On a beaucoup reproché aux autorités militaires, le poids de l’équipement dont étaient affublés les soldats en 1914.

Or, comme nous allons le voir, ce problème récurrent était un sujet régulièrement pris en compte par l’Etat-Major et depuis fort longtemps.

Nous-nous bornerons à remonter nos recherches à une cinquantaine d’années avant le conflit, à l’époque où se stabilisent les Etats européens tels qu’ils seront au début de la Grande-Guerre.

Les services de l’intendance vont regarder et étudier ce qui se fait dans les autres armées du Monde et de constater que tous se heurtent au double souci de fournir aux militaires le meilleur équipement possible tout en n’en faisant pas un ensemble d’un poids inadapté à la résistance physique du soldat.

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Équipement et charge du soldat à l’époque du Second-Empire

Voilà ce que l’on peut lire en 1863 après les guerres de Crimée et d’Italie dans le « Code Sanitaire du Soldat » du Dr Pierre-Augustin Didiot.

II. Du fardeau militaire

Le poids du fardeau militaire ne doit pas moins fixer notre attention. Les troupes devant être légères avant tout, autant pour supporter les fatigues pendant les routes ou les expéditions, que pour combattre avec une grande mobilité, le fardeau doit être sagement déterminé de manière à ne pas paralyser les forces du soldat, du fantassin surtout, qu’une trop lourde charge mettrait bientôt hors de service.

Le soldat ne doit donc porter que ce qui lui est strictement nécessaire, pour les changements de garnison à l’intérieur comme pour les marches en campagne.

Outre l’habillement, l’équipement et l’armement, nous avons vu que le havresac renfermait les effets indispensables, des souliers, du linge, etc. ; que le poids total de ces objets pouvait s’augmenter de sa réserve de cartouches, d’une petite quantité de vivres, de son bidon, de sa couverture de campement, de son sac de couchage et d’autres ustensiles. Dans les marches à l’intérieur, le fusilier d’infanterie porte 18 kilogrammes 438 grammes; le grenadier, 21 kilogrammes 312 grammes, tandis que le soldat du génie porte 24 kilogrammes 700 grammes. Ce fardeau est réglé en raison du choix des hommes et du développement des forces physiques.

Or il a été reconnu que la fatigue qu’il fait éprouver est telle, que pendant l’étape, même sur une bonne route et par un temps favorable, beaucoup d’hommes sont forcés de mettre leur sac à la voiture, lorsqu’ils n’y montent pas eux-mêmes, et si l’on réfléchit à. la dépense de force qu’exige ce poids pendant toute une expédition, on concevra aisément qu’un grand nombre de militaires, particulièrement les nouveaux venus, ne puissent la fournir. Aussi est-il dans l’usage, à moins d’empêchement absolu, d’employer des animaux de charge pour transporter les approvisionnements et pour alléger le fardeau de l’homme. Et quoiqu’il soit indispensable que le soldat reçoive des vivres pour plusieurs jours, on ne doit jamais perdre de vue qu’il ne faut surcharger son fardeau que dans le cas de nécessité absolue ; car, disait le maréchal de Saxe, « c’est dans les jambes qu’est tout le secret des manœuvres et des combats. » C’est dire qu’il est aussi dans le fardeau. Le général Rogniat (Considérations sur l’art de la guerre) déclare avoir trouvé que le soldat romain portait 90 livres. Tout ce que nous savons, c’est que le soldat romain portait, dans certaines circonstances, jusqu’à 15 jours de vivres (Cicéron).

Auteur : Didiot, Pierre-Augustin (Dr), Éditeur : Rozier (Paris), Date d’édition : 1863, Type : monographie imprimée, Langue : Français, Format : In-8° , 548 p., Format : application/pdf, Droits : domaine public, Identifiant : ark:/12148/bpt6k5613260m, Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-TD138-45, Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb303411007, Provenance : bnf.fr

vivres

Comme nous le verrons un peu plus loin, ce poids est assez commun aux armées européennes et sera toujours constant autour de 25-30 kg.

Et ce constat valable en 1863 le sera encore 50 ans plus tard !

Uniformes et chargement du soldat sous Napoléon III

Uniformes et chargement du soldat sous Napoléon III

 

Code sanitaire du soldat, ou Traité d’administration et d’hygiène militaires, complété des dispositions réglementaires relatives à l’exécution du service de santé, par le Dr A. Didiot,…

Code sanitaire du soldat, ou Traité d’administration et d’hygiène militaires, complété des dispositions réglementaires relatives à l’exécution du service de santé, par le Dr A. Didiot,…

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Équipement et charge du soldat au début de la IIIe République

Morache 1874

Voici un résumé de ce que disent les rédacteurs sur l’équipement du fantassin au lendemain de la défaite de 1870 contre les Prussiens.

L’étude de l’équipement du soldat présente une importance non moins grande que celle du vêtement. C’est dans son équipement qu’il doit trouver les objets matériels destinés à assurer à la fois et sa défense et sa propre conservation ; de plus, le poids de cet équipement, constituant la charge du soldat, doit être pris en sérieuse considération, car de cette charge et de la manière de la transporter dépendra, en grande partie, l’aptitude à la marche, l’une des exigences les plus urgentes de la vie militaire.

traite-hygiene-militaire-morache-1874

Article I : Équipement et charge du soldat d’infanterie

La liste ci-après donne la composition et la charge du fantassin au lendemain de l’ordonnance de 1873

Objets constituant l’équipement du soldat

Le soldat en campagne ou en marche doit porter :

  1. les objets nécessaires à son entretien personnel, vêtements et autres
  2. les objets destinés à son couchage et à la préparation de ses aliments (effets de campement)
  3. une réserve de vivres
  4. ses armes et ses munitions
Dans l’ordonnance française actuelle (1873), le matériel dit de campement comprend :
  1. la tente-abri, ses piquets et ses montants,
  2. la couverture dite, en raison de ses dimensions, demi-couverture,
  3. la petite gamelle et le petit bidon individuels, plus, par groupe de huit hommes, un grand bidon, une grande gamelle et une marmite, une hache, une pelle et une pioche.

La tente-abri de 1,8 kg sèche fait minimum 2,5 kg mouillée. Les ustensiles destinés à la préparation des vivres sont actuellement constitués par la grande gamelle (fig. 101-A), la marmite (101-B) dont le couvercle, muni d’une poignée peut former une casserole, un grand bidon destiné à aller chercher de l’eau et un moulin à café. Ce matériel, construit en fer battu étamé, est très solide, mais aussi fort lourd.

Trois ustensiles de ce genre sont délivrés pour huit hommes. Ce système a été conçu pour les guerres d’Afrique, où il remplit fort bien ses indications. Ce matériel, en dehors même de son poids, a des inconvénients sérieux pour la guerre d’Europe.

Suit ensuite un éventail des inconvénients de l’équipement du moment dont :

Les limites du matériel collectif. Un équipement pour 8 amène le risque de pénaliser l’ensemble en cas de défaillance d’un seul.

L’individualisation de l’équipement est recommandée comme le montre les recommandations suivantes :

On donnerait une marmite très-réduite pour deux hommes qui ne se quitteraient jamais, si l’un venait à être tué, son camarade serait tenu de prendre la marmite. Dans l’intérieur de cette marmite, on logerait le moulin à café, qui est indispensable, et même un double-fond pouvant servir de casserole !

Objets constituant l’équipement du soldat à l’étranger

Dans l’armée allemande et l’armée anglaise, chaque soldat porte une petite marmite à peu près analogue à celle que nous avons proposée ci-dessus. Il y aurait lieu de rechercher si le principe appliqué dans les marmites dites norvégiennes, c’est-à-dire celui du maintien de la chaleur, au moyen de tissus de feutre entourant la marmite, ne pourrait être également appliqué aux marmites transportables. Quelques modèles de ce genre ont déjà été mis en expérience, mais ils paraissent encore un peu lourds. La question mérite d’être approfondie, car il y aurait un grand avantage à ce que la cuisson des aliments commencée sur le foyer, pût se continuer pendant la marche, sur le dos-même de l’homme !

Viennent ensuite des réserves sur l’armement du soldat

L’armement du soldat d’infanterie consiste en France dans le fusil modèle de 1866, connu sous le nom de Chassepot, dont le poids, avec le sabre-baïonnette, ceinturon et accessoires, s’élève à 6kg150 ; de plus, l’homme doit porter en campagne 90 cartouches en 10 paquets (2kil,750) et 2 cartouches libres (60 grammes).

Un grand nombre d’officiers s’élèvent contre le maintien du sabre-baïonnette qui est fort lourd. Il pèse 0,666 kg et son fourneau métallique se heurte incessamment contre tous les objets, pouvant dans certains cas trahir la présence de la troupe. On signale du reste comme devant être supprimés à tout prix, les objets sonores, les marmites, et les gamelles surtout ; leurs articulations jouent sans cesse et s’entrechoquent, en sorte qu’une troupe française s’entend et se reconnaît au loin à ce bruit de ferblanterie, bien connu de tous ceux qui l’ont entendu une fois.

Le principal reproche fait au sabre-baïonnette est donc d’être lourd en tout temps, et à ce point qu’on ne peut le maintenir au bout du fusil lorsqu’on doit viser. On propose généralement de le remplacer par une baïonnette, placée au-dessous du canon, en vue de ne pas faire dévier la ligne de tir, et qui, sans avoir la forme flamboyante du sabre-baïonnette, fait des blessures tout aussi sérieuses ; enfin, avec le maintien de la baïonnette au canon même pendant le tir, le fusil serait toujours et d’une façon continue, arme de jet et arme de main.

Article II : Charge du soldat

Il est à remarquer que nous avons compté le petit bidon vide (plein, il pèse 1 kilogramme de plus), ainsi que la lente parfaitement sèche ; humide, elle pèse au moins 500 grammes de plus. Nous n’avons pas compté non plus le poids de la viande fraîche que le soldat est quelquefois obligé de porter après l’avoir fait cuire ; au bas mot, et avec tous les objets que le soldat introduit encore dans son sac, on peut évaluer son poids au moins à 22 kilogrammes, et la charge totale de l’homme, y compris ses vêtements, à 35 kilogrammes. Il y a là évidemment une grande erreur hygiénique; avec les marches prolongées que l’on demande au soldat, on ne peut réellement exiger, même du plus robuste, qu’il transporte encore 35 kilogrammes.

Mais il faut remarquer que la charge calculée est toujours inférieure à la charge réelle, car l’homme de troupe a une tendance naturelle à emporter avec lui mille objets qui lui paraissent et sont en effet des agréments et une douceur : soit, par exemple, un livre religieux, quelques cahiers de chansons, des lettres, un portefeuille, du tabac, etc. Pour diminuer effectivement la charge du soldat, il faut arriver à des réformes radicales.

Voici les transformations que nous jugerions possibles :

Il est intéressant de placer, à côté de ces chiffres, les données similaires fournies par le chargement du soldat dans quelques autres armées européennes.

  • Soldat Prussien : 27,230 kg
  • Soldat Anglais : 22,254 kg
  • Soldat Russe : 31,268 kg

Article III : Répartition de l’équipement et de la charge du soldat

Au point de vue de l’hygiène, ce qui a une importance capitale, c’est non-seulement de diminuer le poids total de la charge du soldat, mais aussi de répartir cette charge suivant les lois de l’équilibre, de sorte qu’en dehors des efforts musculaires, nécessaires pour enlever tout le poids pendant la marche, il ne soit pas encore besoin d’autres efforts musculaires pour le maintenir. Enfin, il faut que les objets constituant le chargement, les liens ou courroies qui servent à les fixer ne portent pas de gêne aux libres mouvements d’ampliation de la poitrine, ne compriment ni l’abdomen, ni les gros vaisseaux superficiels de la région du cou ou des aisselles.

Les armes, représentées par le fusil, le sabre, les gibernes ou cartouchières, sont de tous les objets de chargement les plus indispensables ; le fusil, placé dans les mains de l’homme, repose pendant la marche sur l’une ou l’autre épaule. Tandis que, dans toutes les armées européennes, la position réglementaire du fusil sur l’épaule est calculée de façon à l’y maintenir à peu près en équilibre, l’arme reposant horizontalement par un point situé au voisinage de la capucine.

Le sac constitue, en effet, la partie capitale du chargement du soldat ; c’est celle où l’on doit s’efforcer d’apporter le plus d’améliorations. Qui ne se souvient, en effet, d’avoir vu de pauvres petits fantassins, chargés de cet immense attirail, pliant sous le poids du fardeau, obligés de marcher constamment courbés en avant, afin de conserver un semblant d’équilibre! Comment un homme, ainsi chargé, peut-il faire de longues étapes et quelquefois combattre une journée durant ?

Aussi arrive-t-il trop souvent qu’on est obligé, pendant le combat, de laisser les sacs à terre, avec l’espoir de les reprendre après l’action; mais si le régiment, entraîné par le combat, s’éloigne beaucoup de sessacs, à plus forte raison s’il est obligé de battre en retraite, ces derniers sont perdus à tout jamais.

La fig. 102 permet de se rendre compte de la forme du sac de l’armée française et de la disposition des objets qui y sont contenus. On peut constater la place énorme qu’y occupent les brosses et autres ustensiles dont on pourrait se passer. Toutes les armées européennes, à l’exception de l’armée anglaise, possèdent un sac de forme carrée, en peau de vache garnie de poils, ou à défaut en toile imperméable, fixé sur les épaules au moyen de fortes bretelles. Cette disposition, consacrée par une longue expérience, est-elle avantageuse ?

En Angleterre, le colonel O’Halloran, perfectionnant un modèle déjà préconisé par Berrington et par le colonel Spiller, a présenté un sac dont la partie inférieure est éloignée du tronc au moyen de deux tiges rigides venant s’adapter sur une large bande de cuir reposant sur les reins au-dessus du ceinturon ; il en résulte que l’effort porte surtout sur la partie supérieure des omoplates et sur la colonne vertébrale, sans que les épaules soient attirées en dehors. Il en est à peu près de même dans un autre modèle, proposé par le colonel Carter et dans celui du docteur Parkes ; tous ont pour but de dégager autant que possible la poitrine et de faciliter la respiration ; ils y réussissent assez bien !

Soldats d’infanterie français en tenue de campagne

Soldats d’infanterie français en tenue de campagne

Soldats d’infanterie prussiens en tenue de campagne

Soldats d’infanterie prussiens en tenue de campagne

Des expériences ont été faites en France pour constater de visu la valeur du sac-valise anglais : elles ont été concluantes ; après une marche de 32 kilomètres, la plupart des soldats ne ressentaient aucune fatigue Il y a lieu d’espérer que ces renseignements ne seront point stériles pour l’armée française, et que l’on n’hésitera pas à modifier profondément

Conclusions de l’article :

Il y a lieu d’espérer que ces renseignements ne seront point stériles pour l’armée française, et que l’on n’hésitera pas à modifier profondément le système actuel de l’équipement , dont nous croyons avoir montré les réels désavantages.

En raison de la grande mobilité que doivent posséder les troupes et de la nécessité de laisser les bagages tout à fait en arrière des colonnes, il paraîtrait logique de donner aux officiers un sac, plus léger peut-être que celui des soldats, mais suffisant pour contenir les objets de toilette ou de rechange les plus indispensables. Les officiers de la république et du premier empire portaient toujours un sac en campagne, il en est encore de même aujourd’hui dans les armées prussienne, suisse et italienne

Auteur : Morache, Georges (1837-1906), Éditeur : J.-B. Baillière et fils (Paris), Date d’édition : 1874, Type : monographie imprimée, Langue : Français, Format : 1 vol (X-1040 p.) : ill. ; in-8, Format : application/pdf, Droits : domaine public, Identifiant : ark:/12148/bpt6k6471858c, Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-TC34-53, Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30974870q, Provenance : bnf.fr, Date de mise en ligne : 05/03/2013

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Morache 1886

Préface de la deuxième édition

Le présent ouvrage trouve la justification de sa deuxième édition dans les faits qui précèdent; il voulait se mettre à la hauteur des faits accomplis, il le devait à l’accueil si bienveillant que lui ont fait le public médical et le public militaire, aussi bien en France qu’à l’étranger. Mais pour demeurer digne de cette précieuse estime, l’auteur a voulu que, gardant son même titre et avec un cadre à peu près identique, l’ouvrage primitif fut absolument remanié dans toutes ses parties. De nombreuses suppressions étaient possibles, des additions plus importantes encore s’imposaient et, néanmoins, on désirait le condenser afin de diminuer un peu son étendue première. Nous espérons avoir réussi. Quelques documents, tout d’actualité en 1874, n’offrent plus aujourd’hui un intérêt aussi immédiat, d’autres ont trait à des questions déjà tranchées et hors de discussion. On a pu les supprimer sans grand inconvénient

Toute l’actualité dans l’hygiène pratique, a donné lieu à une nouvelle rédaction de la partie de l’ouvrage qui lui a été consacrée.

A propos du vêtement, de la charge, de l’équipement du soldat, transformé depuis peu dans toutes les armées.

Depuis douze années bien des lacunes ont été comblées, bien des pas en avant ont été accomplis dans la voie de l’hygiène militaire. Son enseignement est entré définitivement dans le domaine des sciences militaires. Nous croyons y avoir quelque peu contribué et ne saurions espérer de plus grande ni de plus légitime récompense de nos efforts. Puisse cette seconde édition, à laquelle nos chers et honorables éditeurs ont apporté un concours aussi actif que précieux, faire plus encore que son aînée pour le plus grand bien de notre chère et vaillante armée.

G.MORACHE. Bordeaux , mars 1886.

traite-hygiene-militaire-morache-1886

Suite aux articles de 1874, G. Morache, en 1886, dans la nouvelle édition de son traité sur L’Hygiène Militaire, revient sur la charge du fantassin et effectue une comparaison avec différentes armées européennes.

1874

  • Soldat Prussien : 27,230 kg
  • Soldat Anglais : 22,254 kg
  • Soldat Russe : 31,268 kg
  • Soldat  Italien :
  • Soldat Autrichien :
  • Soldat Français : 25,746 kg

1886

  • Soldat Prussien: 34,020 kg
  • Soldat Anglais : 28,210 kg
  • Soldat Russe : 29 kg
  • Soldat Italien : 32 kg
  • Soldat Autrichien : 28,250 kg
  • Soldat Français : 28,010 kg

La charge moyenne du soldat européen est d’environ 30 kg.

On peut remarquer qu’être fantassin nécessite partout en Europe une bonne dose de courage pour supporter de telles charges durant les déplacements.

Et que contrairement aux intentions des services de l’intendance des différentes armées, en 12 ans, partout la charge du fantassin a progressé !

Ci-après, nous pouvons voir quelques portraits de fantassins européens en tenue de campagne avec leur chargement.

Conclusions

Le grand avantage du système anglais consiste essentiellement dans le fait que le poids de la charge est placé très bas, qu’on utilise autant que possible la forme concave de la région sacro-lombaire pour y prendre un point d’appui, qu’enfin l’effort porte uniquement sur les omoplates, en laissant le jeu de la poitrine parfaitement libre.

En débouclant son ceinturon, auquel sont, du reste, adaptées deux cartouchières, comme dans l’équipement prussien, l’homme peut quitter tout son équipement comme on ôte un habit, sans avoir une courroie à défaire; il le remet aussi facilement. La pratique a répondu aux avantages que la théorie accordait à ce système, les différents corps de l’armée anglaise sont unanimes pour le préférer à tout ce qui avait été essayé jusqu’à ce jour, et l’expérience des expéditions récemment entreprises par l’armée anglaise confirment ces prévisions.

Des expériences avaient été faites en France, il y a près de dix ans, pour constater de visu la valeur du sac-valise anglais !

Elles ont été concluantes ; après une marche de 32 kilomètres, la plupart des soldats ne ressentaient aucune fatigue, ils étaient d’accord avec les officiers chargés de diriger l’expérience pour dire que « la poitrine se trouve complètement dégagée, » qu’ils ne trouvaient point au sac-valise cette adhérence du sac au corps qui fatigue, harasse l’homme et l’empêche de respirer, qu’enfin l’équilibre est parfaitement maintenu au moyen de deux cartouchières et du sac à cartouches, en sorte que l’homme peut conserver la station verticale, le centre de gravité se trouvant toujours sur la verticale passant par le centre.

Il y a lieu d’espérer que les modifications introduites dans le mode de chargement des troupes russes et des troupes anglaises seront suivies avec soin dans l’armée française, et que l’on n’hésitera pas à modifier profondément le système actuel de l’équipement, dont, sans parti pris, on a pu constater les réels désavantages.

En raison de la grande mobilité que doivent posséder les troupes et de la nécessité de laisser les bagages tout à fait en arrière des colonnes, il paraîtrait logique de donner aux officiers un sac, plus léger peut-être que celui des soldats, mais suffisant pour contenir les objets de toilette ou de rechange les plus indispensables. Les officiers de la république et du premier empire portaient toujours un sac en campagne; il en est encore de même aujourd’hui dans les armées prussienne, suisse et italienne. Il est évident qu’avec l’allongement énorme que prennent les convois en campagne, par l’effet même de l’augmentation des effectifs combattants, les voitures à bagages ne rejoindront pas toujours les corps de troupes. Ce fait se produira surtout lors des concentrations en vue des opérations tactiques. Les officiers pourront être entièrement privés de leurs effets les plus indispensables, et se trouveront dans une situation inférieure à celle de leurs hommes. Les capitaines étant montés, le port du sac ne serait donc imposé qu’aux lieutenants, jeunes et vigoureux. Il est vrai que le port d’un sac est facultatif dans l’armée française; il semblerait préférable, dans l’intérêt même des officiers, de l’imposer.

Titre : Traité d’hygiène militaire (2e édition, entièrement remaniée, mise au courant des progrès de l’hygiène générale et des nouveaux règlements de l’armée), Auteur : Morache, Georges (1837-1906), Éditeur : J.-B. Baillière et fils (Paris), Date d’édition : 1886, Type : monographie imprimée, Langue : Français, Format : 1 vol. (VIII-926 p.) : fig. ; in-8, Format : application/pdf, Droits : domaine public, Identifiant : ark:/12148/bpt6k64720741, Source : Bibliothèque nationale de France, Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb309748712, Provenance : bnf.fr, Date de mise en ligne : 19/03/

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Laveran 1896

Nous allons voir ici les quelques années qui ont précédé le début de la guerre qui débuta en 1914.

En 1896, Alphonse Laveran dans un recueil : « Traité d’hygiène militaire », étudiait le chargement du fantassin et imaginait le poids et la forme la plus adaptée à donner au havresac, qui avec les chaussures étaient les parties de l’équipement les plus sensibles pour un fantassin qui se déplace continuellement à pied quand il est en campagne.

L’auteur de l’étude sur le chargement du fantassin, s’appuie sur les modèles antérieurs à l’article : ceux utilisés durant la Restauration et qui ont beaucoup accompagnés les troupes françaises durant la prise de possession et l’occupation de l’Algérie.

Par la suite, des modifications seront apportées, des scientifiques se pencheront sur le poids, la répartition des charges sur le corps du soldat et la position des courroies.

Le tout combiné avec les tissus et matériaux utilisés explique la complexité et la difficulté à faire coexister toutes les contraintes afin de réaliser cet équipement !

Dans la suite de l’article, de larges extraits du traité d’Alphonse Laveran sont retranscrits pour bien faire comprendre l’étendue des problèmes à résoudre et les arbitrages retenus pour produire un équipement le plus adapté, le plus efficace.

Traité d'hygiène Militaire par Alphonse Laveran

De la charge du fantassin et de la meilleure répartition de cette charge

1. Le problème du chargement et de son transport

Essai de remplacement du Havresac par un système de sac-musette-cartouchières :

Lorsqu’on fait le total du poids des objets que le fantassin doit transporter ainsi, on trouve que cette charge s’élève dans la plupart des armées à 25 ou 30 kg. Le chiffre de 30 kg. était dépassé naguère dans les armées française et allemande. Nous verrons plus loin que de tous côtés on s’ingénie à alléger cette charge écrasante il était d’autant plus nécessaire d’entrer dans cette voie que le soldat n’est plus entraîné aussi bien qu’autrefois ; au moment d’une mobilisation beaucoup de jeunes soldats n’auront pas encore une grande habitude des longues étapes, faites avec le chargement complet de campagne ; quant aux hommes de la réserve et de l’armée territoriale, ils auront perdu cette habitude.

On réussira certainement à diminuer cette charge, on y a déjà réussi en France, dans une mesure très appréciable, mais il faudra toujours que le fantassin transporte ses effets, ses armes et ses munitions de guerre ou de bouche.

Peut-on déterminer a priori quel est le maximum de la charge du fantassin ?

D’après Thurnwald, les lois de la physiologie indiquent qu’un soldat ne doit pas porter une charge supérieure au tiers de son poids, si l’on veut qu’il conserve la liberté de ses mouvements ; beaucoup de jeunes soldats ne pèsent pas plus de 55 à 60 kilogr., la charge du fantassin ne devrait donc pas dépasser 20 kilogr. La pratique a démontré qu’elle ne devait pas dépasser 25 kilogr.; dans ce poids sont compris tous les objets et effets que le soldat a sur lui. Il importe beaucoup que la charge soit bien répartie; l’expérience de tous les jours démontre que la même charge est plus ou moins fatigante suivant qu’on la transporte de telle ou telle manière.

Il importe donc que le centre de gravité de la charge se rapproche le plus possible de la verticale passant par le centre de gravité du corps. La figure 90 est le schéma d’un fantassin qui porte toute sa charge sur le dos ; les inconvénients de ce système sont manifestes.

Le centre de gravité du corps se trouve en (g), le centre de gravité de la charge en (g2), le centre de gravité de tout le système (corps et charge) est reporté en arrière du centre de gravité normal, en (G) par exemple, et une ligne verticale (XY) passant par ce centre de gravité vient tomber en dehors de la base de sustentation, si bien que l’homme, pour ne pas tomber en arrière, doit nécessairement incliner le tronc en avant. En répartissant la charge comme cela est indiqué dans la figure 91 on obtient deux résultats très avantageux : les cartouchières placées en-avant de chaque côté (g3) font, dans une certaine mesure, équilibre au havresac (g2) et d’autre part les centres de gravité des charges (fi), (g2), s’éloignent peu de la verticale passant par le centre de gravité du corps (g), il en résulte que le centre de gravité de tout le système (G), est très proche du centre de gravité normal du corps et que la verticale passant par le point (G) tombe encore dans la base de sustentation, ce qui permet à l’homme de marcher dans la position verticale. Une dernière condition imposée par la physiologie est que la charge du fantassin et les courroies qui servent à la maintenir, n’entravent pas le fonctionnement régulier des organes et en particulier celui des organes respiratoires et circulatoires. La fréquence du pouls est plus grande chez les hommes qui exécutent un exercice militaire avec la charge réglementaire, que chez ceux qui exécutent cet exercice sans être chargés.

2. Voyons maintenant comment ce problème du chargement du fantassin a été résolu dans les différentes armées

Autrefois le soldat français avait un havresac en peau de vache et une cartouchière unique placée en arrière, au moins pendant la marche; la charge était très mal répartie, de plus les bretelles du sac tiraient les épaules en arrière, ce qui obligeait le soldat à contracter sans cesse ses muscles pectoraux. On a adopté ensuite un havresac en toile imperméable avec deux cartouchières placées à la partie antérieure; c’est le modèle qui existait avant 1892. Les bretelles du sac étaient réunies au ceinturon par des bandes de cuir appelées contre-sanglons qui avaient l’avantage d’empêcher les bretelles de tirer les épaules en arrière. La répartition de la charge était meilleure, mais une partie des cartouches était encore portée dans un tiroir du havresac; de plus le havresac était trop lourd, il pesait vide 2500 grammes. Un nouveau modèle d’équipement a été adopté en 1892; il se compose :

  1. Du ceinturon garni de trois cartouchières modèle 1888, deux devant et une derrière
  2. D’une bretelle de suspension destinée à faire supporter par les épaules le poids des cartouchières
  3. D’un havresac plus petit que l’ancien modèle et dans lequel on ne met plus de cartouches

La figure 92 permet de se rendre compte du mode de suspension des cartouchières.

équipement du fantassin français en 1892

Fantassin français

Fantassin austro-hongrois

Fantassin austro-hongrois

L’équipement du soldat d’infanterie en Autriche-Hongrie comprend :

  1. Un havresac semblable à celui de l’armée allemande
  2. Une grande giberne de 0 m. 20 sur 0 m. 20 placée au-dessous du havresac
  3. Deux cartouchières en avant
  4. Un étui-musette dans lequel est renfermé le petit bidon.

La grande giberne (B, figures 94 et 95) repose sur les reins ; une sangle élastique (e), toujours tendue au moyen d’un écrou (d), évite les excoriations et permet à l’air de circuler entre la giberne et le dos. Dans la grande giberne le soldat met ses vivres de réserve et une partie de ses cartouches ; bien que les cartouches se trouvent dans une case à part, ce mélange est évidemment mauvais. Le havresac est fixé par une tringle métallique sur les bretelles qui soutiennent la giberne ; par en bas il repose sur la grande giberne. L’homme peut enlever facilement son havresac et n’emporter que ses cartouches et ses vivres.

Le sac-valise anglais qui ne pèse que 4550 grammes prend son point d’appui, non sur le dos, comme les havresacs que nous venons d’étudier, mais sur la courbure sacro-lombaire (fig. 96, A). Deux bretelles qui s’entrecroisent en arrière passent sur les épaules, où elles s’élargissent, et viennent s’attacher à la partie antérieure du ceinturon. De petites courroies horizontales empêchent le sac de ballotter.

Les mouvements des bras et des épaules et ceux de la cage thoracique sont remarquablement libres avec ce système d’équipement ; de plus le soldat se charge ou se décharge avec la plus grande facilité, il lui suffit de déboucler le ceinturon pour enlever tout son équipement, comme on ôte un habit.

Équipement des fantassins anglais et russe

Fantassins anglais et russe

Depuis 1881, le fantassin russe n’a plus de havresac. Une sacoche en toile imperméable qui prend son point d’appui sur l’épaule droite (1, fig. 97), contient les effets de rechange; une sacoche également en toile imperméable suspendue à gauche après le ceinturon (2) est destinée aux vivres, le manteau roulé dans la toile de tente (8) s’appuie sur l’épaule gauche, les cartouches sont contenues dans deux cartouchières fixées à la partie antérieure du ceinturon. (Arch. de méd. milit., 1883, t. I, p. 289.) C’est là un équipement très simple, mais le poids des objets attachés au ceinturon nous paraît excessif.

3. Conclusion

Actuellement, le soldat d’infanterie plie sous le poids d’une charge beaucoup trop élevée : un système compliqué de courroies enserre ses reins; un poids démesuré pèse sur ses épaules. Au moment d’entrer en ligne, la fatigue ferait perdre à son feu une grande partie de son efficacité. Nous n’exagérons rien en avançant que certains hommes portent une charge presque égale à la moitié de leur propre poids. « Le fantassin doit cependant être capable de manier son fusil avec facilité, avec aisance, d’utiliser tous les obstacles du terrain et de se porter prestement d’un abri à un autre.

De nouvelles mesures ont été prises pour réduire la charge, le poids net du sac a été diminué, ainsi que le nombre des outils portatifs et des moulins à café, etc. Le poids du fusil a diminué, mais on a augmenté le nombre des cartouches, ce qui a fait compensation.

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4. Composition de l’équipement du fantassin

Nous donnons ci-contre 1 le détail des effets, armes, munitions de guerre et de bouche, etc. que le soldat français doit porter en tenue de campagne.

détail des effets, armes, munitions de guerre et de bouche, etc., que le soldat français doit porter en tenue de campagne

détail des effets, armes, munitions de guerre et de bouche, etc., que le soldat français doit porter en tenue de campagne

5. Les tentatives de modification

Les modifications suivantes seraient sur le point d’être adoptées (Temps, 19 déc. 1894) :

  1. Emploi de l’aluminium pour la fabrication des bidons, des gamelles et des marmites, ce qui diminuerait la charge de 740 gr.
  2. Adoption d’un havresac pesant 600 gr. de moins que l’ancien
  3. Soulier de repos diminuant la charge de 500 gr.
  4. Réduction du nombre des outils

La charge du fantassin serait ramenée ainsi à 23 ou 24 kg

Des expériences intéressantes sur la charge du fantassin ont été faites récemment en Allemagne par les élèves de l’Institut Frédéric Guillaume qui, pour la circonstance, avaient revêtu l’uniforme des soldats d’infanterie et qui portaient le chargement de campagne.

Des marches de 25 à 28 km ont été exécutées dans des conditions variées de température, de manière à étudier l’influence des charges de 22 à 31 kg.

Les conclusions du rapport établi à la suite de ces expériences ont été les suivantes :

  1. Quand la charge du fantassin ne dépasse pas 22 kg, une marche de 25 à 28 km, exécutée par une température moyenne, n’exerce aucune action déprimante sur la santé du soldat et entretient, au contraire, le jeu des muscles.
  2. Par de fortes chaleurs, une marche faite dans les mêmes conditions amène dans l’organisme des perturbations sans gravité, qui disparaissent après quelques heures de repos et ne diminuent en rien la résistance aux fatigues les jours suivants.

Un poids de 21 kg porté pendant des marches de 22 à 28 kilom. et par des temps favorables, ne nuit pas à la santé du soldat, qui le supporte facilement.

Pendant des journées très chaudes, ce même chargement provoque chez l’homme des perturbations dont l’influence nuisible se fait encore sentir le lendemain.

A propos des ustensiles de cuisine

Le gobelet ou quart est accroché après le bidon; dans la cavalerie le quart est adhérent au bidon. Le bidon et le quart seront bientôt en aluminium, ce qui en diminuera notablement le poids.

Le soldat doit avoir une marmite pour préparer ses aliments ; les avis sont partagés sur la question de savoir si la marmite doit être individuelle ou bien collective.

Dans les armées allemande, anglaise et russe, chaque soldat a sa marmite de campagne.

Dans l’armée française, le soldat emportait autrefois en campagne de grandes marmites destinées chacune à la préparation de la soupe de huit hommes. Lorsque l’homme qui portait la marmite disparaissait, les sept autres ne savaient plus comment faire cuire leurs aliments. On a ensuite adopté la marmite à quatre qui a beaucoup moins d’inconvénients que la marmite à huit, attendu qu’elle peut servir au besoin pour six hommes !

Bidon et quart (armee francaise)

Marmite et gamelles (armee francaise)

Depuis 1887 le nécessaire Bouthéon a remplacé à la fois les marmites à quatre et les petites gamelles individuelles.

  • Fig.100. Marmite de campement (armée française)
  • Fig.101. Petite gamelle de campement (armée française)
  • Fig.102. Grande gamelle de campement (armée française)
6. Adoption des plaques d’identité(décrites dans un autre article)

Parmi les objets qui font partie de l’équipement du soldat en campagne nous signalerons enfin le paquet individuel de pansement et les plaques d’identité. Les plaques d’identité en maillechort sont gravées à l’avance par les soins des corps de troupe; elles seraient distribuées en cas de mobilisation et suspendues au cou de chaque soldat. On inscrit d’un côté de la plaque: le nom de l’homme, son prénom usuel et le millésime de la classe à laquelle il appartient, et de l’autre côté : la subdivision de région à laquelle il appartient et le numéro du registre de recrutement sous lequel il est inscrit. (Décis. ministérielle du 12 oct. 1883.) En campagne, ces plaques d’identité sont indispensables; avant leur adoption, un grand nombre de morts étaient ensevelis à la suite des batailles sans qu’il fût possible d’établir leur identité.

Et elles seront utiles ces fameuses plaques !

Titre : Traité d’hygiène militaire, par A. Laveran, Auteur : Laveran, Alphonse (1845-1922), Éditeur : G. Masson (Paris), Date d’édition : 1896, Type : monographie imprimée, Langue : Français, Format : In-8° , XIV-895 p., fig., cartes, plans, Format : application/pdf, Droits : domaine public, Identifiant : ark:/12148/bpt6k6470554c, Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-TC34-85, Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30755407b, Provenance : bnf.fr, Date de mise en ligne : 19/03/2013

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Traité d’hygiène militaire 1911

Traite d'hygiene militaire 1911

Équipement du soldat

Dans cet ouvrage, paru 15 ans après la traité d’hygiène militaire du Dr Alphonse Laveran, les préoccupations vont encore à ces problèmes du poids et de la répartition de la charge du soldat.

Là encore, la comparaison avec ce qui se fait ailleurs en Europe est en ligne de mire afin de trouver les solutions les plus adaptées à ces préoccupations récurrentes.

Le traité examine les différents points suivants :

  1. Chargement du fantassin en France et dans les armées étrangères
  2. Centre de gravité
  3. Façons de porter la charge. Sac dorsal, sac lombaire, sac latéral
  4. Modifications proposées. Répartition meilleure et allégement
1. Chargement du fantassin en France et dans les armées étrangère

Charge portée par les épaules

I. Charge portée par les épaules

Effets que l'homme porte sur lui, charge au ceinturon et armement

II. Effets que l’homme porte sur lui – III. Charge portée au ceinturon – IV. Armement

Équipement du soldat

Équipement du soldat

Une instruction du 24 août 1908 donne en détail le mode de chargement du havresac, la disposition du paquetage extérieur, la répartition des vivres du jour, de chemin de fer, de débarquement, etc. Au point de vue de l’hygiène, la seule chose qui nous intéresse, c’est le poids et l’arrimage de ce chargement, et les inconvénients qu’ils peuvent présenter pour la santé de l’homme.

Équipement

Un havresac (modèle 1893) en toile noire imperméabilisée qui comporte à l’intérieur un cadre en bois.

Hauteur = 0.27m – Largeur = 0.34m – Épaisseur = 0.12m.

L’infanterie est armée d’un fusil à répétition, au calibre de 8 millimètres, possédant, sous le canon, un tube magasin qui contient 8 cartouches.

Longueur de l’arme sans baïonnette = 1.307m, avec baïonnette = 1.825m

Poids de l’arme sans baïonnette = 4.180kg, avec baïonnette = 4.580kg

La charge peut monter de ce fait à 26 et 27 kilogrammes.

Parmi les objets de l’équipement certains doivent un instant retenir notre attention, à cause des rapports qu’ils ont avec l’alimentation du soldat en campagne, ce sont les objets de campement. Pour une escouade (14 hommes et 1 caporal) le matériel de campement comporte :

Matériel de campement

Tous les objets métalliques doivent être étamés à l’étain fin, c’est-à-dire qu’il devra contenir 97 p. 100 d’étain, dosé à l’état d’acide métastannique. Il ne devra pas renfermer plus de 0,50 de plomb ni plus de 1/10 000e d’arsenic. (Circulaire du 28 janvier 1909.) Leur usage n’a en général donné lieu à aucune plainte. Mais le poids et le volume de certains d’entre eux ont attiré l’attention du commandement qui cherche à diminuer ces inconvénients en employant l’aluminium dans la confection de tous ces objets et en opérant une meilleure répartition des grandes marmites et gamelles, dont certains demandent la suppression.

Parmi ces objets le bidon individuel mérite une mention spéciale en raison de son affectation particulière et de son mode de construction qui rend le contrôle de sa propreté absolument problématique

2. L’équipement du soldat d’infanterie dans les armées étrangères est résumé dans le tableau suivant

Tableau comparatif de l'équipement du soldat d'infanterie dans les armées étrangères

En résumé : L’infanterie des armées françaises et étrangères porte en moyenne, en vêtements et en effets d’équipement et d’armement, un poids variant de 28 à 30 kilogrammes, 23 kilogrammes si on retranche le poids de l’habillement. D’un autre côté, on peut regarder le chiffre de 60 kilogrammes comme représentant le poids moyen du soldat. Celui-ci porte donc une charge égale à la moitié de son poids. Le soldat est chargé comme un mulet de bât, on devrait dire plus chargé qu’une bête de somme, car, ainsi que le font remarquer Barthélemy et Eychène, le cheval et le mulet ne portent que le tiers de leur poids !

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3. Façon de porter la charge

1. Sac dorsal

L’homme porteur du sac dorsal a son centre de gravité reporté très en arrière, l’équilibre du corps est détruit. Pour obvier à ce grave inconvénient, on a placé deux cartouchières à la partie antérieure de l’abdomen.

Or, ces deux masses ont leur centre de gravité situé très près de celui du corps : elles ne compensent donc pas la projection en arrière produite par le sac. De plus, par suite d’un arrimage défectueux, le sac descend et en même temps se détache du corps par son bord supérieur, reportant ainsi le centre de gravité encore plus en arrière.

Pour rétablir l’équilibre, l’homme se penche en avant et contracte fortement ses pectoraux et ses grands droits abdominaux, organes si nécessaires à l’accomplissement des fonctions respiratoires.

Équipement du soldat français

Équipement du soldat français

2. Charge latérale

La charge est portée sur chaque côté du corps dans l’armée russe. Cette répartition semble préférable au premier abord. Le centre de gravité de chaque fardeau étant compris dans le plan frontal passant par le centre de gravité du corps.

Le porteur d’eau est un exemple courant de l’avantage considérable que procure une telle répartition. Cet homme, nullement au courant des lois de la statique, porte, naturellement, ses deux vases de chaque côté symétriquement, s’ils sont de même poids, et de telle façon que le plan frontal passant par son centre de gravité comprenne également ceux de ses seaux.

Mais l’abaissement du centre de gravité dans la charge du soldat russe est un autre inconvénient qui amène également une entrave dans la marche. La guerre mandchourienne a été pour ce mode de chargement une expérience qui vaut mieux que toutes les considérations théoriques tirées des rapports de la charge avec le centre de gravité.

Équipement du soldat russe. Chargement latéral.

Équipement du soldat russe. Chargement latéral.

3. Sac lombaire

Le sac est porté sur les lombes dans l’armée anglaise.

En Autriche, la grande giberne qui repose sur les lombes sert d’appui au sac, de sorte qu’en réalité, la charge n’est pas portée sur le dos. Dans cette façon de porter le sac, le centre de gravité est rapproché de celui du corps. Les défauts statiques signalés pour le sac dorsal sont donc, ici, réduits à leur minimum. Mais le sacrum est le siège facile d’excoriations et par conséquent très exposé à des accidents de ce genre avec le chargement lombaire. Les Anglais ont obvié à cet inconvénient au moyen d’un ustensile culinaire et d’une matelassure protégeant la région menacée.

Modifications proposées

Un certain nombre de modifications ont été étudiées pour améliorer le chargement du soldat. Elles se résument en ces deux propositions : Répartition meilleure de la charge et son allégement. Il est à remarquer que déjà en 1863 (50 ans auparavant) ces conclusions avaient été formulées !

I. Répartition meilleure de la charge

La répartition meilleure de la charge peut être obtenue de deux façons :

  1. En la portant plus haut
  2. En la portant moins en arrière

Pour éviter la compression des viscères abdominaux par le ceinturon, elle est reliée aux bretelles de suspension. Afin d’augmenter la stabilité, les inventeurs ont donné au sac une forme concave antérieurement, permettant une application plus intime sur la région dorsale. Les dimensions de ce sac sont proportionnelles aux différentes tailles des hommes: grandes, moyennes, petites. Il est un peu plus long que large. Ses parois sont évidées. Le cadre pèse 350 grammes et le revêtement 950 : au total 1300 grammes qu’on pourra réduire par la substitution de l’aluminium au bois dans l’ossature du sac.

Il est juste de faire remarquer que, dès 1886, le commandant Dumont avait proposé l’appui lombaire pour le sac. Cet appui consistait en une enveloppe molle en forme de rouleau contenant une veste et des espadrilles. Deux courroies reliaient cette enveloppe au sac. Il semble aujourd’hui que, pour l’armée française, on soit sur le point de renoncer complètement au sac rigide qui serait remplacé par une enveloppe souple portée sur la région lombaire. Une nouvelle répartition de l’équipement a été essayée au 131e régiment d’infanterie en 1908.

  1. Le principe de cet équipement est la solidarité de toutes les parties qui permettent à un homme de s’équiper et de se déséquiper d’un seul coup, d’où un gain de temps et une garantie presque certaine contre la perte d’un ou de plusieurs objets de l’équipement
  2. L’équipement se compose d’une armature formée par un ceinturon soutenu en quatre points par deux larges bretelles de suspension avec épaulières qui, par leur croisement dans le dos, suppriment le glissement sur les épaules (Fig.56)
  3. Sur cette armature viennent s’adapter toutes les parties de l’équipement; sac, musette, porte-bidon, porte-outil, porte-baïonnette cartouchières. Cette armature supprime ainsi les bretelles du sac, la courroie du bidon et la banderolle d’étui-musette, ce qui réalise un sérieux progrès

Fig.56 Disposition du sac Barthélémy et Eychère. Ce sac concave en avant de façon à épauler le dos du soldat repose sur une cartouchière lombaire.

Fig.56 Disposition du sac Barthélémy et Eychène. Ce sac concave en avant de façon à épauler le dos du soldat repose sur une cartouchière lombaire.

Avantages

Le progrès réalisé est la suppression des bretelles du sac, de la banderolle de musette et de la courroie du bidon qui compriment la cage thoracique, avec notre équipement actuel, et empêchent l’homme de respirer. Avec le modèle proposé, plus rien de tout cela: le sac repose sur la partie lombaire, l’homme respire librement et la circulation du sang n’est en rien gênée, les aisselles n’étant plus comprimées par la bretelle du sac. L’homme peut, par les grosses chaleurs, ouvrir largement sa capote, au besoin, marcher le ceinturon débouclé, sans que rien ne soit changé à l’équilibre du système. Les dispositions des boucles permettent un ajustement parfait, elles sont simples, sans ardillons, faciles à manipuler, incassables, étant frappées et non coulées. L’équilibre est si bien établi qu’il n’y a pas de pression sur un point quelconque, qu’il y ait des cartouches ou non dans les cartouchières.

C’est la voie dans laquelle se trouvera la solution du problème de la meilleure répartition de la charge.

Nouvel équipement proposé pour le fantassin français

Nouvel équipement proposé pour le fantassin français

II. Allégement de la charge

L’allégement du fantassin est la réforme urgente et indispensable.

1. Diminution du poids des objets

L’emploi de l’aluminium dans la composition des objets de campement, ustensiles culinaires, de l’habillement, s’est présenté tout d’abord à l’esprit. Des expériences ont été faites à ce sujet en 1894 dans l’armée allemande et de 1892 à 1896 dans l’armée française. La commission française arriva aux mêmes conclusions que la commission allemande et, sur le rapport de Moissan, conclut à l’adoption de ce métal pour la fabrication des objets de campement et d’équipement qui jusque-là étaient fabriqués avec le fer-blanc. L’avantage de l’adoption de ce métal au point de vue de l’allégement du soldat est rendu évident par la lecture du tableau suivant :

Diminution du poids des objets

L’aluminium est d’ailleurs admis actuellement dans la plupart des armées étrangères. Diminution du nombre des objets emportés par le soldat.

« Il en est du choix de ces objets, dit le médecin en chef allemand Kirchner, comme du choix d’un bagage de voyage. Aucun voyageur ne voudrait se charger de choses qui ne seraient absolument nécessaires, tant sous le rapport de la dépense que sous celui de la commodité. Mais la manière de comprendre le nécessaire est variable. »

« Tout le monde aujourd’hui, dit le capitaine Eychène, convient que le fantassin est trop chargé. »

Beaucoup de militaires recherchent le moyen de l’alléger, mais personne n’est d’accord sur les objets qu’il convient d’enlever au chargement actuel, de sorte que le problème reste sans solution.

« Tout ce qui est dans le sac de l’homme est utile. Il s’agit de connaître l’indispensable. » Or le fantassin doit avant tout marcher et se battre.

Des vivres et des munitions, voilà ce dont il ne peut se passer, et dont il faut le pourvoir. En temps ordinaire, un jour de vivres suffit pour parer à l’imprévu, d’après le capitaine Eychène.

Cette réduction peut paraître excessive lorsqu’on songe aux difficultés du ravitaillement de troupes placées dans certaines conditions.

Quant aux ustensiles de campement nécessaires pour la préparation des aliments, les puissances étrangères ont presque toutes adopté la marmite individuelle en aluminium, par suite des inconvénients sérieux que présente à la guerre un ustensile qui doit servir à plusieurs hommes. Il n’est pas douteux que les troupes qui se trouveront en première ligne ne disposeront pas d’un temps suffisant pour préparer une alimentation soignée et qu’il faudra se contenter d’aliments faciles à apprêter, auquel cas, la marmite individuelle sera de nature à parer à ces besoins.

Quant aux troupes de l’arrière, elles pourront facilement utiliser les ustensiles qu’elles trouveront, dans certains pays, en très suffisante quantité chez l’habitant. L’adoption de la marmite individuelle en aluminium avec couvercle formant assiette d’un poids de 400 grammes et d’une capacité de 2 litres, entraînera la suppression de la gamelle individuelle ainsi que de la marmite et de la gamelle de campement. La soupe sera peut-être plus difficilement et moins bien apprêtée, mais l’homme pourra toujours la préparer, considération qui, jointe à celle de l’allégement, est bien de nature à gagner la cause de la marmite individuelle. D’ailleurs, les vivres de réserve tels qu’ils viennent d’être constitués ne demandent pas une préparation bien difficile.

On a encore proposé1 de remplacer toutes les marmites ainsi que toutes les gamelles à quatre hommes, portées jusqu’ici sur le sac, par des récipients en aluminium d’une contenance suffisante pour permettre la préparation des repas par section et d’un modèle tel que leur arrimage sur la voiture de compagnie soit aussi commode et aussi peu encombrant que possible. Ces ustensiles, dits marmites de section, ne seraient plus qu’au nombre de quatre par compagnie. La question envisagée ici associe l’allégement et l’amélioration du régime alimentaire du soldat en campagne. Nous ne pouvons que souscrire à cette conception qui nous paraît heureuse. La suppression complète du matériel de campement porté par l’homme est d’ailleurs déjà une question posée.

Le moulin à café pourrait également être supprimé, en raison de l’utilisation du café en tablette. D’ailleurs, aux manœuvres, le soldat sait parfaitement et suffisamment moudre le café en grain avec la crosse de son fusil.

Les nécessaires d’armes semblent également inutiles ; il n’est pas d’homme qui n’ait en poche un sou pour visser sa culasse mobile ou sa vis de sous-garde; beaucoup d’ailleurs ont des couteaux à tournevis permettant de serrer à fond leur fusil ou celui de leurs camarades.

Enfin les haches et hachettes n’ont plus raison d’être depuis que les compagnies sont pourvues de la serpe, excellent outil de débroussaillement et de bivouac.

2. Munitions

L’homme porte actuellement 88 cartouches (D) sur lui à 27 g 60 par cartouche (la balle M pèse 29,70), ce qui donne un poids de 2 kg 288 (32 sont portées au caisson de munitions de bataillon et 64par la voiture de compagnie).

3. Outils portatifs

La nécessité de faire porter un outil au fantassin découle de l’usage plus ou moins fréquent que l’on entend faire de la « fortification passagère ». Cependant certains officiers estiment qu’en réduisant de moitié les outils de parc, on pourrait les faire porter par les voitures de compagnie, puisque les hommes sont pourvus actuellement d’outils portatifs. Ceux-ci pourraient remplacer, sur la voiture, les outils de parc supprimés et l’homme serait ainsi débarrassé de son outil pendant les marches, soit en moyenne 1 kilogramme. Il ne serait repris que lors de la prise des dispositions de combat. Seraient seulement laissés entre les mains du soldat, pour les marches, les travaux de bivouac ou de débroussaillement un nombre très restreint d’outils portatifs, les serpes actuellement en usage constituant, paraît-il, un excellent instrument utilisable pour ces opérations.

4. Tente-abri

Sa suppression entraîne une diminution de charge de 1 kilogramme il est vrai, mais dans certaines circonstances cet abri est absolument nécessaire sous peine de faire fondre les effectifs sous l’influence des maladies nombreuses produites par le froid. Il est certainement inutile d’en encombrer le fantassin en toute saison, en tout lieu. La plupart du temps la simple couverture de campement suffirait, surtout si elle pouvait être transformée en « sac à dormir », comme cela se pratique dans l’armée norvégienne.

Barthélemy et Eychène n’admettent pas qu’on puisse décharger complètement l’homme de son sac en le faisant porter par des voitures de réquisition, par exemple, ainsi que les Allemands ont pu le pratiquer en 1870.

Conclusions

« Le sac fait partie du soldat et doit être vissé sur son dos. » Cette formule ne semble pas cependant devoir être absolue, puisque, dans ces derniers temps, un projet soumis au Conseil supérieur de la Guerre étudie le moyen de faire porter le sac, non par des voitures de réquisition, mais par les voitures régimentaires.

Voici d’ailleurs l’économie générale de ce projet :

I. Chargement porté par l’homme

  1. Le havresac modèle 1873 est remplacé par une enveloppe souple, qui ne devra contenir que l’indispensable et dont le poids une fois chargé ne devra pas dépasser 3 kg 500. Cet indispensable est la chemise de rechange, la gamelle et les vivres de réserve.
  2. Les cartouches et l’outil sont portés au ceinturon.
  3. Chaque homme est porteur d’une gamelle individuelle en aluminium.

II. Sur voiture

  1. La voiture de compagnie ne porte plus ni cartouches ni outils : elle devient une voiture à bagages chargée de transporter les effets de rechange réunis en ballots et comprenant : un jersey en remplacement de la veste, une paire d’espadrilles en remplacement de la chaussure de repos, une brosse, un livret et un étui-musette qui sert d’enveloppe à tous ces effets. Elle porte en outre les bagages des officiers de la compagnie, une partie de la troisième journée de vivres, et une réserve de chaussures.
  2. Les grandes marmites d’escouade sont supprimées. 30 Les cartouches, antérieurement transportées par les voitures de compagnie, sont portées sur un caisson de bataillon. 4° Les voitures de cantinières, la voiture régimentaire d’effets sont supprimées ; cette dernière est remplacée par une voiture portant une réserve d’outils de parc.

L’allégement réalisé pour l’homme est de 7 kilogrammes environ, et il ne porte plus guère que 3 kg 500 à 4 kilogrammes sur son dos au lieu de 10 en moyenne. Aux manœuvres de l’Ouest de 1906, ce chargement a été mis en essai dans plusieurs régiments, notamment au 136e de ligne. Les résultats de ces essais ne sont pas officiellement connus. Il est probable qu’ils n’ont pas mérité une approbation unanime puisqu’on cherche encore. La solution de la question est cependant urgente.

Et en 1914, les fantassins se plaindront de…

  • Le Havresac, dit sac as de carreau ou azor, modèle 1893 : Entièrement chargé le sac pouvait peser de 20 à 25kg.
  • L’équipement total pèse près de 30kg. Le seul ordre de réforme interviendra le 27 juillet 1914, quelques jours avant la déclaration de guerre, mais il sera bien sur trop tard pour l’appliquer avant les premières hostilités.

Mais les tentatives de révision avaient été bien réelles !