La tenue du fantassin
Avant-propos : Nous continuons la description de l’équipement du fantassin, celui qu’il avait au tout début de la guerre. Pour le moment, c’est l’uniforme de l’homme de troupe qui nous concerne, les particularités de celui de l’officier sera abordé plus tard.
Certaines descriptions présentées ci-dessous se retrouvent dans certains sites toujours remarquablement bien faits. Nous en signalons quelques-uns mais il en existe bien d’autres que nous citons au gré de notre avancement dans la présentation de ce sujet.
Blog Artois 1914, Les Français à Verdun – 1916, Les collections de Wab, L’armée française de l’été 14, Le C.L.H.A.M.
Nous essayons de donner les informations, en notre connaissance, les plus exactes mais sommes néanmoins toujours à la recherche d’informations complémentaires pour améliorer les descriptifs dont nos sources restent parfois parcellaires ou imprécises.
Nous vous remercions de contribuer à cette recherche de précision par l’intermédiaire de l’onglet contact.
Équipement en cuir
Les jambières
Au début de la guerre, elles ont subi 2 modifications depuis 1887, date de leur mise en service. En juillet 1912, une fente est ajoutée sur l’arrière (au centre), afin qu’elles s’ajustent mieux aux brodequins.
En juin 1913, le mode de fermeture est modifié. Un côté est désormais composé de haut en bas de : un oeillet, deux crochets et deux œillets. L’autre est composé de haut en bas de trois crochets et un œillet. Le tout est toujours fermé par un lacet en cuir.
A l’usage, les jambières s’avèrent très inconfortables, trop petites, elles scient les mollets.
Beaucoup de fantassins étaient munis des fameuses bandes molletières qui nécessitaient temps et dextérité pour les ajuster !
Le ceinturon
A l’entrée en guerre, les soldats sont équipés du ceinturon modèle 1845. C’est l’effet le plus ancien de l’uniforme français.
Il est en cuir côté chair à l’intérieur et vers l’extérieur ciré en noir. Un côté est muni d’une grosse plaque en cuivre alors que l’autre d’un anneau plat cousu au ceinturon. Cet anneau vient se crocheter dans un crochet plat soudé sous la plaque en cuivre.
Le principal inconvénient du ceinturon réside dans la manière d’ajuster sa longueur, qui n’est pas du-tout pratique. En effet, l’ajustement se fait en faisant coulisser et glisser en force le cuir sous l’attache de la boucle. Le surplus de cuir est ensuite maintenu plaqué grâce à un passant mobile. La boucle en cuivre n’est donc pas solidaire du cuir, et avec le temps, le ceinturon se desserre petit à petit, obligeant d’être souvent réajusté.
En plus de cela, la boucle en cuivre est assez imposante et ne passe pas dans les passants des cartouchières et du porte-baïonnette. A chaque fois que l’équipement doit être monté, il faut désolidariser la plaque du ceinturon, passer les éléments à charger et réajuster la longueur du ceinturon.
Autant dire qu’avec cet effet, rien n’est fait pour faciliter l’habillement des soldats !
Il faut attendre 1903 pour que la plaque en cuivre soit enfin remplacée par une boucle en cuivre à 2 ardillons, permettant cette fois ci le passage dans les passants des éléments de charge.
Ce nouveau modèle est distribué en 3 tailles : 110, 115 et 125 cm. Le modèle moyen comporte 2 rangés de 11 trous et ce nombre varie sur les 2 autres modèles.
Ceinturon et bretelles
Il pourrait apparaître étrange de parler si longuement de cet élément de l’uniforme du soldat.
Il ne faut pas non plus le confondre avec ceinture et bretelles qui ont vocation à empêcher le pantalon de tomber. Ceci pourrait être plaisant et risible, mais perdre son pantalon lorsque l’on monte à l’assaut est un risque de se faire tuer supplémentaire.
Le rôle du ceinturon est tout autre, il fait partie de l’uniforme à part entière. Laissons de côté son aspect esthétique relevant de considérations d’apparat pour nous attacher à son côté utilitaire.
Ce ceinturon sert à y accrocher tout ce dont le soldat aura besoin dans les moindres déplacements.
Y sont accrochés les 3 cartouchières pouvant contenir jusqu’à 40 cartouches chacune, 5 paquets de 8, donc 120 en tout. Les cartouchières sont si lourdes que des bretelles de suspension sont nécessaires pour aider à maintenir le tout. Ces bretelles ont également le nom de brelage.
Le ceinturon du fantassin date de 1845 et ses dimensions sont réglementées. Cuir noir de 53 mm de large. Pour le fermer, on a retenu le système de boucle coulissante en cuivre. Système pratique lorsque l’on ne porte rien mais qui devient inadapté quand on voit le poids de l’équipement à soutenir. Ce ceinturon se desserre tout le temps. Il sera peu à peu remplacé par le modèle 1903, modèle dont l’attache est à double ardillon (pointe de métal qui s’insère dans des œillets). Sur le devant du ceinturon, se trouve une plaque en cuivre du plus bel effet. On tenta de moderniser le ceinturon en 1873 mais la plaque de cuivre avait la mauvaise idée de refléter un peu trop bien le soleil ce qui en faisait un point de fixation idéal pour un tireur lointain.
A la mobilisation, le modèle 1873 est le plus courant, cependant, jugé trop voyant à cause des reflets des rayons du soleil sur la boucle en cuivre, il est petit à petit remplacé par le modèle 1903. Cependant, la quantité impressionnante du ceinturon modèle 1845 dans les entrepôts de stockage ne rend pas facile cette réforme et ce modèle sera encore fréquent durant tout le premier semestre de l’année 1915, mais avec sa boucle repeinte en noir.
Le modèle antérieur reprit ‘’hélas’’ du service ! Ce ceinturon sert de point d’attache à tout ce qui doit être rapidement accessible.
Y est accrochée tout d’abord l’indispensable gourde, compagne de la gamelle que nous verrons plus bas et les 3 cartouchières.
Les bretelles de suspension
Les bretelles de suspension, que l’on peut également appeler « brelage », servent à soutenir le poids des 3 cartouchières. Elles sont confectionnées en cuir noir retourné. Elles sont formées de 3 branches en Y qui sont reliées ensemble par un anneau dorsal en laiton. A chaque extrémité, un crochet en cuivre vient se crocheter à l’anneau de la cartouchière. Des trous percés dans chaque branche permettent de régler en hauteur des crochets.
A l’entrée en guerre, c’est le modèle 1892 qui équipe le fantassin français.
Le modèle antérieur reprit du service ! Ce ceinturon sert de point d’attache à tout ce qui doit être rapidement accessible.
Y est accrochée tout d’abord l’indispensable gourde, compagne de la gamelle.
Les 3 cartouchières
A l’entrée en guerre, les soldats sont équipés des 3 cartouchières modèle 1888. Deux sont ventrales et une est dorsale. Elles sont fixées au ceinturon grâce à 2 passants en cuir, et aux bretelles de suspension par 1 anneau métallique. Chacune peut contenir jusqu’a 5 paquets de 8 cartouches, soit 40 cartouches par cartouchière. La cartouchière dorsale est très gênante, car elle empêche le soldat de se coucher, et même de s’asseoir sans qu’il la sente en permanence au bas de son dos.
En 1905, une modification est apportée. Les 2 passants en cuir sur la face arrière de la cartouchière sont remplacés par un triangle de cuir plus large enfin de permettre à la boucle en cuivre du ceinturon modèle 1845 de pouvoir passer (voir le paragraphe sur le ceinturon ci-dessus).
Très vite, un défaut est constaté : si le crochet de la bretelle de suspension vient à se décrocher, le haut du triangle, en raison du poids de la cartouchière, glisse sous la bande de cuir verticale, puis sous le ceinturon et la cartouchière tombe au sol. Pour remédier à ce problème, il est préconiser de tordre l’anneau en fer à 90°, mais cette mesure de fortune n’est pas entièrement fiable et sera peu utilisée.
Les 2 types d’attaches (source : lagrandeguerre.cultureforum.net)
Autour du ceinturon
La musette
Sur le devant, chacun s’est adjoint une sacoche personnelle (en toile) où s’y trouve ce que chacun juge indispensable à son quotidien. Qui y met son tabac, sa pipe son briquet. Le fameux Scaferlati dont on bourrait les bonnes bouffardes. Nous en reparlerons avec l’article sur l’alcool et le tabac des tranchées.
Indispensable, le briquet qui deviendra objet culte après quelques mois.
Le briquet méritera un article complet lors de l’étude de l’Art des tranchées !
Le briquet à mèche amadou volant la vedette au briquet à pétrole. L’allumette sujette à l’humidité étant bannie ou presque.
Certains poilus préfèrent tabac à chiquer tandis que d’autres restent fidèles à la cigarette, la fameuse « troupe » qui existait encore dans les années 1980 parmi les derniers conscrits de l’Armée Française ! Je vous parle d’un temps que ceux de moins de 50 ans ne peuvent pas connaître ! Nous reparlerons du tabac un peu plus tard. Revenons au contenu de la sacoche personnelle.
Certains y gardent précieusement, qui une mèche de cheveux de la bien-aimée, qui un peu de terre du pays. On y place un peu de nourriture ou beaucoup pour certains Et bien d’autres choses encore dont les crayons, calepins, médicaments et aussi un peu d’argent pour améliorer l’ordinaire ou jouer aux jeux de hasard… Bien moins risqué que le jeu, à la vie à la mort, qu’ils jouent tous les jours contre les Allemands.
Ce qu’emportent les poilus nécessite parfois l’utilisation d’une deuxième puis d’une troisième musette pour ceux que l’on surnomme affectueusement « les écureuils ».
La musette de début de guerre est le modèle 1892 de couleur variable de beige clair à marron foncé selon le tissu qui la confectionne. Les coutures ont été améliorées au niveau de la sangle pour en améliorer la solidité.
Même si l’on donne l’impression de s’attarder sur cet élément de l’équipement, il est avec la gourde et la gamelle, l’élément de l’équipement du soldat dont l’utilisation est la plus fréquente.
La gourde et la gamelle
La gourde est un élément de survie indispensable à toute personne vivant « sur le terrain ». Elle l’est d’autant plus pour le militaire qui parfois et même souvent, n’a pas la possibilité de se ravitailler. Et un problème supplémentaire est de se procurer de l’eau potable sous risque de contracter des intoxications digestives de toutes sortes dont la fameuse diarrhée, insupportable pour qui ne peut se déshabiller.
Le modèle de gourde fourni aux fantassins est un modèle datant de 1877. Il est un des rares équipements qui fassent l’unanimité par son côté pratique. Il est constitué de 2 coquilles embouties en tôle inoxydable car étamées (recouvertes d’une couche d’étain inoxydable). D’une contenance d’un litre, elle se pose facilement grâce à son fond plat. Il existe aussi un modèle de 2 litres que portent « les Africains ».
Pour la transporter, elle est menue d’une sangle « en cuir de vache noir ou vache fauve demi-nourri » selon le descriptif officiel ! Avec la gourde, est fourni « le quart » en acier inoxydable aussi qui permet de boire eau, café ou autre…
Cette gourde sera aussi une amie de beaucoup de soldats qui préféraient la remplir de gnôle ou plus souvent de vin distribué sans retenue à la troupe.
Le choix du vin n’est pas un mauvais choix en soi. Le vin se révélant moins dangereux à boire que de l’eau souvent souillée et impropre à la consommation.
Nous reviendrons en son temps sur les consommations de tabac et d’alcool dans les tranchées. Un sujet bien plus qu’anecdotique !
Les photos suivantes proviennent du site : Les collections de Wab
La gamelle réglementaire au début du conflit date de 1852. Elle est de forme ronde et elle aussi est fabriquée en fer étamé. Un couvercle la complète. Pour ne pas se perdre, corps et couvercle sont reliés par une petite chaîne accrochée à une des 2 poignées. Une courroie non visible sur la photo, permet de l’accrocher en haut du havresac. La fixation est étudiée pour la fixer à l’arrière du soldat et ainsi permettre le tir couché.
D’une capacité d’un litre environ, elle est accompagnée des indispensables cuillère et fourchette en fer blanc. S’y ajoutent un ouvre-boite, parfois partagé à plusieurs. L’intendance n’a pas prévu de couteau. Il est coutumier que le fantassin se serve d’un qui lui appartient ou aussi du couteau de combat réglementaire Lebel.
Au ceinturon, y sont accrochés encore : la baïonnette, la fameuse « Rosalie », et parfois différents outils comme des pinces coupantes pour les barbelés etc… ( nous reviendrons plus en détail sur l’armement et les outils du fantassin ultérieurement).
Revenons aux vêtements !
La vareuse
Cette partie de l’uniforme est une de celle qui pose le plus de problème avant l’adoption de la vareuse. En 1914, elle n’est pas une pièce « officielle » de l’équipement. Elle est comme le bonnet de police, considérée comme un vêtement de casernement, de repos.
Elle est peu appréciée par les soldats de par sa coupe qui se termine au bas du dos ce qui lui vaudra son surnom de « ras de cul » et qui laisse dénudé le dos au niveau des reins. Et comme les chambrées sont parfois mal chauffées ! Sur le devant, elle se fermait par une rangée de neuf boutons et de couleur « gris de fer bleuté ».
En 1897,les troupes disposeront d’une veste un eu plus longue dite de sortie qui ne possède plus que 7 boutons et qui a l’avantage de descendre plus bas dans le dos et qui rotège ainsi plus du froid.
Mais son usage n’est pas généralisé.
Une confusion s’installe souvent avec la vareuse des Chasseurs Alpins entrée en service le 28 janvier 1891 et qui est connue sous le nom de « vareuse dolman » elle est confectionnée en drap bleu foncé. La vareuse ferme par sept petits boutons d’uniforme, comporte deux poches sur chaque devant et une patte de ceinturon à trois pointes. Sur le côté gauche est pratiquée une fente verticale de 200 mm de long. Les manches se terminent par un parement-botte de 130 mm de hauteur.
Le collet qui est rabattu (haut de 110 mm) reçoit sur ses deux angles une patte en drap découpé en triangle, avec numéros de régiment en drap jonquille. Placée sous le collet, une patte volante sert à fermer le col lorsqu’il est relevé.
Les chasseurs alpins sont très satisfaits de par son confort et son côté pratique. Au point que d’autres unités essayent de s’en pourvoir.
La volonté d’uniformisation des uniformes de l’Armée française voulue par le haut commandement dès la fin de 1914 fait adopter un modèle unique de vareuse pour toutes les armes.
La description officielle est :
Veste à col droit avec une Patte de ceinturon côté gauche, une fermeture à cinq boutons, une fente de chaque côté pour donner de l’ampleur, deux poches extérieures de hanches rapportées et fermant avec un bouton, deux poches de poitrine intérieures en toile fermant également par un bouton mais par souci de simplification, pas de doublure.
L’apparition de nouveaux effets en drap bleu clair mécontente les chasseurs qui obtiennent une exemption aux motifs de maintenir l’esprit de corps très développé de cette troupe d’élite !
L’argument de l’impact psychologique de ces tenues sur les Allemands lorsqu’ils doivent affronter les « diables bleus » (sic les allemands ont employé en réalité l’expression « die schwarzen teufels », ce qui littéralement signifie « les diables noirs ») ! alpins.fr/uniformes_vareuse_dolman.html
Le remplacement de ces vestes (prévues en drap de laine) prendra un certain temps (il en fallait plusieurs millions !) et l’hiver sera particulièrement froid. L’intendance va se résoudre à se fournir auprès du maximum de fournisseurs possibles ce qui amène à voir des modèles en velours ou en lin ou autre et aussi avec du tissu de couleurs variées ! On réquisitionnera un peu de tout parmi ceux qui s’équipaient pour affronter le froid : chasseurs, ouvriers d’extérieur, ouvriers agricoles…
De mauvaises langues trouvaient à notre armée une allure d’armée mexicaine !
La capote modèle 1877
La capote qui équipe les fantassins n’est pas très différente de sa devancière, celle de la campagne de 1870. Elle est plutôt chaude car fabriquée en laine, mais elle a l’inconvénient d’être lourde et encombrante mais surtout mal adaptée pour le combat. Elle aussi surtout adaptée à la parade avec ses deux rangées de 6 boutons (ceux à la grenade, décrits plus bas) qui remplacent les précédents où était inscrit le numéro de l’unité.
L’élégance se traduit par l’existence d’une martingale à l’arrière. Une martingale est une bande de tissu ou de cuir, placée de manière horizontale dans le dos des vestes ou des manteaux, à hauteur de la taille. Selon une description puisée dans un article de meselegances.com, les vestes à martingales vont particulièrement bien aux personnes de haute taille, qui cherchent à casser un peu une silhouette longiligne.
Il est assez difficile de trouver des martingales en France, où elles sont moins répandues qu’en Angleterre.
Ceci n’arrangeait pas nos soldats qui auraient préféré une fente à l’arrière, plus efficace pour courir !
Le devant de la capote est très élégant avec ses 2 pans qui se chevauchent et qui peuvent se relever et s’accrocher sur le côté comme nous pouvons le voir dans les 2 photos présentées plus bas.
Mais l’inconvénient est qu’il rend le rouge du pantalon plus visible.
Il y a dans la capote des équipements bien pensés dans leur utilité pour le combattant.
On remarque les pattes pour enserrer le ceinturon et l’empêcher de glisser et tomber.
La capote est doublée de toile de lin, pour ralentir l’usure due aux frottements sur la laine. Les manches sont fendues et sont fermées par un petit bouton, ce qui en plus de l’élégance facilite les mouvements.Le collet est droit et se ferme par un crochet métallique. Il est d’un beau rouge garance où figure le numéro de l’unité.
Sur les épaules, sont présents des passants permettant de faire passer les sangles du sac ou du fusil. Les passants servent aussi à maintenir les épaulettes dont on se pare durant les défilés comme nous pouvons les voir sur la photo du caporal Peugeot.
Mais « l’usage » va rapidement mettre en lumières d’autres défauts.
Les boutons sont trop voyants, eux-aussi brillent face au soleil,tout comme la couleur du col qui en plus ne protège pas assez du froid.
Une fois tout installé, les poches devenaient inaccessibles ! Il ne faut pas croire que tous les défauts dont les articles précédents et suivants n’étaient pas connus de la hiérarchie. Les soldats effectuaient régulièrement des manœuvres avec ces équipements et la plupart des imperfections étaient connues. Les services techniques de l’armée essayaient d’en solutionner certains, d’autres étaient méprisés.
Souvenez-vous de la remarque à propos du rouge garance du pantalon : « La gloire de la Nation obligeait à se montrer héroïque, donc c’eût été faire preuve d’une lâcheté d’avancer masqué sur l’ennemi. »
Mais à l’époque, personne n’avait imaginé le scénario de cette guerre qui débutait et qui serait finie en quelques semaines. Alors à quoi bon engager d’inutiles dépenses pour le pseudo confort du soldat !
En décembre 1914, la capote Poiret emplacera petit à petit celle qui était en service depuis 1877 !
Les boutons et insignes
Les boutons
Le bouton dit « à grenade » est caractéristique de l’uniforme du fantassin.
En 1914, ce sont de magnifiques boutons dorés légèrement bombés en laiton. Le conflit durant, on en fabriqua dans d’autres matières, en aluminium, en fer et encore en corne en cuir, en bois ou en corozo ( graine provenant d’un arbre d’Amérique du sud’ bien adaptée à la fabrication de boutons).
Parler des boutons paraît anecdotique mais chaque arme possède le sien propre.
Les fantassins sont très fiers de leurs représentant une grenade qui explose.
Grades et insignes
Chaque soldat a le numéro de son unité visible sur sa tenue. Il est après l’uniforme un autre moyen d’identifier un soldat. Le numéro de l’unité est inscrit sur le képi et le col de la vareuse.
Ceci pourrait paraître être un détail. Mais il permettait de localiser les régiments en début de conflit et organiser les mouvements de troupe. Et petit à petit, ces inscriptions permirent d’identifier les morts au combat et de confondre bon nombre de déserteurs.
Les grades
Sur cette vielle gravure, on voit le système de reconnaissance de grades mis en place pour l’infanterie.
Ces signes distinctifs sont cousus sur les bras des soldats. Durant le conflit, des chevrons d’ancienneté et de blessures au combat. Ils ont été créés par décision ministérielle du 21 avril 1916.
Signes distinctifs qui prennent le nom de « brisques » qui sont des chevrons dont la pointe est orientée vers le bas. Leur création permettait de distinguer les « anciens » qui les cousaient sur le bras gauche et pour « ceux qui ont déjà payé le prix du sang » qui les cousaient eux sur le bras droit.
Pour les lire, il faut compter les chevrons.
Sur le bras droit, un chevron = une blessure !
Sur le bras gauche, Le premier chevron correspond à une année passée au front vient ensuite s’y ajouter une « brisque » tous les 6 mois passés au front.
Certains soldats arboraient même juste en dessous de leurs « brisques » officielles une petite barrette horizontale correspondant à un trimestre passé au front ; une pure fantaisie que la hiérarchie tolérait toutefois car 3 mois passés au front était déjà une épreuve en soit.
Mais ne sont retenues que les périodes passées en première ligne ou toute période effectuée en zone des armées, manœuvre ou entrainement, repos compris.
Les temps passés en hospitalisation ou en permission sont comptabilisés.
Sont exclus, les temps passés en convalescence ou aux arrêts. Et toutes les périodes qui se passent à l’arrière des zones exposées bien entendu, et la liste est longue !
Beaucoup auraient préféré ne pas avoir ce si peu enviable privilège !
Plus tard dans le conflit seront créées d’autres distinctions, nous abordons le sujet un peu plus bas.
La plaque d’identification
A l’exemple de nombreuses armées, l’Armée Française éprouve au XIXème siècle, le besoin d’identifier les hommes tombés au combat. En France, en 1881 est adopté un système utilisé au début de la guerre en1914 et qui sera modifiée par décret le 6 juillet 1916.
En 1914, le soldat ne portait qu’une seule plaque, de forme ovale avec un cordon en coton qui fait figure de chaîne.
Mais par décret du 14 mai 1915 chaque militaire devra porter 2 plaques d’identification autour du cou. La seconde sera munie d’une chaînette en métal. Beaucoup en porterons celle, avec le cordon de tissu, au poignet.
Et l’autre autour du cou.
Sur ces plaques sont notés :
- Au recto : Le nom, le prénom et l’année de la classe d’appartenance du soldat
- Au verso : Le nom du bureau de recrutement et le numéro de matricule du soldat au registre de recrutement
Exemple :
Son utilité intervient malheureusement à la mort du combattant.
L’une des 2 plaques reste sur le cadavre du mort, la seconde était retirée par le gradé témoin de la mort du soldat. Elle permettait de renseigner le livre de marche du régiment et de prévenir la famille.
Les récompenses
La guerre s’étalant dans le temps, la création de récompenses et de distinctions se répandit. Elles répondaient à de nombreuses raisons qui sont aussi vieilles que la guerre elle-même et flattent parfois plus l’égo de ceux qui les accordent et distribuent que ceux qui les reçoivent. Ce conflit ne dérogera pas à la règle !
Il y a les multiples citations à l’ordre du Régiment, de la Brigade, de la Division, de l’Armée de la Nation.
Elles s’accompagnent de multiples attributs, l’acte officiel, le diplôme, le ruban, l’étoile, les palmes, les médailles, le collier, le bâton et diverses distinctions…
Pour les régiments, on verra se généraliser des signes de reconnaissance qui étaient parfois tombés en désuétude :
La fourragère, le caducée, la pucelle, l’inscription sur le drapeau et les étendards du Régiment.
Un article entier serait nécessaire pour faire la genèse de tous ces signes distinctifs et honorifiques. La chronologie de la participation du 33ème R.I au conflit nous permettra de signaler certaines citations et récompenses obtenues.
Pour le moment on peut signaler quelques signes distinctifs du régiment. Nous comptons beaucoup sur les connaissances des lecteurs du site pour faire évoluer cette partie de l’article.
Apparaîtrons ou réapparaîtrons durant le conflit : la Croix de Guerre la fourragère et la pucelle. La fourragère telle que nous la connaissons apparaît en 1916. La circulaire de création en date du 21 avril de la même année spécifie : « Il est créé un insigne spécial destiné à rappeler d’une façon permanente les actions d’éclat de certains régiments et unités formant corps cités à l’ordre de l’armée. »
Cet insigne sera constitué par une fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre.
Le 4 février 1915, Émile Driant présente et soutient devant l’Assemblée nationale, le rapport de la commission de l’armée :
Créons un ordre récompensant la valeur militaire, mais en lui donnant un nom bref qui sonne clairement et qui, à lui seul, exclut la faveur de l’ancienneté. On l’appellera la Croix de guerre, ce sera une croix de bronze clair, à quatre branches, surmontée d’une couronne de lauriers, et suspendue à un ruban vert uni, le vert de la médaille de 1870-1871, débarrassé des rayures noires qui symbolisaient le deuil de l’autre siècle.
Ci-après, diverses distinctions relatives au 33ème R.I. Malheureusement, nous ne possédons pas les photographies ou représentations datant de la première guerre Mondiale.
Ces illustrations, même si elles sont actuelles semblent conformes à ce qu’elles devaient être en 14-18.
Et maintenant, passons sous l’uniforme
De haut en bas !
La cravate
La cravate est une bande de 1,50 mètre sur 21 centimètres, en calicot teint en bleu marine. Elle a pour vocation de protéger un peu du froid et les frottements sur le col. Elle se noue par un nœud plat.
La chemise
La chemise réglementaire est en flanelle de coton. La flanelle est douce au toucher . Elle a la particularité d’être chaude en hiver.
A col droit, elle se ferme au col par un petit bouton en porcelaine. Au niveau de la poitrine, une ouverture de 30 centimètres est fermée par deux boutons identiques à celui du col.
Elle se rencontre sous différents motifs. A rayures noires, bleues ou rouges et parfois à petits carreaux. Pas par effet de mode mais pourquoi pas ? Je vous laisse juge !
Le règlement fixe à deux le nombre de chemises perçues par homme.
La ceinture de flanelle
En 1914, il existe un modèle réglementaire qui s’ajuste à la taille par un système de boutons et de bretelles de toile. Elle fait un mètre de long sur 38 centimètres de hauteur. Cet effet très peu pratique est rapidement, et cela dès les premières semaines du conflit, remplacé par un modèle dit algérien de 3 mètres de long qui s’entoure autour de la taille.
La ceinture abdominale est un vêtement tombé en désuétude de nos jours ! Mais un rapport du médecin chef de la 6ème armée nous en montre l’utilité.
C’est ainsi que, le 30 septembre 1914, un aide-major écrivait au colonel du 63ème bataillon de chasseurs la lettre suivante :
Une épidémie de gastro-entérite a atteint presque tous les membres du bataillon ce qui se traduit par des vomissements et de la température. On peut craindre une épidémie de dysenterie. Les causes en sont le froid humide des nuits, l’immobilité dans des abris précaires et une mauvaise nourriture à base de conserves. La solution consisterait à mettre au repos les hommes atteints dans des baraquements fermés et à leur donner une alimentation variée et des boissons chaudes. Autant proposer d’arrêter la guerre !
Pour la même période, et à l’échelon d’une division, la 14, le rapport du médecin-chef :
Les causes en sont le refroidissement de la température surtout la nuit et les conditions nécessairement précaires et presque antihygiéniques des hommes stationnant presque en permanence dans les tranchées. Le moyen de lutter contre de pareils accidents paraît limité. Il y a cependant lieu de veiller au port de la ceinture de flanelle. Les ceintures de flanelle ? Justement, il en manque 4 600 pour la division ! Et l’hiver, le dur hiver de l’Aisne n’a pas encore fait sentir sa rigueur. Malgré quelques timides mesures prises par le commandement, le nombre de malades grandit au fur et à mesure que le froid augmente : dans la 63ème division, on en compte 331 en octobre 1914, 508 en novembre, 520 en décembre, 778 en janvier 1915…
Service historique de l’armée de terre 22 N 382,7’ C.A., 1er bureau
Cet extrait montre à lui seul l’utilité de cette ceinture abdominale si contraignante à mettre il est vrai !
Le caleçon
Il est en cretonne de coton écru avec ou sans rayures bleues. La cretonne étant un tissu costaud, un mélange de coton et de lin qui servait à faire aussi les draps. Il se serre au mollet par un lacet.
Le règlement de 1914 prévoit la perception d’un seul effet par homme. Il faudra attendre la circulaire du 20 décembre 1920, pour que le soldat perçoive un second caleçon !
Mais heureusement le système « D », lui, avait prévu du rechange, venu du milieu civil.
Sous le caleçon, en 1914 rien n’est réglementé ! Alors ?
Les chaussettes
En 1914, dans le paquetage, il n’est pas fait référence aux chaussettes.
Par contre, en 1917, les commandes seront de 40 millions de paires. Chaque soldat en recevant 2 à 3 paires régulièrement. Comme pour la ceinture abdominale, la guerre de position et le froid vont rendre cette partie de l’équipement primordial aux yeux (et aux pieds) des soldats. Comme nous le verrons, va se développer une maladie qui était pratiquement inconnue à l’entrée du conflit et qui prendra le nom de « Pied des tranchées » où l’insalubrité des tranchées, particulièrement due à l’humidité froide et persistante, provoquait la maladie qui prit ce nom du pied des tranchées, infection apparentée aux engelures qui dans les cas les plus graves pouvait causer la gangrène et nécessiter l’amputation.(nous en reparlerons avec le sujet de l’hygiène dans les tranchées).
Fournir des chaussettes en laine chaudes l’hiver devint une priorité, l‘été le coton était plus répandu et mieux adapté.
Ce problème obnubilait les soldats comme le témoigne leurs courriers. Au point que tricoter pour fournir des chaussettes aux « piou-piou » de 1914 était considéré comme faire preuve de « Solidarité Nationale ! » Comme les modèles de crochet présentés par Cousine Claire dans la revue paraissant durant la guerre sous le nom : « La Femme et la Guerre« , Comment travailler pour nos soldats.
Les mouchoirs
De coton ou de lin, chaque soldat en recevait 3 dans son paquetage. Il pouvait être un simple carré de 20cm de côté, uni ou avec motifs.
Lors de revues de paquetage, il était obligatoire de les présenter et pas seulement pour des raisons réglementaires mais parce qu’il est un élément d’hygiène indispensable dans un pays où la tuberculose faisait des ravages avant qu’en 1921, Albert Calmette et Camille Guérin de l’Institut Pasteur de Lille essayent avec succès le premier vaccin contre la tuberculose sur lequel ils travaillaient depuis 1908 ( le fameux BCG).
L’ordre de présentation du paquetage est immuable : sous peine des plus sévères sanctions : cartouches, sacs à pain de guerre, bonnet de nuit, martinet pour dépoussiérer la tenue, guêtres, brosses et autres…
Ils peuvent aussi servir de pansement et certains seront de forme triangulaire pour cette raison.
En faisant des recherches sur cet élément de l’équipement du soldat qui pouvait paraître insignifiant, il est apparu que la réglementation sur cette petite étoffe avait été en France plus qu’anecdotique !
L’armée française, avait confectionné des mouchoirs dits « d’Instruction ». Il en existe 13 réglementaires suivant la liste ci-dessous :
- N° 1 : Démontage remontage fusil 1866 (Chassepot)
- N°1bis : Démontage remontage du revolver 1873
- N°2 : Démontage remontage du fusil 1874 (Gras)
- N°3 : Cavalerie instruction sur le cheval
- N°4 : Démontage remontage de la carabine de Cavalerie 1890
- N°4bis : Instruction pour le paquetage
- N°5 : Artillerie de Campagne
- N°6 : Aide-mémoire du réserviste
- N°7 : Secours aux blessés, hygiène
- N°8 : Placement des effets
- N°9 : Fusil 1886 (Lebel)
- N°9bis : Fusil 1886 modifié 1893 (Lebel)
- N°10 : Pont militaires – Passage des rivières
(Tous n’étaient plus d’actualité en 1914)
Leur fabrication date de la déroute de 1871 et la nouvelle organisation de l’armée (de conscription) qui en résulta en 1872 : Le commandant Perrinon imagina la création du « Mouchoir d’Instruction », véritable manuel pour l’appelé qui y trouvait les informations nécessaires pour la connaissance indispensable des instructions de base à l’exécution stricte du service.
Nous en reproduisons certains ci-dessous. Il est à noter qu’ils sont devenus de véritables objets de collection !
Le bonnet de police
C’est le 22 juillet 1891 qu’il fait partie de l’équipement du fantassin.
Il est lui aussi de couleur « Gris de fer bleuté ». Sa forme réglementaire est en arc de cercle. Il est de forme plus basse devant et derrière, le dessus formant soufflet.
Il est pourvu de 2 rabats sur les côtés. Pour les maintenir droits, se situe à l’intérieur un crochet métallique qui s’accroche à un passant cousu sur l’intérieur du rabat. Les soldats abaissent les rabats en cas de grand froid pour protéger leurs oreilles.
Il est la coiffe réglementaire lors de la présence au repos à la caserne ou lors des exécutions de corvées. On l’appellerait « bonnet de police » car elle aurait été portée tout d’abord par les soldats qui étaient punis et consignés au poste de police !
Il sera remplacé en 1915 par un bonnet de couleur bleu horizon que nous présenterons lors de la présentation de la tenue de 1915.
Cet équipement paraît lui aussi anodin mais en fait, c’est la coiffe qui est la plus utilisée par les soldats qui somme toute passent heureusement plus de temps à l’arrière qu’en première ligne.
Il ne faut pas le confondre avec le bonnet de nuit fait en coton dont dispose chaque fantassin dans son paquetage. Il permet surtout de se préserver des poux lorsque le soldat réussit à trouver un endroit où s’allonger.
Modèles de bonnet de nuit en service en 1914:
Les chaussures de repos
Très visibles dans les photos représentant le contenu du havresac (n°27 ci-dessous)
Nous venons de passer en revue une partie de l’équipement et de la tenue du fantassin en 1914. Ce descriptif est loin d’être complet et exhaustif.
Mais certains équipements sont hors de cette présentation ou seront illustrés plus tard. Il s’agit surtout d’éléments d’entretien souvent indispensables pour entretenir la tenue soumise à rude épreuve !
Ce qui n’exclut pas d’en dresser la liste. Manquent donc le descriptif de :
- Cube de fonte 11
- Trousse en cuir contenant la bobine 12
- Boutons de rechange 13
- Ciseaux 14
- Dé 15 peigne 16
- Le nécessaire de cirage et les lacets
- Le seau en toile (dit aussi « vache à eau » traité au moment du creusement des tranchées)
- Les chaussures de repos
- Boîte à graisse 19 courroie de capote 18
- Brosses à habits 23, à lustrer 24, double 25 ,à laver 28, d’armes 26, à boutons
- Sac de petite monture 22
- Baguette à fusil 21
- Patience 29
- Martinet 20
- Les vêtements chauds (abordé avec sujet sur la vie dans les tranchées)
- Le nécessaire de couture (traité avec sujet sur la vie dans les tranchées)
- Les pansements ( traité avec sujet sur la vie dans les tranchées)
- A cela s’ajoute les effets personnels : timbre, crayon et argent entre autres…
Le nécessaire de toilette sera également présenté dans « la vie des tranchées » dans un sujet sur l’hygiène des tranchées.
Le mois prochain sera abordée la partie concernant le matériel collectif.