusqu’au 22 avec des périodes de répit plus ou moins longues.
Le bilan pour la ville est catastrophique ! C’est sur le site officiel de la ville de Reims, que l’on trouve le bilan retranscrit ici ! www.reims.fr
La cathédrale avait subi quelques dégâts lors du bombardement du 4. Des éclats abiment des verrières côté nord et la statuaire du portail. Un obus touche directement l’édifice au croisillon nord du transept. Mais l’intérieur de l’édifice n’est pas atteint et les dégâts extérieurs sont minimes.
Rien en comparaison avec, les bombardements du 14 au 22 septembre !
On déplore 140 victimes militaires mais surtout civiles.
La Cathédrale, elle, est atteinte à plusieurs reprises. Le 17 septembre, 3 obus percent la toiture aux environs de la tourelle du carillon. Ce 17, après l’envoi de bombes incendiaires, éclatent les premiers incendies; beaucoup d’habitants sont blessés ou tués. Les alentours de la Cathédrale, que l’on croit spécialement visée, sont parmi les plus touchés.
Pourtant, pour protéger la Cathédrale, que les Allemands avaient fait aménager, le 12, pour recevoir les blessés Allemands, 70 à 80, on arbore le drapeau de Genève sur chaque tour et l’on prévient l’ennemi.
Le 18, le bombardement recommence vers 8 h. 15. Outre la Sous-préfecture, détruite presque entièrement ainsi que d’importantes usines, la Cathédrale, malgré le drapeau de Genève, est atteinte par des obus de 210, qui abîment les sculptures extérieures des basses fenêtres du transept principal brisent des verrières des XIIIe et XIVe siècles. Le 18 septembre de nouveaux obus frappent l’édifice, des éclats de pierre dans la nef basse du sud tuent un gendarme français et deux blessés allemands installés dans la cathédrale.
Le 19 septembre, le bombardement commence vers 7h30 du matin. Les obus proviennent des batteries allemandes installées au fort de Berru et visent particulièrement le centre de Reims. Après une courte accalmie en fin de matinée, le bombardement reprend à midi, tuant un des adjoints, le docteur Jacquin, qui sortait de l’Hôtel de Ville.
Les heures suivantes, le bombardement se fait encore plus violent ; l’Hôtel de Ville, le Musée, les ambulances, dont celle du Lycée de jeunes filles, le côté sud de la Cathédrale, l’Archevêché sont frappés. Vers midi, le centre de la ville est arrosé d’obus incendiaires.
A 15 heures, un obus touche l’échafaudage en bois de pin qui depuis mai 1913 ceinturait la tour nord de la cathédrale et l’enflamme. Très vite, des flammèches venant de l’incendie de l’échafaudage communiquent le feu aux bottes de paille. Vers 15h30, la toiture prend feu rendant l’incendie visible de loin ce qui amène les Allemands à cesser leur tir. Mais la chaleur de l’incendie met en ébullition les 400 tonnes de feuilles de plomb qui recouvrent la toiture. Le plomb fondu se répand alors sur les voûtes et coule par les gargouilles, provoquant une spectaculaire fumée couleur jaune d’or. A 15h50 l’échafaudage s’effondre sur le parvis, remplissant celui-ci de fumée. Quant à l’incendie de la charpente, il se poursuit jusque vers 20 heures.
Le drame touche aussi l’intérieur de la cathédrale où sont rassemblés de nombreux blessés Allemands. Cette transformation de la cathédrale en hôpital militaire remonte à une décision prise par les autorités militaires allemandes lors de la courte occupation de Reims. Le 11 septembre, 15 000 bottes de paille sont amenées pour servir de couchage tandis que les chaises sont empilées dans le chœur. En même temps, un drapeau de la Croix Rouge remplace, au sommet de la tour nord, le drapeau blanc installé le 4 septembre. A la reprise de la ville, le projet allemand est repris à son compte par l’Etat-major français qui, le 16 septembre, fait regrouper dans la cathédrale les 131 blessés allemands soignés dans les hôpitaux de Reims.
Affolés, les blessés allemands tentent de sortir mais sont bloqués par quelques soldats territoriaux et une foule de quelques 300 Rémois déchaînés contre eux. Il faut l’insistance du clergé de la cathédrale et d’un capitaine de dragons français pour que les blessés allemands soient finalement évacués En dépit des sauveteurs qui s’exposent pour les sauver, 14 blessés Allemands périssent dans les flammes, dont 10 qui ont tenté de fuir par la cour de l’archevêché. Car l’incendie embrase aussi l’Archevêché, d’où l’on ne peut déménager ni les tapisseries, ni les collections d’objets préhistoriques, romains ou gothiques. Le temple protestant, le Bureau de mesurage des laines et tissus, flambent le long des boulevards de l’Est ; partout des foyers nouveaux s’allument et près de 14 hectares de maisons sont incendiés. Au total, les bombardements du 19 septembre 1914 causent la mort de 32 personnes.
Le 20, le bombardement continue avec la même violence. Après un arrêt de deux jours, il reprend; la place Royale et la rue Colbert ne sont plus que ruines.
Les habitants, contemplent alors médusés leur cathédrale.
En ce qui concerne le bilan matériel, il ne reste rien de la toiture sur la nef, les transepts, le chœur, l’abside et les bas-côtés. Le clocher de l’Ange a totalement disparu. Cependant, les voûtes ont tenu même si elles ont souffert du feu. A l’intérieur, l’incendie a dégradé la pierre, en particulier les sculptures du revers du portail sud. Une grande partie du mobilier est en cendres : les tambours et les stalles du XVIIIe siècle, le tapis du sacre de Charles X, le trône archiépiscopal. Le clergé a pu cependant évacuer les objets liturgiques et le Trésor de la cathédrale au début de l’incendie. Au total, si les superstructures de la cathédrale ont résisté, l’incendie a entraîné des dommages importants et le bâtiment se trouve désormais exposé sans toiture aux intempéries.
Cet incendie, survenu au tout début de la guerre crée un choc considérable. Très vite des polémiques se développent, sur le côté intentionnel du bombardement d’une part et sur l’ampleur des dégâts d’autre part. Dès le 20 septembre 1914 le gouvernement français émet une protestation qui a un grand impact auprès des pays neutres. Du point de vue français le bombardement a été effectué en toute connaissance de cause et porte la marque de la barbarie et du vandalisme allemands. De leur côté, les Allemands tentent d’établir des contre-feux en accusant les militaires français d’avoir utilisé les tours de la cathédrale comme observatoire, ce qui justifierait leur bombardement. De même ils minimisent largement les dégâts alors que la presse française, elle, a tendance à les exagérer en écrivant que le monument n’est plus qu’un tas de ruines.
Mais l’essentiel de l’évènement est ailleurs. Il constitue un fait nouveau que rien ne raccroche à une expérience passée. Il fixe l’image de « la cathédrale martyre » et du « crime de Reims » qui bénéficieront, pendant toute la durée de la guerre, d’une médiatisation sans égal !
Puis quelques jours plus tard est diffusé le bilan humain : froid et cruel !
Au 1er novembre le nombre des habitants tués par les obus est déjà de 282
La ville durant 4 ans subira encore plus de 1 000 bombardements !
Retrouvons notre régiment, le 33ème !
Au soir du 13 septembre, comme on l’a vu, le 33ème venait de défiler dans Reims avec le plaisir et la reconnaissance non dissimulés de la population. Il n’aura que cette courte journée de répit avant de reprendre la route en vue d’un autre objectif, d’un autre affrontement.
Pour compléter la victoire, on nous ordonne de poursuivre les Allemands, nous, au 2ème bataillon du commandant Vautrain et d’aller prendre le fort de Brimont, comme ça, avec nos beaux pantalons rouges.
Nous étions loin des effectifs habituels d’un bataillon du début de guerre ( de 900 à 1000 hommes)
Et… ce fut l’hécatombe. Encore une !
Le premier objectif était de rejoindre la ferme Modelyn et de faire jonction avec 2 autres bataillons, l’un du 84ème RI, l’autre du 73ème. Rapidement, le commandant Vautrain fut tué et le bataillon dut se replier jusqu’à Betheny à 5 km au nord de Reims avec le reste du régiment qui était sorti de la ville.
Les Allemands sont massés en hauteur sur les forts de Brimont de Witry, de la Pompelle et de Fresnes. Cramponnés là-haut, ils résistent et nous inondent le terrain où nous sommes de projectiles de tous calibres. Ils manifestent, par la violence et l’intensité de leurs tirs d’artillerie, la ferme intention de se maintenir coûte que coûte sur ces positions. Les pistes de l’aéroport de Bétheny se révélant en plus une possession enviée.
Leur artillerie ayant une force de feu considérable nous bombarde sans arrêt, sans faiblir ! Les régiments sur place tiennent bon ! Le 16, nous croyant affaiblis, décimés même, les Allemands attaquent, nous harcèlent par des attaques baïonnette au canon! A leur tour, ils essuient nos tirs nourris et laissent d’énormes pertes sur le sol.
Le champ d’aviation de Bétheny et le bois de Soulains que nous devions défendre, ne tombent pas sous le contrôle de l’ennemi !
Prendre le fort est une toute autre histoire ! Durant 5 jours, réfugiés dans le village de Bétheny nous dûmes nous protéger avec tous les abris de fortune possibles. Autour, de nous, tout s’écroulait. Les soldats se pensant à l’abri dans les maisons, voyaient s’écrouler des pans de mur entiers. Beaucoup furent blessés ! Quelques-uns, encore moins chanceux, tués !
C’est alors que les unités, avec des moyens de fortune, avaient organisé la défense de Bétheny,
pratiqué des créneaux au sommet des habitations, construit des barricades et creusé des ébauches de tranchées. Et l’avenir nous en fera creuser beaucoup… beaucoup d’autres !
Les boches ne renonçaient pas, à la tombée de la nuit, ils esquissaient des attaques à la baïonnette sur la lisière nord et nord-est du village.
Plein de hargne, de colère nous repoussâmes toutes ces escarmouches sans fléchir avant d’être relevés par le 69ème bataillon de chasseurs, dans la nuit du 18 au 19.
Nous venions de vivre 5 jours de folie. Un véritable enfer ! Nous nous en souvenons encore ! Voilà ce qu’un camarade raconta un peu plus tard à ceux de l’arrière.
Le 15 septembre, le temps est à la pluie, le terrain presque impraticable, nous prenons position dans le village. Dès l’aube le canon gronde l’ennemi est indélogeable. Le village est complètement détruit à 12h. Nous renforçons nos positions nous passons encore l’après-midi et la nuit au même endroit.
Le lendemain 16 Septembre on se réveille au son du canon ! A l’heure actuelle il est 9h la journée est épouvantable car l’ennemi est proche. Cette nuit, l’ennemi est passé à l’attaque le combat, c’est la blessure ou la mort. Nous sommes dans le village bombardé et nous nous défendons vigoureusement car nous avons l’ordre de tenir coute que coute il est 11h les balles sifflent l’ennemi nous attaque sans cesse.
La journée du 17 s’est passée sous les balles, l’ennemi est retranché le canon n’arrête pas de toute la nuit.
Le lendemain 18 Septembre, l’attaque recommence nous tenons toujours le village il est 4h du soir nous n’avons plus rien à manger depuis 2 jours plus de ravitaillement l’artillerie ennemie balayant le village. A minuit nous avons l’ordre d’évacuer le village nous partons subitement nous nous replions vers le sud.
Dans la nuit la cathédrale de Reims est en flamme de même que tous les villages environnants. Il pleut une boue on est dans un état de saleté repoussante.
Le régiment se dirige vers Roucy. Mais la guerre n’était pas finie !
Le régiment partit alors courant septembre prendre position près de « la Ville-au-Bois. » Et ce ne fut pas une promenade, le régiment subit plusieurs affrontements et y perdit encore 60 unités, tués ou blessés.
Les pertes à Reims avaient été énormes, plusieurs centaines d’hommes hors de combat ! Mais Reims était pourtant sauvée ! Malgré le bombardement, Reims reste et restera française, coûte que coûte !
Reims, après avoir été déjà martyrisée toute une semaine, le fut atrocement, de la manière la plus impitoyable, la plus sauvage, ce samedi 19 septembre par les Allemands rendus furieux après l’échec de leur marche sur Paris. La victoire de la Marne les ayant contraints, en outre, d’abandonner notre cité qu’ils avaient tenue neuf jours sous leur domination, ils s’étaient acharnés à la ruiner
On apprendra que le 25 septembre 1914 avec l’aide des canon, sur le front Bétheny-Cernay après une vigoureuse attaque de nos troupes, les Allemands sont délogés du fort de la Pompelle et de la ferme d’Alger. Une autre guerre va commencer !
Le 25 justement, le bilan de cette bataille de Bétheny nous fut révélé :
64 morts 502 blessés 178 disparus ! ¼ du régiment hors de combat !
SANS COMMENTAIRE !
La cathédrale de Reims bombardée :