Le 33ème R.I et la BATAILLE DE VERDUN
Introduction
Premiers indices d’une attaque sur Verdun
Janvier 1916 : Dès le début du mois de janvier 1916, il est question d’un nouveau théâtre d’opérations possible. Si, en effet, un premier renseignement signalant une concentration de 4.00.000 hommes dans la région de Verdun est considéré comme certainement inexact et semble des plus tendancieux, le 4 janvier, par contre, parvient au ministère de la Guerre français un avertissement sérieux : Verdun serait l’objectif probable des Allemands.
La certitude d’une attaque sur Verdun
Février 1916 : Après des séries d’informations difficiles à vérifier tout au long du mois de janvier, c’est seulement en février que le haut commandement français acquiert la certitude d’une attaque sur son front et en particulier sur Verdun.
Les Allemands s’ingénient cependant à répandre jusqu’au dernier instant les bruits les plus contradictoires. Des prisonniers ou des déserteurs ennemis, des agents secrets, des prisonniers russes évadés des lignes allemandes, répètent en effet — consciemment ou non — la même leçon qui semble apprise d’avance : Verdun sera attaqué mais ne constituera pas le seul point d’application de l’offensive allemande, peut-être même ne sera-t-il l’objet que d’une simple diversion.
En même temps les attaques locales se multiplient sur divers points du front : les 8 et 9 février au nord d’Arras ; le 12, en Champagne.
Le 5 février, un renseignement signale une concentration importante de troupes allemandes en voie d’exécution d’une part dans la région de Verdun, d’autre part dans celle de Reims.
Le 6, on observe une grosse circulation sur les voies ferrées au nord-est de Verdun, alors que les 5 et 6 l’activité est restée anormale dans la région de Challerange et le sera encore le 7. On reparle, toujours le 6 février, de la construction de tunnels sous les lignes françaises devant Verdun. Le 8, il est question d’une attaque à fond contre le front français; de nombreux trains se dirigeant vers l’ouest seraient passés par Cologne. Le même jour la campagne de fausses nouvelles en Alsace reprend et est même appuyée par un bombardement de Belfort avec du 380. Le 9, on apprend que l’offensive allemande sur le front français serait prête et se produirait dès que le temps serait favorable, elle serait appuyée par une nombreuse artillerie autrichienne.
En résumé, de l’ensemble des renseignements recueillis le 10 février il semble bien résulter qu’une concentration allemande est en cours, peut-être même achevée, dans la région de Verdun, où est arrivée en particulier une nombreuse artillerie de gros calibre ; l’ennemi semble devoir attaquer prochainement, mais s’il paraît presque certain déjà que Verdun est parmi les points visés, il est cependant difficile de préciser où sera porté le principal effort des Allemands .
C’est alors que parvient au grand quartier général français le 10 février à 13 h.3o, et d’une source très sérieuse le renseignement suivant :
« Les Allemands vont tenter une grande offensive dans la région de Verdun. »
Celle-ci, doit comporter tout d’abord une série d’actions de détail sur tout le front, puis une attaque préliminaire menée sans doute avec des effectifs importants — sur Verdun par exemple — et enfin une ou deux attaques principales exécutées par des forces considérables. Les français exécutent des concentrations de troupe pour parer à cette offensive qui s’annonce.
Mais le temps est mauvais, rien ne se passe.
La même opinion se reflète dans une note adressée le 22 février aux commandants de groupe d’armées, mais celle-là rédigée après l’arrivée des premières nouvelles de Verdun.
Le général Joffre s’y exprime ainsi :
« L’ennemi commence à exercer un violent effort sur le front du groupe d’armées du centre.
Il est possible que cet effort ne soit pas isolé et que des attaques plus ou moins puissantes se produisent sur d’autres parties du front. »
En résumé, il semble permis de conclure que si à la veille même de la bataille le commandement français a bien la certitude d’une attaque tout à fait prochaine sur Verdun — attaque en vue de laquelle il a déjà pris en janvier et surtout depuis le 10 février, des mesures particulières — il ne peut pas affirmer que là seulement portera l’effort de l’ennemi pour une offensive que celui-ci escompte « décisive » et qui doit mettre en jeu le sort de la guerre.
*
Situation sur le front de la région fortifiée de Verdun le 21 février 1916
Le 25 février 1916, les Allemands attaquèrent en direction du Fort de Douaumont dans le but de porter leurs lignes à environ 600 mètres du fort. Étonnés par le calme régnant dans la région du fort et poussant en avant, ils réussirent à descendre dans le fossé et à rentrer dans les galeries. Les 57 soldats qui occupaient le fort, pour la plupart de la territoriale, furent faits prisonniers.
La perte du fort, important point d’appui, observatoire et abri de premier ordre entraînait pour la défense des conséquences matérielles et morales considérables. Les Allemands organisent tout de suite la défense du fort de Douaumont. Dans la soirée du 25 février, ils sont 19 officiers et 79 sous-officiers et hommes de troupes de cinq compagnies différentes à occuper Douaumont.
« Le fort devient le pivot de la défense allemande sur la rive droite de la Meuse (près du fort de Vaux). »
Tandis que l’ennemi cherche ainsi vainement à élargir ses gains à l’ouest et à l’est du fort de Douaumont, le commandement français prépare la reprise de cet ouvrage, mais en remet de jour en jour l’exécution.
Le 27, en rendant compte au général Balfourier de la non-exécution des ordres donnés la veille, le général Deligny l’a avisé de son intention de « monter une attaque en règle » le jour même.
Le général Balfourier juge qu’une fois le fort repris il y aura intérêt à « se donner un peu d’air » sur le plateau de Douaumont. C’est aussi l’avis du général Pétain qui estime qu’on ne peut restreindre l’occupation au seul fort qui sera soumis après son enlèvement à de violentes concentrations de feux ennemis, et ordonne de préciser la ligne à atteindre et à organiser au nord du fort pour pouvoir s’y maintenir. Mais le général Deligny ne croyant pas ses moyens suffisants pour attaquer dès le 27 remet l’attaque au 28. Le détachement d’attaque renforcé d’un autre bataillon du 9e zouaves est placé sous les ordres du colonel Joulia, commandant ce régiment.
« Dès que le fort sera repris, le succès sera exploité en poussant résolument au nord du fort de façon à prolonger la droite du point qui est en avant du village de Douaumont. »
Mais le colonel Joulia est tué en se rendant à son poste de combat, l’attaque est remise au 29. D’abord fixée à 5 heures, elle est reportée à la tombée de la nuit, le matériel de franchissement des fossés étant en partie détruit par le bombardement. Finalement elle est suspendue.
Dans la nuit du 29 février au 1er mars, des sapes doubles sont donc amorcées pour relier le village de Douaumont et les tranchées au sud du fort. Le 2 mars matin, la 306e brigade s’empare, au sud-est de l’ouvrage, des baraquements occupés par des mitrailleuses allemandes*.
Dans la nuit suivante doivent être commencés deux boyaux partant l’un du village, l’autre de ces baraquements. Ils doivent, si possible, être continués jusqu’au nord du front de tête du fort, ou tout au moins assez loin pour permettre d’interrompre les communications de la garnison avec l’extérieur.
Mais l’attaque allemande du 02 mars remet tout en question.
*Cette attaque de la 306ème Brigade, laisse croire que l’on occupe un fortin situé au Sud-Ouest du fort de Douaumont. Or lors de l’attaque de nos unités pour reprendre le village de Douaumont le 03 mars, cette information va se révéler fausse, ce qui va remettre en question le déroulement des attaques et la possibilité de pouvoir conserver la possession du village de Douaumont. Nous en verrons le détail lors des récits des 03 et 04 mars.
C’est avec ces éléments dans le secteur du front de Verdun que le 33ème sera amené parmi les premiers Régiments à participer à la rotation de toutes les unités dans :
« L’enfer de Verdun »
*
Rappel :
En février 1916, Le 33ème R.I, commandé par le Lieutenant-Colonel Boud’hors, fait partie de :
- La 5ème Armée, commandée par le Général Franchet d’Espèrey
- Le 1er Corps d’Armée, commandée par le Général Guillaumat
- La 2ème Division, commandée par le Général Brulard
La 2ème division est formée des :
- 3ème Brigade avec les 33ème et 73ème R.I commandée par le Général Duplessis et
- 4ème Brigade avec les 8ème et 110ème R.I commandée par le Colonel Camille Lévi
Le 10 février 1916, la 2ème Division d’Infanterie dont fait partie le 33ème R.I apprend que l’on va relever ses régiments mais progressivement par des unités du 231ème, du 110ème et du 282ème R.I.
Après avoir quitté les secteurs de la ferme du Choléra et de la rivière de La Miette, les Régiments de la 2ème D.I vont être réaffectés sur 2 ou 3 jours dans différents secteurs.
Le 12 février 1916, l’ensemble des mouvements s’achève (voir cartes 1 et 2).
L’Etat-Major de la 3ème Brigade se trouve à Montigny, les compagnies de mitrailleuses de la Brigade sont à Prouilly et Bouvancourt.
Le 33ème R.I va se répartir ainsi :
- 1 Bataillon à Prouilly avec l’Etat-Major de la 2ème Division
- 1 Bataillon à Chenay
- 1 Bataillon à Chalons-sur-Vesle
Le général Duplessis partant en permission, c’est au Lieutenant-Colonel Boud’hors que revient l’Honneur de prendre le Commandement de la Brigade.
C’est au Chef du 1er Bataillon, le Commandant Lagrange, à qui l’on confie le 33ème.
Le régiment reste quelques jours dans ce secteur avant de recevoir l’ordre n° 530 du 1er C.A qui envoie la 3ème Brigade d’Infanterie (33ème et 73ème R.I) le 15 février au camp de Ville-en-Tardenois.
Le départ a lieu le 15 février. Le 33ème va donc à Ville-en-Tardennois, ce camp d’entraînement où les régiments se succèdent pour y acquérir des méthodes d’instruction en phase avec les aspects de cette guerre qui n’a pas eu d’équivalent dans l’histoire.
La période théorique de présence au camp est de douze jours au maximum.
Durant son séjour, le régiment occupe les emplacements suivants :
- A Ville-en-Tardenois, se regroupent L’ E.M, le C.H.R., la 1ère cie de mitrailleurs du régiment et les 2ème et 3ème Bataillons (sauf la 12ème Cie)
- Aux baraques au nord de la Ville-en-Tardenois, se retrouvent le 1er Bataillon – la 12ème compagnie et aussi la 1ère compagnie de mitrailleurs de La 3ème Brigade
- A la ferme Aulnay : se tient la 2ème compagnie de mitrailleurs du Régiment
Le 17, le Lieutenant-Colonel Boud’hors, reprend le commandement du Régiment.
Du 17 au 21 février 1916 :
Les « exercices de détail » (Malheureusement, il n’y a pas de descriptions pour ces exercices) au camp d’Instruction se succèdent. De l’aveu de tous, la pluie continue, le terrain détrempé et boueux font que ces journées sont sans intérêt et n’auront, en définitive, servi à pas grand-chose !
Le 21 au matin, les journées d’instruction étant abrégées, le régiment fait mouvement et occupe le soir même les emplacements suivants (carte 3) :
- Nanteuil-la-Forêt : 3ème Bataillon – 1ère Compagnie de mitrailleurs de la Brigade
- Fleury-la-Rivière : 2ème Bataillon – 1er Bataillon – C.H.R – Les compagnies de mitrailleuses du Régiment
Il ne s’agit que d’une étape provisoire.
22 février 1916 :
Le 22 à 11heures, le Régiment fait mouvement. La troupe est envoyée par camions automobiles. Les chevaux et voitures par chemin de fer, l’embarquement a lieu à Epernay.
23 février 1916 : carte 4
A minuit, le régiment occupe provisoirement les emplacements suivants :
- E.M, 2ème Bataillon 1ère cie de mitrailleurs du régiment et le C.H.R. à Possesse
- 1er Bataillon 2ème cie de mitrailleurs du régiment à Saint Jean devant Possesse
- 3ème Bataillon 1ère cie de mitrailleurs de la 3ème Brigade à Vernancourt
24 février 1916 : Ordre n°3132/1 du 1er C.A, ordonne à la 2ème D.I de faire mouvement le lendemain à 8 heures en auto-camions. La destination n’étant pas précisée. Une montée en première ligne est quasi certaine ! Avec ce froid et cette humidité, ce n’est pas réjouissant !
Le soir, on prépare son barda et l’on verra bien le lendemain !
25 février 1916 : Le départ de Possesse en camion-automobile commence à 9h30.
On peut dire que ce fut assez « épique ». D’abord, l’attente est longue, les camions arrivent de manière saccadée. Puis le déplacement se fait lentement à cause de l’étroitesse des routes et l’état des chaussées rendues glissantes par cette boue qui rend dangereux tout véhicule qui roule. Le mauvais temps oblige à la plus absolue prudence. Les véhicules avancent avec peine, plus d’une fois, il a fallu descendre et pousser les engins dont les roues patinaient. L’encombrement déjà problématique devient critique avec l’apparition du verglas à 16 heures suivi de chutes de neige peu après.
Et la nuit qui tombe, on sent les chauffeurs nerveux et fatigués.
Le régiment en cours de route apprend que le point de débarquement sera dans le faubourg ouest de Verdun.
« Bon ! Ce sera Verdun ! Mais ça ne sera pas une partie de plaisir ! Il paraît que ça chauffe là-bas ! » C’est ce qu’on se dit dans les camions.
Une partie du 33 arrive dans la matinée du 26 entre 5 et 7 heures. On attend le 1er Bataillon qui n’arrive qu’en fin de journée du 26.
26 février 1916 : Enfin, c’est l’arrivée à Verdun à 5h30.
L’E.M va à la caserne Marceau. Le Régiment va s’installer à la caserne Petit Miribel.
A la caserne Marceau, on met au courant Franz Boud’hors du dispositif retenu.
Voilà les informations (un peu compliquées) qui lui furent transmises :
Dans le secteur où va se retrouver le 33ème, il va collaborer avec d’autres unités.
Le 27 février 1916,
Par ordre de l’Armée, « La 39ème D.I* passe le 27 février à 8 heures sous les ordres du Général Guillaumat qui continuera à commander le 1er Corps d’Armée (celui du 33ème).
Guillaumat prend le Commandement de la partie du secteur de défense de Verdun comprise entre le village de Douaumont (exclus) et la rive droite de la Meuse.
La 39ème D.I en 1ère ligne tient le front Douaumont-Meuse. »
Ce sera le « Groupe Guillaumat »
*La 39ème D.I a été dirigée par le Général Nourisson du 13 mars1915 jusqu’au 26 février 1916.
La 39ème Division d’Infanterie fait partie du 20ème Corps d’Armée. Le 20ème C.A commandé par le Général Balfourier.
Rapidement dès son arrivée à Verdun le 26 février, le 33ème R.I va être mis à la disposition de la 153ème D.I.
La 153ème D.I du Général Deligny (l’ancien Commandant de la 2ème D.I et du 1er Corps d’Armée) fait également partie du 20ème Corps d’Armée.
Le 33ème va aussi collaborer avec les soldats de la 3ème Brigade du Maroc.
Le dispositif :
Du 26 au 29 février, la 3ème Brigade « Duplessis » occupe une position sur la côte de « Froide-Terre » « Qu’elle organisera et défendra ».
A 14 heures précises, le 26, le Régiment quitte la caserne pour aller bivouaquer dans le ravin entre le Fort de Souville et le Fort de Tavannes cartes 5 et 6.
Les 1er et 3ème Bataillons travaillent et aménagent ce secteur de Froide-Terre et se retrouvent en 1ère ligne.
Les travaux s’effectuent surtout de nuit. On affirme que c’est à la fois pour surprendre les Allemands et à la fois se protéger des tirs réguliers sur les travailleurs qui ont lieu plus fréquemment en journée.
Le 2ème Bataillon, lui, va travailler sur une position de 2ème ligne entre Fleury-ouest, Douaumont et la côte de Froide-Terre.
La 6ème compagnie ravitaille, durant la journée, en cartouches les unités du 110ème R.I de la 4ème Brigade.
Et la nuit, exécute des travaux sur une position de 2ème ligne (carte 7).
Dans la nuit du 28 au 29 février 1916 :
Le 1er Bataillon alerté part à 1h35 pour Fleury à la disposition du Colonel Lévi Commandant la 4ème Brigade (8ème et 110ème R.I).Les déplacements se font de nuit.
Les autres Bataillons restent à Souville et travaillent surtout de nuit.
01 mars 1916 :
Le 33ème R.I reçoit l’ordre de relever du 1er au 2, le 110ème R.I dans le domaine compris entre « Le Calvaire » à 800m ouest de Douaumont et l’ouvrage en Dents de scie du Fort de Douaumont (Sud-Est de Douaumont). La liaison à gauche se fera avec le 146ème, la liaison à droite ce sera avec les zouaves de la 3ème Brigade du Maroc.
En arrivant dans le secteur, le Commandant du 33ème se présente au Commandant de la 4ème Brigade (Colonel Lévi) qui lui dit (entre autre choses dont malheureusement nous n’avons pas la teneur) qu’il y a un trou de 800 mètres entre le 110ème et les zouaves avec qui on n’a jamais pu prendre la liaison. Il gagne ensuite le P.C du Colonel Lanchères du 110ème qui se trouve à 250 mètres du front.
« Ce trou, mais c’est sans gravité ! » assure le chef du 110ème. « Vous allez avoir un secteur bien calme, mais intéressant, vous pourrez vous amuser ! » lance-t-il, goguenard à Boud’hors qui reste sceptique.
Le Commandant du 33ème est trop méfiant de nature pour ordonner la relève de son Régiment avant de faire vérifier sur place par un de ses officiers, les conditions dans lesquelles elle va pouvoir être exécutée.
Il envoie le Capitaine Charles de Gaulle, son ancien Officier Adjoint, en mission de reconnaissance car il estime être la personne la plus capable à s’acquitter d’une telle mission.
Son entrevue avec le capitaine Destouches du 110ème fut assez virulente. Destouches qui avec ses officiers subissent un incessant bombardement, qui fatigue les nerfs, depuis 3 jours acceptent mal les réflexions de cet « énergumène ».
Plusieurs versions de cette entrevue ont été publiées dont celle-ci qui, que l’on prête au Capitaine Destouches, est la plus pittoresque !
Le capitaine qui vient me relever se présente, badine à la main, gants beurre frais, l’air conquérant, dans le vêtement tout propre et tout juste bon à se promener sur le boulevard.
« Attention De Gaulle, vous êtes un peu voyant ! » je lui lance.
De Gaulle est stupéfait de ce qu’il voit.
Il écrira : « Ni tranchées, ni boyaux, ni réseau de fil de fer ne défendent la première ligne, aucun croquis et aucun abri pour les troupes… N’existent que des entonnoirs de bombes et d’obus dans lesquels les hommes s’entassent ! »
Le capitaine n’en revient pas, voilà la zone que va devoir tenir le 33ème quand il va venir relever le 110ème !
Et de Gaulle repart, comme il était venu, Hautain, avant de faire son rapport au Colonel Boud’hors qui ne pourra pas en prendre connaissance avant les événements du lendemain.
C’est dans ces conditions que le 33ème sera en position à 02 heures le 02 mars 1916.
Retranscription des mémoires de Franz Boud’hors (Source verdun-meuse.fr) :
Bien que convaincu par les dires de son subordonné, le colonel du 33e R.I. n’a qu’une faible marge de manœuvre. Il se contentera de faire transmettre ces renseignements au niveau de la brigade, mais ne peut aucunement sursoir à la relève. A leur arrivée dans les tranchées de premières lignes, les hommes du 33e R.I. sont très surpris par la nature des positions : pas de tranchées mais de simples trous d’obus reliés les uns aux autres par des boyaux peu profonds et hâtivement creusés. On est loin des organisations du front de l’Aisne avec ses multiples lignes de défenses avec fils de fer et tranchées au tracé parfaitement étudié. En outre, la situation tactique du 33e R.I. est mauvaise, comme le signale le Lieutenant-Colonel Boud’hors : « nos premières lignes n’ont aucune vue et que, devant elles, un dos d’âne empêche de dépister ce qui se passe en avant d’elles et, en particulier, dans ce ravin dont la tête aboutit près de l’église de Douaumont. » Les deux lieux évoqués par l’officier sont le massif du Chaufour et le ravin de Helly.
La 10e compagnie du 33e R.I commandée par le Capitaine de Gaulle, relève la 12e compagnie du 110e R.I., dans la partie gauche du village, où se situe l’église. L’emplacement du poste de commandement du capitaine de Gaulle n’est pas connu avec certitude. Toutefois, on peut avancer l’idée que, placé quelques dizaines de mètres en retrait de la ligne de feu, il se situe dans une cave ou un bâtiment en ruines du village de Douaumont. Au-delà de l’église, dans les différents replis de terrain, les troupes allemandes fourbissent leurs armes. Les Régiments d’Infanterie de la 5ème et 6ème « Divisionen d’Infanterie du IIIe Armee-Korps » ont pour mission de s’emparer, dès le 2 mars, du village de Douaumont.
02 mars 1916 :
Les mouvements se font encore de nuit et vers 2 heures du matin, le dispositif retenu est le suivant (carte 7) :
- Le 3ème Bataillon du Commandant Cordonnier ira dans le village se Douaumont
- Le 1er Bataillon du Commandant Lagrange sera entre le village et le Calvaire (carte 8)
- Le 2ème Bataillon du Commandant de Bruignac dont les 4 compagnies, 5,6,7et 8 sont en réserve vers Fleury
Détails :
- Le 3ème Bataillon, avec la 6ème compagnie du 2ème Bataillon à sa disposition en soutien, se place devant le dispositif de l’ouvrage en « Dents de scie » à l’Eglise de Douaumont incluse
- Le 1er Bataillon avec la 5ème compagnie en soutien à sa disposition se place de l’Eglise (exclue) au Calvaire
- La compagnie de mitrailleurs Rives est avec le 1er Bataillon
- La compagnie de mitrailleurs Baggio avec la 8ème compagnie à la Redoute- Poste de secours
- La 7ème compagnie est à Fleury
Aussitôt en position, le commandant du 33ème fait un rapport d’installation au Général Commandant la 3ème Brigade où il signale la précarité de la situation.
La forte menace que constitue le Fort de Douaumont où :
« Au début, il y avait peut-être peu de monde mais d’où opèrent déjà des mitrailleuses et un canon-revolver et dont la masse couvrante permet hors des vues les rassemblements les plus importants ; et la nécessité d’accabler ce fort par notre lourde » (l’artillerie lourde).
Il note aussi que la position n’a aucune vue et que devant elle, un dos d’âne empêche de voir ce qui se passe de l’autre côté et en particulier dans le ravin dont la tête aboutit près de de l’Eglise de Douaumont.
Nul ne sait encore le déluge, l’horreur qui va se passer dans quelques heures !
L’attaque de Douaumont
Évènements du 02 au 08 mars 1916
Les combats qui se déroulèrent durant ces quelques jours représentent la journée la plus sombre de l’Histoire du Régiment.
En peu de jours, le 33 perdit 1/3 de ses effectifs : Tués, blessés, disparus ou prisonniers.
Les actes de bravoures sont innombrables.
Même si le bilan est catastrophique, l’ordre du Général Pétain qui coordonnait les actions de Verdun avait été scrupuleusement respecté :
« Personne n’avait reculé ! »
Ces événements, montrent à la fois la violence des combats et la confusion des Hommes face à leur destin qui pour beaucoup marquera la fin de leur vie.
02 mars 1916 : Perte et reconquête du village de Douaumont sur la journée.
Dès 6h30 du matin, les Allemands procèdent à un bombardement effroyable d’artillerie lourde. Les hommes habitués aux calibres ennemis reconnaissent les tirs de 380, de 305, de 210, de 150 et de 105 ! Toute la panoplie de ce que possèdent les ennemis, y compris des obus à gaz dont on ne sait si on a à faire à du gaz mortel ou non.
Les obus pleuvent drus et serrés et sans interruption sur toute la largeur du secteur et sur une profondeur de 3 km sans que « 0,50 m de terrain n’échappe au bombardement ».
Le Général Duplessis, Commandant la 3ème Brigade d’Infanterie, prend à 8 heures le commandement du secteur allant du Calvaire (600 à 800 m à l’ouest de Douaumont) à la lisière Est du village.
Son PC d’abord établi dans une cave au nord du village est transporté vers 13 heures au sud dans un abri voisin de celui du commandant de l’Artillerie (Le Commandant Gravini).
Pendant de longues heures, le Général Duplessis essayera de collecter le maximum d’informations qui sont épisodiques et peu rassurantes. Les Français subissent et le général semble débordé par les événements.
A partir de 10 heures, le bombardement prend une intensité particulière sur la 1ère ligne avec l’envoi d’obus de gros calibres qui font tir de barrage sur nos lignes arrières. Des obus lacrymogènes sont signalés sans que l’on sache s’ils sont nombreux.
La terre tremble sans interruption, jusqu’au milieu de l’après-midi. Le fracas est inouï, la fumée et la poussière s’accumulent dans une sorte de brouillard humide qui colle au visage et partout d’ailleurs. Les hommes dans leurs abris inondés et si sommaires ne savent quoi faire.
Toute liaison vers l’avant comme vers l’arrière est impossible, tout téléphone est coupé.
Tout agent de liaison envoyé est un homme mort.
Malgré tout, il faut savoir et on envoie toujours et toujours et cela en vain jusque 16 heures.
Et ces agents de liaison qui ne reviennent pas, Ramecourt, le caporal Roth etc…
Et enfin, un des derniers ‘’agent de liaison’’, Moulu, envoyé il y a déjà longtemps revenait blessé et hagard en lançant à la ronde :
« Les Allemands sont à 20 mètres de nous ! »
« Les Allemands sont à 20 mètres de nous ! »
Perte du village 02 mars :
Il est évident pour l’Etat-Major que l’intense bombardement laisse prévoir une attaque.
On demande à l’artillerie de la 39ème D.I de s’efforcer à l’enrayer en accélérant son tir.
C’est ce qui se produisit dans le courant de l’après-midi. L’ennemi après une lente infiltration attaque en force les faces Nord, Est et Sud-Est du village qui est enlevé.
L’irruption des Allemands est largement facilitée par l’absence de liaison à droite avec les zouaves et l’existence au profit de l’ennemi du cheminement couvert constitué par le Fort et les ouvrages qui l’avoisinent à l’ouest (voir croquis du Capitaine de Gaulle).
Le Bataillon Cordonnier qui occupait le village est surpris par la vague d’assaut allemande. Les forces engagées sont phénoménales. Mais comme il fut écrit :
« Le 3ème Bataillon se fait tuer jusqu’au dernier homme ».*
Dès les premiers symptômes de l’attaque, des renforts sont demandés à la 153ème D.I.
La confusion est à son paroxysme, au P.C, on manque d’information, on n’y voit rien, on ne peut rien décider !
Puis nous arrive le soldat Joly, blessé qui a pu parvenir jusqu’au P.C et tel le soldat grec Philippides annonce avant de s’écrouler de fatigue.
« Douaumont est aux mains des Allemands ! »
*Nous reviendrons sur différents récits de cette bataille de Douaumont du 02 mars 1916 notamment avec les récits du Capitaine de Gaulle dans des articles à venir.
Reconquête du village 03 mars :
Résumé des événements (développés plus bas dans le récit. Voir : L’évolution de la situation sur le village de Douaumont).
Le soir du 03 mars, vers 16 heures, le village fut violemment bombardé par l’artillerie française. C’était le prélude d’une contre-attaque, encore une !
A partir de 17h45, l’artillerie redouble l’intensité de son tir sur Douaumont, concentrant les impacts sur le Bois du Chauffour et l’intervalle entre Douaumont et le fort à l’Est (carte 8).
Les événements :
Les ordres :
A 17h45, la 95ème Brigade commandée par le Colonel Pollachi (170ème et 174ème) doit procéder à la contre-attaque. Le 174ème seul au début. Les unités du 170ème se joindront peu après à l’attaque.
« Les unités du 174ème viendront se mettre en liaison, à la gauche avec les unités du 33ème et à la droite avec les unités du 73ème de Beaucorps et devenant les éléments du système les plus rapprochées de l’ouest et du sud-ouest de Douaumont. »
« A 17h45, l’infanterie s’élancera à l’assaut. Lorsque le contact se produira, elle sera soutenue de notre côté par les mitrailleuses qui prendront d’écharpe l’ennemi qui passait fréquemment et en groupe entre l’église et la lisière Nord-ouest du village. »
Le déroulement : Pile à 17h45, comme convenu, le 1er Bataillon du 174ème du Commandant Marotte ‘’est rendu’’ dans la ravin de la ferme de Thiaumont et part résolument à l’attaque.
Le 3ème Bataillon Gillmann du 174ème le remplace sans délai dans le ravin de Thiaumont.
Le 3ème Bataillon du 170ème se présente peu après sous le Commandement du Capitaine Eliot avec pour mission d’attaquer la partie Est du village tandis que le Bataillon Marotte du 174ème attaquait la partie Ouest.
L’artillerie exécute les tirs qui lui ont été prescrits sur le village de Douaumont et allonge son tir vers 18 heures 10.
On peut lire dans le compte-rendu du Lieutenant – Colonel Dubois écrit à 19h12 précises :
« A 19 heures, le village est repris par le 3ème Bataillon du 170ème (capitaine Eliot) qui est arrivé peu avant et le 1er Bataillon du 174ème (commandant Marotte). »
Le 1er Bataillon du 174ème investit alors le village, fouille les maisons en ruines, tue les occupants et s’établit à la lisière nord. Toutefois l’église n’est pas encore prise elle tient grâce à des mitrailleuses cachées dans ses ruines.
Les opérations ne sont pas terminées mais le lieutenant-Colonel Dubois, tout à la joie du succès de son régiment ne sait pas que les unités du 174ème dans le village ne sont pas débarassées de la résistance allemande (ce que nous verrons un peu plus bas).
Le commandant Marotte est alors blessé et remplacé par le Capitaine Nathan, il est alors 20h10 dans le village.
*
A 20h30, la prise du village se confirme et en même temps arrive l’avis du colonel Commandant le 33ème régiment d’Infanterie qui constate que : « l’ennemi ne poursuit pas son succès ».
« Quoique l’attaque soit également violente à l’ouest du village, le 1er Bataillon résiste sur ses positions en faisant à la fin de la journée un crochet défensif face à l’Est. »
La coupure faite dans la ligne entre le Bataillon du 33 et les Zouaves est bouchée dans la soirée par la 8ème compagnie du 33ème qui était en réserve avec la compagnie de mitrailleuses de Baggio et 2 compagnies du 73ème (11 et 12ème) avec le Capitaine de Beaucorps. Elles furent bientôt prolongées par 2 compagnies du 110ème.
Pour le 33, les opérations s’arrêtèrent jusqu’au lendemain.
« Reste en réserve de Brigade avec deux compagnies du 73ème occupées la nuit à l’organisation défensive de Fleury devant Douaumont et au ravitaillement de 1ère ligne. »
Pour les 170ème et 174ème, la lutte continue.
*
Place au récit retranscrit du J.M.O du 33ème R.I sur les événements du 02 mars (1ère partie)
Il semble que ce récit soit l’œuvre du Lieutenant Aros-Delange (l’Officier Adjoint depuis le 25 octobre 1915).
Avant cela, le rédacteur des lignes retranscrites ci-dessous, doit répondre dans la soirée vers 21 heures à une situation nouvelle et inquiétante et raconte :
« On signale une patrouille bavaroise qui s’avançait sur le chemin de Douaumont à Fleury.
Je fais un groupe avec 4 cyclistes, 3 agents de liaison et revolver au poing, nous nous préparons à défendre coûte que coûte, cette voie d’accès. A la faveur de la nuit qui tombe, « cela peut faire illusion » et je me raccorde avec une section de zouaves qui se trouve sur les pentes à l’est du chemin Fleury-Douaumont. »
Il est alors 22 heures ! Le rédacteur reprend son récit des événements :
Le Colonel reçoit confirmation du rétablissement dans la continuité du front avec l’apport des compagnies du 73ème et du 110ème.
Le colonel commandant le 33ème R.I recevait alors par l’adjudant Dumont du 1er Bataillon blessé, qui lui fait un rapide compte rendu de la situation.
En fin de journée, il résume la situation qui est la suivante :
- Le 1er Bataillon est à sa place, sa droite formant un crochet défensif face au village de Douaumont
- Le 3ème Bataillon est anéanti
- La 8ème compagnie forme barrage au sud de Douaumont avec les 11ème et 12ème compagnies du 73ème et les 2 compagnies du 110ème envoyées en renfort
- Il avait fallu que l’obscurité fut revenue pour que le terrain battu d’une façon intense par l’artillerie, les feux d’infanterie et des mitrailleuses des Forts s’atténue
Peu de temps après, le 03 mars à 0h25, un autre compte rendu du Lieutenant Desaint donnait la confirmation de la situation :
« Le 1er Bataillon tient toujours ses positions avec des effectifs affaiblis ; il a fait barrage face au Fort de Douaumont et empêché toute infiltration de l’ennemi vers nos lignes après que le 3ème Bataillon eut été anéanti dans le village. »
*
Le 03 mars 1916 :
On résumait alors la journée du 02 avec les éléments que l’on possédait :
La Capitaine Ricatte commandait le 1er Bataillon pratiquement depuis le début, le Commandant Lagrange ayant été blessé ou tué, ou ayant disparu dès les premiers instants du bombardement vers 7 heures du matin.
Que s’était-il passé ce 02 mars ?
Voici ce qui peut être reconstitué comme exact d’après les quelques survivants du 3ème Bataillon et les combattants du 1er Bataillon.
Le 3ème Bataillon a été l’objet de la 1ère attaque allemande et cela s’explique par les conditions topographiques et la situation des lignes.
En effet, la défense du village ne s’effectuait pas dans le village même mais à une trentaine de mètres environ en avant des maisons, d’où résultait que le village était un masque entre cette ligne et la réserve.
Or les Allemands en débouchant du flanc du Fort de Douaumont et de positions où on ne les soupçonnait pas (ouvrage en dents de scie et emplacement de batterie proche de cet ouvrage), se trouvaient tout à fait en arrière des lignes et débordant même la compagnie de réserve.
En face de l’église, comme il a été déjà dit, la tête du ravin où se trouvaient des rassemblements importants n’était pas visible.
C’est de ces 2 côtés à la fois que les Allemands, vers 13h15, se sont lancés, à la faveur du bombardement qui avait déjà haché les lignes, fait sauter les mitrailleuses et bon nombre de fusils, pour envelopper le 3ème Bataillon.
Les compagnies étaient de la gauche vers la droite dans l’ordre 12-11-9-10 (La carte 9 inverse les positions des 9ème et 10ème compagnie ! Le plan semble avoir été fait d’après les carnets de Franz Boud’hors. La suite du récit conforte l’ordre 12-11-9-10).
C’est donc sur la 12ème et à la gauche de la 10ème, sur la 1ère compagnie du 1er Bataillon que s’est porté l’effort ennemi.
Les premiers qui furent vus, furent les Allemands déboulant du fort avec des casques français.
Le Commandant Cordonnier qui se trouvait derrière le centre de de la 11ème compagnie cria : « Ce sont des Français » et… tomba blessé ou tué d’une balle à la gorge, tandis que l’adjudant de Bataillon Baers s’écriait : « Tirez, tirez toujours ! Ce sont des Allemands » Faisant le coup de feu lui-même avec furie.
Mais pendant que la première ligne tirait, les Allemands arrivaient sur la compagnie de réserve. Déjà décimée par le bombardement et qui, dans un boyau de quelques centimètres de haut, n’avait aucun moyen de se mouvoir, la réserve fut bientôt annihilée.
Pendant ce temps, le mouvement s’exécutait plus largement encore par la gauche du village et les Allemands bientôt se trouvaient derrière la 10ème compagnie (du Capitaine de Gaulle).
C’est alors qu’on vit cette chose magnifique et que contempla avec un sentiment d’admiration et d’épouvante la 4ème compagnie toute entière et qui racontèrent : « On vit la 10ème compagnie foncer droit devant elle sur les masses ennemies qui gagnaient le village et se livra à un corps à corps terrible où les coups de baïonnette et de crosses s’abattaient tout autour de ces braves, jusqu’au moment où « succombèrent sous le nombre », on les vit tomber submergés !
Mais cette lutte du 3ème Bataillon n’avait pas été sans porter ses fruits puisqu’en même temps qu’elle faisait des victimes, elle permettait au 1er Bataillon de jouer un rôle utile et brillant et de rendre vain un succès que les Allemands croyaient pouvoir escompter et dont ils espéraient d’importantes conséquences.
Le 1er Bataillon avait remarqué combien le village souffrait des bombardements ; la 1ère compagnie avait subi de très fortes pertes.Vers 14h30, l’ennemi allongea son tir, immédiatement tout le monde fut alerté en vue d’une attaque d’infanterie.
Vers 15 heures, on entendit dans le village les cris de :
« En avant, à la baïonnette ! »
C’étaient les éléments restant du 3ème Bataillon aux prises avec l’ennemi !
Presque au même moment d’ailleurs, le Capitaine Ricatte, qui dirigeait dorénavant le 1er Bataillon aperçut des tirailleurs se glissant dans Douaumont et en gagnaient la sortie sud-ouest.
C’était l’ennemi !
La situation était critique, la droite était découverte et l’ennemi, qui avait gagné la sortie sud-ouest de Douaumont, montant la crête et voulait s’élancer dans la direction de la ferme de Thiaumont (à 800 m sud du village, carte 8).
En effet, ayant eu l’impression que le Commandant Lagrange avait été tué ou blessé, le Capitaine Ricatte, commandant la 3ème compagnie, prit alors le commandement du Bataillon, ordonnant au Bataillon de tenir jusqu’au bout et prit les dispositions suivantes :
- Une mitrailleuse à l’extrémité Est du petit élément de tranchée de soutien de la 3ème compagnie et avec la section de soutien, il arrêta par le feu les tirailleurs ennemis qui avaient gravi la crête
- Se voyant pris à parti, ceux-ci firent demi-tour, nous répondirent et après avoir essuyé de fortes pertes, regagnèrent très vite le village de Douaumont (sur une centaine qu’on vit monter, on en vit à peine 20 redescendre)
- Craignant alors que l’ennemi en débouchant du village, réussisse à gagner le ravin à 250 mètres au sud de la position et ne s’y massât pour nous attaquer à revers, le Capitaine Ricatte envoya en même temps une patrouille commandée par le sergent Leduc et composée des soldats Félix, Tellier et Cacheux
- Seul, Tellier put arriver et resta chargé de prévenir en tirant si l’ennemi paraissait dans ce ravin
- Les autres patrouilleurs furent blessés de coups de feu partant du village
- En même temps, en cherchant la liaison avec l’arrière, l’agent de liaison Magne fut tué, Quin et Clément blessés
- Le soldat Haverland, qui ensuite se présenta volontairement, réussit enfin ; mais il était très tard quand il partit (17 heures) et il mit plus de 2 heures à faire le trajet et joindre le P.C.
- Jusqu’à la nuit, la mitrailleuse tira sur la lisière Ouest du village et le débouché sud-ouest prenant à parti les nombreux groupes ennemis qui se présentaient
- A droite, pendant ce temps, un peloton de la 1ère compagnie avait été anéanti et on établit un solide barrage dans la tranchée, 20 mètres à l’ouest de la sortie du village
- A la nuit tombante, le front fut modifié pour former un crochet défensif face à l’est
- Un peloton de la 2ème compagnie fut placé en distance pour battre la lisière ouest et la sortie sud-ouest de Douaumont
- Une section fut envoyée dans le ravin pour le tenir sous son feu
- La mitrailleuse soutenait le 1er peloton de son action énergique
- Le soir, la liaison à droite peut être établie et on sut que la crête à 800 mètres sud de Douaumont, était tenue par nous »
Et voilà le récit de ce que vécurent les fantassins du Régiment en cette terrible journée du 02 mars. On ferait le bilan en pertes un peu plus tard. On sentait qu’il serait terrible !
- La nuit du 2 mars fut relativement calme, l’ennemi travaillait dans le village, principalement entre l’église et la lisière ouest
- Le Bataillon continua à aménager ses tranchées, les éléments présents en créèrent de nouvelles, une communication continue fut faite entre la 1ère ligne et l’élément de tranchée en arrière et le peloton de la 2ème compagnie
C’est ainsi que se termine la première partie du récit de la Bataille de Douaumont. Récit sur cette journée du 02 mars 1916.
Ce récit montre que les Allemands avaient exploité les faiblesses françaises. Les chefs français avaient subi les événements en n’ayant aucune prise sur ceux-ci. Il furent dépassés toute la journée et réussirent péniblement à contenir l’ennemi en fin de journée ! (contrairement à ce qu’il sera raconté dans le bilan général).
Heureusement que les chefs rescapés et au cœur de la mêlée surent, eux, gérer et récupérer la situation en rectifiant les manques et aveuglements de leurs supérieurs ! Il y eut des centaines de victimes !! Mais on en parle encore peu ou… pas du tout !
On redoutait les événements du 03 que chacun pensait terribles !
*
L’évolution de la situation sur le village de Douaumont :
03 mars 1916 :
On note au P.C de la 3ème Brigade que :
« Chacun reste sur ses positions « en combattant » ! » (ce qui peut se traduire par : « la poussée allemande a été enrayée »).
Ce qui permet d’envisager avec sérénité la suite des opérations.
Dès le petit jour, le 110ème envoyé en renfort organise une ligne de tranchées au sud du village. Il se relie à l’Est avec les zouaves et à l’ouest, vers le Calvaire, avec le 146ème. La gauche du dispositif est tenue par le premier Bataillon du 33ème qui reste sur ses positions.
Nous verrons un peu plus bas le rôle du 33ème R.I dans cette journée du 03 mars qui marquera la reprise du village de Douaumont.
De nouvelles directives sont prises pour les actions envisagées pour la journée du 03 mars 1916.
Suite à l’entente avec le Général Deligny commandant la 153ème D.I, les deux Régiments de la 95ème Brigade du Colonel Pollachi (170ème et 174ème R.I) vont intervenir.
Au 174ème :
Le Lieutenant-Colonel Dubois, Commandant le Régiment, est appelé d’urgence au P.C à 3 wheures du matin. Ce n’était prévu qu’à 8 heures du matin.
« La situation doit-être grave ! Pense-t-il ! »
Il se rend donc à Souville.
Il voit alors le Général Commandant la 153ème D.I. qui lui demande de se mettre à la disposition du Général Duplessis commandant la 3ème Brigade à Fleury avec ses 2 bataillons en repos à la caserne Chevert.
Un Bataillon du 170ème relèvera le Bataillon du 174ème qui était dans le secteur de Vaux et avait résisté à une contre-attaque ennemie.
A 10h30, le Lieutenant-Colonel Dubois reçoit les ordres suivants :
Ordre Général d’Attaque :
- Après entente avec le Général commandant la 153ème D.I et le Général commandant la 3ème Brigade, le Bataillon du 170ème R.I et les 2 Bataillons du 174ème R.I sous les ordres du Lieutenant-Colonel commandant le 174ème R.I attaqueront aujourd’hui le 03 mars à 17h45 le Village de Douaumont.
- L’attaque partira du Ravin de la Ferme de Thiaumont par deux bataillons en 1ère ligne et 1 en réserve. Elle sera flanquée à droite par les éléments en première ligne des éléments de la 3ème Brigade qui attaqueront sur les maisons au sud-est du village.
- Le Lieutenant-Colonel commandant le 174ème R.I prendra ses dispositions pour que les 3 bataillons placés sous ses ordres et actuellement rassemblés dans ‘’Le Bois des Chapitres’’ (Carte 12) se trouvent à 17h15 face à leurs objectifs, prêts à attaquer.
L’Artillerie :
Le 39ème Régiment d’artillerie recevra directement ses ordres du Général Commandant la 3ème Brigade.
Les objectifs sont la région au Nord de Douaumont et les coupoles de mitrailleuses sur le Fort.
Ordres donnés verbalement.
Un tir de barrage se fera sur toute la région au nord de Douaumont.
Signé « Deligny » Commandant la 153ème D.I.
Ordres de Détails :
- Artillerie de campagne : Les ordres ont èté donnés verbalement au Commandant de l’A.D.39. en présence du Lieutenant-Colonel Dubois du 174ème.
- L’ordre est donné à la 170ème prendra position dès 15h30 près de la ferme de Thiaumont pour, qu’au moment où le 174ème partira à l’attaque à 17h45, les unités de son régiment soient en liaison par la gauche avec les unités du 33ème R.I les plus rapprochées de l’ouest et du sud-ouest de Douaumont. C’est donc une opération de glissement à prévoir et à réaliser pour 17h45.
- Les 2 compagnies sous les ordres du capitaine de Beaucorps (11ème et 12ème du 73ème R.I) prendront leurs dispositions pour se joindre à l’attaque du 174ème et opérer à sa droite en prenant comme objectif les maisons de la corne Sud-Est. En cas d’extrême urgence, un bataillon du 110ème devra être prêt à suivre le bataillon en réserve du 174ème. L’artillerie ouvrira son feu à 17h45, et précédera la progression de l’infanterie.
- Il faut absolument que nous prenions pied dans Douaumont et que nous nous rétablissions dans cet élément de nos lignes d’hier !
On devra donc occuper Douaumont et s’y installer solidement.
Signé : Général Duplessis Commandant la 3ème Brigade.
*
Les événements de la reprise de Douaumont par la 95ème Brigade commandée par le Colonel Pollachi (170ème et 174ème) :
Par l’ordre général n°117 du 20ème C.A, le 170ème était relevé dans la nuit du 2 au 3 mars du secteur de Vaux où il était stationné par le 409ème R.I.
Les unités relevées gagnent la caserne Chevert.
En exécution de l’ordre n° 13 de la 153ème D.I du 3 mars à 10h30 un bataillon du 170ème et 2 bataillons du 174ème sont mis sous les ordres du Général Commandant la 3ème Brigade afin de contre-attaquer le village.
Les Chefs de Bataillons se rendent à Fleury, où se trouve le P.C du Général Duplessis qui commande les opérations où ils reçoivent comme ordre : « Les unités du 170ème seront mises à disposition du 174ème R.I du Colonel Bertrand. »
En exécution de cet ordre, les 2 bataillons du 174ème et le 3ème Bataillon du 170ème et chacun avec une compagnie de mitrailleuses, quittent à 14 heures le Bois du Chapitre où ils étaient rassemblés depuis 8 heures du matin environ.
Ces unités se rendent à la ferme Thiaumont par un itinéraire qui a été reconnu au préalable par le Commandants de Bataillons et de compagnies.
L’ordre de marche étant le suivant :
- 1er et 3ème Bataillon du 174ème
- 3ème Bataillon du 170ème R.I.
Le Général commandant la 3ème Brigade ajoute comme renseignement verbal qu’il a lieu de s’attendre à une résistance vers la gauche du village tandis que la droite est soutenue par un fortin situé au Sud-Ouest du fort de Douaumont occupé par les nôtres*.
*Cette information va se révéler fausse, ce qui va remettre en question le déroulement des attaques et la possibilité de pouvoir conserver la possession du village de Douaumont.
Le 1er Bataillon du 174ème sous le commandement du Chef de Bataillon Marotte est rendu comme il est prescrit à 17h45 dans le ravin de la ferme de Thiaumont et part résolument pour l’attaque.
Le 3ème Bataillon (Commandant Gillmann, le remplace sans délai dans le ravin de Thiaumont.
Le 2ème Bataillon du 170ème se présente peu après sous le commandement du Capitaine Eliot avec pour mission d’attaquer la partie Est du village tandis que le 1er Bataillon Marotte du 174ème attaquera la partie Ouest.
L’artillerie exécute les tirs prescrits sur le village et allonge son tir à 18 heures 10.
Le 1er Bataillon du 174ème pénètre dans le village, fouille les maisons en ruines, en tue les occupants et s’établit à la lisière Nord. Toutefois, l’église n’est pas encore prise. Elle tient avec ses mitrailleuses cachées dans ses ruines.
Le Commandant Marotte est grièvement blessé (il décèdera le 12 mars à l’hôpital de Lyon) !
Le Capitaine de Mathan prend le commandement du 1er Bataillon ; il est 20h10.
A 21h30, le Capitaine Eliot, Commandant le 3ème Bataillon du 170ème , fait savoir au Lieutenant-Colonel Dubois que son bataillon occupe la lisière Nord du village et qu’il est en liaison avec le 73ème qui occupe les maisons Sud-Est.
Le Lieutenant-Colonel Dubois met alors la 9ème compagnie à sa disposition sous la direction du Sous-Lieutenant Grün. Ce dernier rend compte peu après que sa compagnie soit en position dans le village et que tout marche bien.
Donc à 22 heures le village de Douaumont est entre nos mains. Nous en occupons la lisière Nord d’un bout à l’autre. Toutefois l’église qui est isolée du village à une cinquantaine de mètres au nord du village, n’a pas pu être occupée par nous. Elle est organisée fortement avec des mitrailleuses allemandes.
Le Lieutenant Henry s’efforce de prendre d’assaut mais disparait avec une partie de sa compagnie.
« Tout reste calme devant nous jusqu’au matin. » Telle fut la conclusion du rédacteur du J.M.O du 174ème R.I.
Le 33ème dans cette journée du 03 mars 1916 :
Les unités engagées sur le secteur de Douaumont, ne sont pas sollicitées pour la reprise du village de Douaumont. On lui demande de tenir le secteur entre Douaumont et le Calvaire.
Zone de terrain susceptible d’être attaquée par les Allemands pour envelopper les troupes massées devant le village de Douaumont.
Les faits racontés sur le journal de marche du 33ème :
« Le matin du 3 mars de nombreuses reconnaissances ennemies furent aperçues à la sortie Sud-Ouest de Douaumont. Elles furent chaque fois dispersées par notre feu.
De nombreux groupes ennemis qui traversaient fréquemment le village furent pris à parti de la même façon.
Le soir, vers 16 heures, le village fut violemment bombardé par nous. C’était le prélude d’une contre-attaque.
Lorsqu’elle se produisit, elle fut soutenue de notre côté par les mitrailleuses qui prirent d’écharpe l’ennemi qui passait fréquemment et en groupe entre l’église et la lisière Nord-ouest du village.
A la nuit tombante, la contre-attaque française réussit à pénétrer au sud du village et la liaison s’établit avec lui.
Les Allemands pour enlever notre ligne attaquèrent à 2 reprises successives.
A 20 heures, une attaque violente se déclanche sur note front Nord et furent arrêtée par notre feu.
La 2ème pièce de mitrailleuses fut portée sur le front Nord et lorsque vers minuit la 2ème attaque plus violente encore se déclanchait, elle fut brisée par le feu de l’infanterie et de mitrailleuses.
Seuls 4 Allemands parvinrent dans nos lignes 2 à la 4ème et 2 à la 3ème. Ils furent tués.
Les opérations en restèrent là pour le 33ème, en attendant la relève de la prochaine journée. »
On imagine que la nuit fut lugubre avec les cris des innombrables blessés, estropiés et agonisant que l’on ne pouvait secourir !
Le lendemain matin, de nombreux cadavres, (600 pour le moins) gisaient devant la tranchée.
Une pièce de mitrailleuses fut remise sur le front Est.
04 mars 1916 :
Le lendemain matin Au P.C. de la 3ème Brigade, on estime que la situation est somme toute inchangée pour les troupes. On se rassure car on sait que le 1er Bataillon du 33ème résiste toujours sur la ligne qui va du Calvaire à l’ouest du village.
Mais ce que les combattants de 1ère ligne redoutaient s’avère encore plus terrible que ce que les plus pessimistes redoutaient. De nombreux cadavres, (600 pour le moins gisaient devant la tranchée. Mais il faut continuer à tenir. Les Allemands vont revenir c’est évident.
Les soldats encore valides du 33ème R.I sont déployés à la sortie sud-ouest du village de Douaumont avec des renforts de la 4ème compagnie du 174ème. Le jour n’est pas encore levé que les hommes du 33 voient à 6h30, l’ennemi avançant ‘’de front et de flanc ’’. On voit clairement que les troupes ennemies ont reçu l’ordre d’attaquer le village de Douaumont.
Les opérations pour le 33ème :
Les sentinelles du 33ème remarquent rapidement que :
« L’ennemi tente de progresser vers nous par les tranchées. Les fantassins allemands progressent vite. Nous prévenons nos supérieurs mais, les fantassins allemands arrivés à nos lignes, attaquent soudainement à la grenade.
Le procédé provoqua aux 1ère et 2ème compagnies un moment de surprise ce qui permit aux assaillants de faire une dizaine de prisonniers dans nos rangs.
Dans le réseau de tranchées, un barrage fut établi, qui arrêta le mouvement. Ordre fut donné de reconquérir le terrain à la grenade.
Le sergent Noël avec sa section y réussit.
Un 2ème barrage solide fut établi à 40 mètres à la lisière ouest du village.
Pour le 33ème, le reste de la journée fut relativement calme.
Le soir, la liaison fut établie à gauche avec le 201ème qui venait de se placer entre nous et le 146ème. »
A droite, pour consolider le dispositif, une patrouille se mit en liaison avec le 110ème qui était placé environ à 200 mètres au Sud-Est de Douaumont puis avec la 8ème compagnie du 33ème.
Même si la vigilance ne faiblit pas, pour le 33ème, la nuit fut calme, le Bataillon aménagea les emplacements où il était et créa une communication entre la 1ère ligne et la section du ravin.
Pour le 33ème à part l’alerte du matin, les opérations furent limitées en ce 04 mars.
Il n’en était pas pareil dans les secteurs des 170ème et 174ème R .I.
Face au village, les unités organisent le secteur pour empêcher « une surprise » comme 2 jours avant.
Une section de mitrailleuses est installée sur le front Est.
Encore en arrière, des unités de 2 bataillons du 170ème (les 1er et 2ème Bataillons sont au repos à la caserne de Chavert) et du 174ème restent en soutien en 2ème ligne à la lisière sud du village.
Le 110ème reste en arrière comme aide pour parer à une contre-attaque allemande.
Le dispositif est à peine en place que ce matin du 04 mars, vers 6 heures 30, les Français voient les Allemands surgir en nombre dans le village que les troupes françaises occupaient depuis la veille.
C’était en fait le contenu par trop optimiste du rapport diffusé par le Général Duplessis à qui on avait confié la coordination des actions dans le secteur. « La présence d’Allemands dans l’église ayant été occultée. »
Pour lui, le village était solidement tenu !
Rapidement Des Allemands parviennent à pénétrer dans les maisons au sud-est du village. Une lutte se poursuit pied à pied.
Cette première attaque est repoussée à 7h30 malgré un tir d’enfilade des mitrailleurs allemands sur la 1ère compagnie du 174ème qui occupait le village. Ce tir provient de l’église et d’un fortin situé au sud-ouest du fort de Douaumont alors que ce fortin avait été signalé par la 3ème Brigade comme occupé par les nôtres* !
Le capitaine Eliot du 110ème demande des renforts au colonel commandant le 174ème R.I (Le reste du 170ème est à la caserne Chavert ; Les troupes les plus proches sont du 174ème).
La liaison à gauche n’est plus assurée. L’Artillerie ennemie exécute entre le village et le ferme Thiaumont un violent tir de barrage (carte 10).
A 8 heures :
Les Allemands contre-attaquèrent à nouveau dans le village ! Les 1ère, 2ème et 3ème compagnies du 174ème et le 3ème Bataillon du 170ème sont de nouveau attaqués très vigoureusement.
Les Français sont décimés par des tirs d’enfilade de mitrailleuses et par des feux d’artillerie et n’ont pu repousser l’attaque. Les compagnies du 3ème Bataillon du 170ème sont alors bloquées et doivent se terrer dans le moindre trou car devenant des cibles faciles dans ce terrain à découvert. Beaucoup y resteront près de 12 heures jusqu’au soir.
En même temps, une attaque sortie du fortin au sud-ouest de Douaumont a tourné le village et fait tomber la défense de la 2ème ligne au sud du village tenue par le 73ème et le 174ème , cette ligne étant comme la première ligne, prise d’enfilade par les mitrailleuses du fortin.
L’attaque ennemie est stoppée par la 4ème compagnie du 174ème, qui sous le remarquable commandement du Lieutenant Reboul a longuement résisté héroïquement sans les retranchements construits sans relâche et a d’ailleurs conservé sa position pendant 36 heures jusqu’à ce qu’elle soit relevée.
Vers 10 heures, on peut dire que les les Allemands ont repris le village.
A 11 heures, les 1er et 2ème Bataillons du 170ème qui étaient en repos depuis 24 heures à la caserne Chevert sont sommés de quitter leurs emplacements pour se porter dans le ravin sud-ouest du village de Fleury devant Douaumont et se mettent à la disposition du Général Duplessis commandant la 3ème B.I.
A 15h30, ces éléments se portent dans la direction de la ferme Thiaumont en vue d’exécuter à 17h45 l’attaque du village de Douaumont.
Les 2 bataillons du 170ème venant la caserne Chevert sont retardés dans leur marche vers Thiaumont par des tirs de barrage subis à hauteur de Fleury où ils subissent des pertes en hommes et officiers.
Ces unités n’étant pas arrivées pour 17h45, l’attaque est repoussée à une heure plus tardive.
Enfin, à 18h45 les 1er, 2ème Bataillons du 170ème et le 2ème Bataillon du 174ème se retrouvent rassemblés aux abords de Fleury sous le commandement du Colonel Bertrand, Chef de Corps du 170ème R.I. et reçoivent la mission de reprendre le village de Douaumont.
Aussitôt, le colonel Bertrand organise des reconnaissances en vue de préparer au mieux la reconquête du village.
Le mouvement de reconquête démarre. Les premières fractions se groupent à 19 heures au chemin d’accès à la Batterie annexe de la ferme Thiaumont où se trouve le P.C du Colonel.
Ce chemin est occupé par des éléments de 8 régiments.
33ème – 73ème – 110ème – 143ème – 156ème – 170ème – 174ème et le 9ème zouaves.
Cependant le Colonel Bertrand ne donne pas l’ordre de reconquête de Douaumont. Toute la journée, il a observé le front. La situation n’est pas claire Il attend des informations. Celles-ci enfin arrivent au moment même où l’attaque devait démarrer.
A 19 heures, arrivent au P.C, les Capitaines Eliot, de Nathan et Antoine qui en raison des bombardements allemands et les fusillades en terrain découvert, avaient séjourné dans l’eau, la boue et le froid durant 12 heures dans des trous d’obus et venaient « chacun pour son compte », le tenir au courant de la situation.
C’est alors que fût révélée avec un maximum de détails, la position exacte de l’ennemi.
Ces trois capitaines, firent savoir « de façon certaine » que l’ouvrage au sud-ouest du fort de Douaumont appelé « Crémaillère », contrairement à ce que l’on pensait en haut-lieu, était occupé non par nos troupes mais par les Allemands qui y avaient installé des mitrailleuses qui prenaient donc nos tranchées en enfilade.
Cette révélation expliquait donc qu’avec l’occupation de l’église du village, comment nos troupes qui avaient, malgré la fatigue des jours précédents enlevé le village de Douaumont la nuit, n’avaient pu s’y tenir de jour.
Il est évident que les lisières sud du village sont battues en permanence par des mitrailleuses ennemies, l’attaque des régiments ne peut se poursuivre et est suspendue jusqu’à 21 heures.
Jusqu’en fin de journée, les positions se stabilisent avec les Français établis au sud du village et les Allemands dans le village. Les hommes restent terrés dans tout ce qui peut servir d’abri. Et il fait froid, le sol est boueux et les trous remplis d’eau. Et c’est long d’attendre dans ces conditions ! On peut facilement l’imaginer !
Il est à supposer que les personnes présentes au P.C dont les Commandants de Régiments se concertèrent et prirent les décisions les plus indiquées.
La conclusion s’imposait d’elle-même : Une nouvelle attaque du village aurait immanquablement abouti à un même résultat. Arrivés tardivement sur le terrain, précédées par reconnaissances trop sommaires, les troupes ne sont pas en mesure de déclancher l’attaque à l’heure fixée.
Le Colonel Bertrand envoya sur l’heure un message au Général Duplessis commandant la 3ème Brigade pour l’éclaircir sur cette situation et lui faire comprendre comment une nouvelle tentative sur Douaumont était vouée au même résultat que celle de la veille.
En fin de soirée, seule eut lieu la préparation d’artillerie.
A 23 heures 30, le colonel commandant le 170ème R .I reçoit un ordre d’opérations de la 3ème Brigade pour la journée du 05 mars prescrivant une nouvelle attaque de Douaumont à prévoir dès le matin de ce 05 mars.
Au soir du 04 mars 1916,
« Le village était résolument perdu et les sentinelles observant le village annoncèrent avoir vu les Allemands faire passer des prisonniers désarmés près de l’église. Preuve supplémentaire qu’ils avaient la totale maîtrise des lieux ! »
Un communiqué officiel résumait la journée et envisageait la journée du 05 mars.
« Par ordre de la 153ème D.I, le dernier Bataillon du 174ème, deux Bataillons du 170ème se sont rapprochés de Fleury en vue de contre-attaquer une deuxième fois avec un dispositif identique à celui de la veille.
Arrivés tardivement sur le terrain, précédées par des reconnaissances trop sommaires, les troupes ne sont pas en mesure de déclancher l’attaque à l’heure fixée. Seule a lieu la préparation d’artillerie.
L’attaque remise au lendemain matin n’est pas encore fixée pour l’heure de départ. Elle sera précédée d’un tir violent d’artillerie lourde sur les ouvrages au sud-est du village et à l’ouest du fort d’où partent les feux de flanc et par où chemine l’ennemi. »
Mais la nuit allait en décider autrement !
*
Le 05 mars 1916 :
Les opérations pour le 33ème :
Le 05, nous dispersâmes les reconnaissances ennemies devant notre front et la sortie Sud-Ouest de Douaumont. Le bombardement était devenu moins violent.
Il convient de signaler que les attaques d’infanterie étaient accompagnées par l’action de minenwerfer puissantes et de flammenwerfer. Mais ces derniers n’ont pas pu atteindre notre ligne.
*
Le 05 mars 1916 :
Après contrordre donné dans la nuit, l’attaque n’a pas lieu.
Les opérations dans le secteur sont suspendues « jusqu’à nouvel ordre ». Leur reprise est fonction :
- des reconnaissances effectuées et de
- l’intérêt qu’il y a à fournir des efforts pour reprendre le village de Douaumont et ses alentours.
On a le même communiqué provenant de l’Etat-Major :
« La situation est inchangée pour la 3ème Brigade. »
Ce qui voulait dire en langage militaire « les régiments présents sur le terrain restaient sur la défensive avant d’être relevés ».
Pour la journée, dans les écrits du 33ème, seules ces lignes résument la journée :
« Le 05, nous dispersâmes les reconnaissances ennemies devant notre front et la sortie Sud Ouest de Douaumont. Le bombardement était devenu moins violent.
Il convient de signaler que les attaques d’infanterie étaient accompagnées par l’action de minenwerfer puissantes et de flammenwerfer. Mais ces derniers n’ont pas pu atteindre notre ligne. »
Ce qui voulait dire que les 2 ennemis étaient épuisés et que pour tout le monde, les actions étaient terminées dans le secteur en attendant la relève.
Les réorganisations sont d’actualité :
Dans la matinée du 05, le 2ème Bataillon du 170ème va à 300 mètres à l’ouest de la ferme Thiaumont. La feuille de route indique d’être en soutien immédiat du 33ème R.I.
Ils y allèrent ! Et ce qu’ils virent les épouvanta !
Des cadavres partout, des blessés qui criaient, gémissaient, qui sentaient la vie les quitter. Pensaient-ils au devoir accompli ? On ne sait !
Pour les survivants du 1er Bataillon du 33ème, c’était un soulagement et aussi une immense tristesse ! Celle d’avoir perdu tant de camarades, de Frères d’Armes en moins de 48 heures !
Dans la journée du 5, la Brigade Pollachi (170ème et 174ème R.I) relève la 3ème Brigade (33ème et 73ème R.I.).
Les éléments restant de la 3ème Brigade vont se reformer à la caserne Bevaux à Verdun
Le 05 au soir, les secteurs sont répartis :
Ordres 18 et 19 de la 153ème D.
- Celui du 33ème passe sous le commandement du colonel Luchère commandant le 110ème R.I qui installe son P.C à la redoute à cheval sur la route Fleury – Douaumont.
Le colonel du 33ème le suit dans le P.C en attendant les ordres.
L’ordre de relève arrive vers 16 heures.
A 22 heures 30, elle est commencée.
La relève s’échelonna jusque tard dans la nuit. Le secteur étant si difficile !
L’Etat-Major du Général Duplessis fonctionne jusqu’au 6 mars à 8 heures au P.C de Fleury.
La relève a lieu sans incident.
Le régiment vient donc le 06 mars cantonner à Verdun à la caserne Béveaux.
Le 06 mars, A 4 heures, le 110ème R.I l’avait remplacé sur la ligne.
06 mars 1916 :
L’Etat-Major de la 3ème Brigade d’Infanterie, est relevé à 8 heures par l’Etat-Major Pollachi, de la 95ème Brigade.
On commence à faire un premier bilan :
Du 26 février au 06 mars, les pertes ont été pour la 3ème Brigade de :
- 36 officiers et 1471 hommes au 33ème*
- 17 officiers et 664 hommes au 73ème
- 53 Officiers et 2135 hommes pour la Brigade
- Dont les Chefs de Bataillon Lagrange (disparu) et Cordonnier du 33ème qui est tué et Farjon du 73ème qui est blessé.
* Le nombre de victimes varie avec ceux donnés tout en bas de l’article. Ce qui n’est pas une erreur mais que les totaux n’incluent pas le même nombre de jours mais les chiffres sont cohérents dans… l’horreur.
07 mars 1916 :
La 3ème Brigade d’Infanterie reçoit l’avis qu’elle sera relevée le lendemain en auto-camions.
08 mars 1916 :
Le mouvement s’effectue sur l’ensemble de la journée et le 33 RI se retrouve ainsi :
- Etat-Major de la 3ème Brigade va au Château de Savonnières devant Bar
- E.M – C.H.R. 1er Bataillon – Compagnies de Mitrailleuses du Régiment – 1ère compagnie de mitrailleuses de la Brigade à Savonnières
- Le 2ème Bataillon à Resson
- Le 3ème Bataillon = décimé
Le 8 mars, le Régiment part se reconstituer à l’arrière.
Le 33ème a largement payé son tribut à la Bataille de Verdun, il fut un des premiers engagé dans cet enfer, il en fut un des plus touché !
Ces journées de Douaumont lui coûtèrent en tués, blessés ou disparus :
- 32 officiers et 1443 hommes (source Dumoulin)
Il va être dirigé vers un secteur à priori plus calme, Vendresse sur le « Chemin des Dames ».
*
Retranscription du J.M.O du 33ème R.I sur les combats du 02 au 06 mars 1915 dans le secteur de Douaumont (2ème partie)
Le 2 au soir, ayant la connaissance générale de la ligne du 1er Bataillon avec son infléchissement face au sud de Douaumont et de la ligne des 73ème et 110ème, le Lieutenant-Colonel du 33ème donna l’ordre au lieutenant Bachmann de faire une reconnaissance déterminant exactement la droite du 1er Bataillon et la gauche du 110ème pour mesurer l’intervalle à combler (de jour la liaison par les feux et à la vue existent mais la nuit ?).
Le lieutenant Bachmann fit cette reconnaissance dans des conditions très périlleuses et très fatigantes puisque parti de la Ferme Thiaumont vers la droite du 1er Bataillon, il doit fait revenir vers celle-ci pour chercher la gauche du 110.
De cette reconnaissance résulte la connaissance précise d’un intervalle de 100 mètres et d’une distance de 200 mètres.
Les lignes se présentaient sous la forme :
L’écart était dû à ce que la nuit, le 110ème avait suivi une direction a au lieu de a’.
La 8ème compagnie du 33ème fut alors envoyée pour combler le vide et faire une rectification qui constituait a ligne continue.
La 7ème compagnie envoya un peloton occuper à la « Redoute Poste de Secours » les tranchées tenues par la 8ème compagnie.
L’opération grâce à la reconnaissance du Lieutenant Bachmann le fit dans d’excellentes conditions.
Enfin, le 4 la nuit tombée, la 7ème compagnie fut envoyée pour renforcer le 1er Bataillon dont les effectifs continuaient à fondre sous l’effort des attaques et des bombardements ennemis supportés depuis trois jours = 1 peloton se portait vers le Calvaire pour fortifier la soudure avec le secteur voisin, où le 146ème venait d’être relevé par un Bataillon du 201ème ; l’autre peloton se portait à l’extrême droite pour rendre plus efficace encore la rectification de la ligne entre le 1er Bataillon et la ligne de la 8ème compagnie du 33ème et des compagnies du 110ème, point d’ailleurs important puisque c’était précisément le ravin par où s’était essayée l’infiltration allemande.
Le 33ème était alors engagé en entier ; Partout il tenait et, malgré les attaques avait fait des tranchées continues où on pouvait tenir. Dans ces combats de Douaumont, le Régiment perdit : tués, blessés ou disparus 32 officiers et 1443 hommes de troupe.
Il avait exécuté à la lettre l’ordre de Monsieur le Général Pétain Commandant l’armée et personne n’avait reculé ; on était touché sur place.
Le 3 au matin, le Général Commandant la Brigade communiquait au Lieutenant-Colonel commandant le 33ème un mot du Général commandant la 153éme D.I adressant les compliments au Lieutenant-Colonel Boud’hors pour le rétablissement qu’il avait opéré la nuit.
Quand le 33ème fut relevé par le 170ème, les officiers de ce régiment ne cachèrent pas leur émotion et leur admiration à leurs camarades du 33ème.
« Comment avez-vous pu tenir dans de telles conditions ? » S’étonnaient-ils en voyant l’accumulation des cadavres déchiquetés, la masse de nos blessés et aussi la somme considérable des Allemands qui jonchaient le terrain des attaques gisant éloquemment et la violence de l’agression et la ténacité acharnée de la résistance opposée par des bribes de compagnies !…
La liste est nombreuse de ceux, qui au Régiment, à tous les échelons de la hiérarchie, se sont montrés de véritables héros !
Beaucoup sont tombés glorieusement sur qui manquent des précisions où même la moindre donnée.
J’ai dit :
- Le Commandant Cordonnier frappé son poste de combat, derrière la compagnie du centre
- La ténacité farouche de Baers, son adjudant de Bataillon
- L’énergie du sergent Horenans de la 5ème compagnie nous revient « belle comme une légende ». Il parcourait le front de sa compagnie criant : « La 5ème meurt mais ne se rend pas ! »
- Tandis que la 10ème compagnie dans une ruée folle, se voyant entourée de tous côtés s’élançait dans une ruée folle, se voyant entourée de tous côtés, s’élançait à l’assaut sous la conduite de son chef, le Capitaine de Gaulle, contre des masses denses, rendait chèrement sa vie et tombait magnifiquement.
- Pendant ce temps, le Lieutenant Dubrulle sautait avec les pièces de sa section de mitrailleuses particulièrement visée par des minenwerfer.
- Et l’adjudant Queneulle, avec calme et sang-froid, réunissait les débris de la compagnie de mitrailleuses pour faire face à l’infiltration ennemie et faucher tout ce qui tentait de passer tombaient successivement.
- Le sous-lieutenant de Baillencourt victime de son absolu mépris du danger, mais ayant goûté la satisfaction d’avoir repoussé l’attaque ennemie.
- Puis le sous-lieutenant Lidore qui, froidement, la cigarette aux lèvres, parcourait les rangs de la section pour maintenir le calme, la confiance exalter le moral de tous, alors que le bombardement faisait rage et multipliait les vides.
- A côté, le caporal Gosse, blessé grièvement, refuse de se laisser panser : « Occupez-vous des boches ! Dit-il ! » à ses hommes et il trouve encore le moyen de plaisanter et de surexciter chez ses subordonnés les forces morales.
- Le soldat Urgel qui, blessé gravement à la tête, continue à faire le coup de feu jusqu’à ce que l’ennemi soit repoussé et tombe épuisé.
- Le soldat Stratt, qui avec une énergie farouche, alors que 5 Allemands ont pu pénétrer dans la tranchée, tue les 2 premiers à coups de baïonnette après un corps à corps terrible et abat de trois balles les trois autres qui s’enfuient.
- Le soldat Marcoulet, blessé au début d’une attaque, refuse de se faire panser et, hors d’état de tenir un fusil, nettoie les armes encrassées de ses camarades, les charge et les leur passe pour remplacer les leurs trop brûlantes ou changées de boue gluante. Il faudrait pouvoir les citer tous, ceux qui sont revenus de Douaumont !
- Voici le sergent Martinache, le sergent Six, le caporal Joly, le caporal Legris, réputés pour leur décision et leur énergie, qui réussissent à sauver et à grouper des éléments des 5ème et 6ème compagnies, à échapper à l’encerclement allemand et à se rallier à des unités du 1er Bataillon, avec lesquelles, ils continuent de combattre encore pendant trois jours.
- Et les agents de liaison ! Combien jonchent le terrain !
- Et quelle force morale et physique il a fallu à un Pinet pour assurer la liaison avec le Chef de corps et la Brigade particulièrement encadré par le tir de l’artillerie lourde ennemie pour effectuer ce service pendant 4 jours et plusieurs fois par jour, au point, la crise terminée, de tomber inanimé !
- A un Haverlant, brave petit clairon qui le premier réussit à franchir le terrain séparant la 1ère ligne.
- Du chef de corps qui renversé trois fois, son fusil fracassé entre ses mains, arrive enfin et avec une simplicité et une netteté merveilleuses expose la position exacte des unités et la physionomie de combat dont il fait le récit très intelligent, comme s’il s’agissait de quelque-chose tout à fait simple pour lui.
- Il faut encore mettre grandement en lumière la conduite exceptionnellement brillante ou les consolations de son cœur généreux, a été pour les médecins du poste de secours, un auxiliaire précieux, allant sous les bombardements les plus effroyables ramasser les blessés ou rire avec ceux que la vie quittait déjà la parole qui apaise et fait mieux accepter la mort.
Prochain article : Vendresse : mars 1916 – août 1916