Parcours du 33ème R.I du 10 mars au 24 avril 1915

Le calendrier des opérations de la 2ème Division d’Infanterie en 1915 et du 33ème Régiment d’Infanterie

cabane "Villa mon plaisir"

Campement dans la région de Woëvre, une cabane nommée « villa mon plaisir » | photographie de presse | Agence Rol

Campement dans la région de Woëvre

Campement dans la région de Woëvre | photographie de presse | Agence Rol

2e division infanterie affectation organique

Il est écrit Duplessix pour Duplessis

Journal de la 2e division d'infanterie

Introduction : La fin de la 1ère Bataille de Champagne

La première bataille de Champagne est une offensive des armées françaises contre les armées allemandes en région Champagne lors de la Première Guerre mondiale. Elle commença le 14 décembre 1914 et se poursuivit jusqu’au 17 mars 1915.

Le 33ème R.I y avait été engagé (voir le récit s’y rapportant).

Le lendemain, le 18 mars, en rendant compte au commandant en chef des opérations (Le Général Joffre) et des premiers ordres donnés pour les relèves, le général de Langle de Cary (qui commandait l’opération) l’informait que :

« Devant la nécessité d’assurer la sécurité du front en présence d’un ennemi renforcé et des travaux considérables exigés par les organisations défensives, il lui avait paru préférable de ne pas laisser prévoir avant quelques jours au 17e corps son prochain retrait du front. »

Il ajoutait :

« Je crois en somme pouvoir affirmer que les trente-deux jours d’offensive continue de la IVe armée ont eu, en outre de résultats matériels incontestables, l’avantage de tremper le moral des troupes et d’augmenter leur confiance dans le succès final.

Le même jour, le général Joffre adressait au commandant de la IVe armée ses félicitations pour l’ardeur déployée par son armée. « Sous votre impulsion, lui écrivait-il, et grâce à votre action personnelle de tous les instants, les unités sous vos ordres ont rendu le maximum de ce qu’on pouvait en attendre, donnant chaque jour la preuve que leur capacité. »

La 2ème division, celle du 33ème R.I avait déjà été amenée à stationner dans la zone Saint-Étienne-au-Temple, Courtisols près de Châlons-sur-Marne.

carte

*

Le 11 mars 1915 :

Le Régiment se trouve rassemblé sur la route qui relie Suippes à Brionne prêt à être embarqué.

Il sera transporté en 3 convois de camions-autos à Courtisols – Saint-Memmie où il cantonne jusqu’au 20 mars.

Du 21 mars au 31 mars :

le 33ème R.I se réorganise et les unités changent souvent de secteur comme l’indique le Journal de Marche de ces journées et finit par se stabiliser à 10 km à mi-chemin entre Epernay et Châlons-sur-Marne.

Le Q.G du 1er Corps d’Armée et le 3ème Bataillon du 33ème à Athis.

L’Etat-Major du 33ème, les 1er et 2ème Bataillons sont positionnés à Plivot.

carte Epernay - Chalon

Le régiment y reçoit un nouveau renfort : le 8ème de 340 hommes et d’un Officier, le Commandant Deshayes.

Le Commandant Deshayes prend la direction du 1er bataillon. Le Capitaine Carré qui faisait fonction après la blessure du Commandant Batbedat durant la Bataille de Champagne fut blessé à son tour.

Ces changements se feront sans l’Officier Adjoint au Chef de Corps car blessé par balle à la main gauche le 10 mars.

« Et petit à petit, la main du Capitaine de Gaulle commence à picoter, à un peu enfler, Charles ne s’inquiète pas outre-mesure. Mais au bout de 3 jours, une infection se déclare. Tout l’avant-bras enfle, et les souffrances amplifient au point d’inquiéter le corps médical qui décide de l’hospitaliser peu après. »

Durant cette 2ème quinzaine de mars, le séjour à l’arrière, présenté comme période de relâche, est loin d’être « Le Repos du Guerrier ».

Les troupes organisent le cantonnement. Les soldats font des exercices de spécialité : mitrailleurs, sapeurs…

On fait des reconnaissances de jour et de nuit, on observe.

On intègre les recrues, on les forme au métier de soldat. On apprend à utiliser certains instruments, certains outils. On retape le matériel, on soigne les chevaux.

Les officiers Généraux passent le Régiment le 33ème en revue comme ce jour du 25 au cours de laquelle le Généralissime Joffre, décore de la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur le Capitaine Charue et félicite les 5 survivants de la 9ème compagnie durement éprouvée durant les séries d’attaques de février.

Pertes durant les travaux : 1 tué, 3 blessés.

Par contre, au Q.G, un nouveau plan d’action se met en place après la stabilisation du front en Champagne. Une nouvelle organisation va voir le jour. Elle s’organise du 26 mars au 04 avril 1915.

Du 1er au 03 avril : le 33ème R.I est mis en marche.

Le P.C du colonel se positionne à Braquis. Le bivouac du régiment se fait aux abris du Bois d’Hermeville . Et du repos il n’y en n’eut pas… Il va participer à la bataille qui prendra le nom de « La Bataille de la Woëvre ».

*

La Bataille de la Woëvre

Introduction

Rappels :

I – Le Commandement

En début 1915,

Le 33ème R.I, commandé par le Colonel Claudel, fait partie de :

  • la 5ème Armée, commandée par le Général Franchet d’Espèrey
  • le 1er Corps d’Armée, commandée par le Général Guillaumat
  • la 2ème Division, commandée par le Général Brulard

La 2ème division est formée de :

  • 3ème Brigade avec les 33ème et 73ème R.I commandée par le Général Duplessis
  • 4ème Brigade avec les 8ème et 110ème R.I commandée par le Colonel Camille Lévi

Rappel :

  • Le 1er corps d’armée (de Lille) en août 14 est commandé par le général Louis Franchet d’Espèrey, remplacé le 4 septembre 1914 par le général Henry Victor Deligny.
  • Le 25 février, le général Guillaumat remplace le général Deligny, à la tête du 1er corps d’armée. Deligny étant parti pour le 39ème Corps d’Armée.
  • Le 31 janvier 1915, le Général Gérard a été nommé commandant du 2e corps d’armée.
  • Le 1er avril 1915 : création du détachement d’armée Gérard.
  • Le général Gérard prend la direction des opérations dans le secteur des 1er et 2ème corps.
  • Le détachement Gérard agit sous les ordres du Général Dubail, commandant la garnison de Verdun de la 1ère Armée.
  • La 1ère Armée étant sous les ordres du Général Roques début 1915.

II – Les Lieux

La Woëvre forme une vaste dépression reposant sur les couches de marnes et d’argiles du Jurassique. Elle dessine une plaine humide au relief très peu marqué, limitée à l’est par le plateau calcaire sec de Haye et dominée à l’ouest par les reliefs puissants des Côtes de Meuse. Elle s’allonge ainsi de la vallée de la Chiers au nord (Meuse), jusqu’à Neufchâteau au sud (Vosges) sur plus de 120 km, présentant des paysages ruraux ponctués d’une multitude d’étangs et de forêts humides (Catre 1).

On peut retrouver l’ensemble des lieux mentionnés dans cet article peuvent être consultés sur geoportail.gouv.fr. Il est à noter que le Bois Marteau n’existe plus sous ce nom, il est appelé maintenant « Les Bouleaux » et se trouve à l’est du Bois de Darmont. Comme l’indique la « simulation » effectuée à l’aide des cartes 1a, 1b, 1c.

Woëvre carte 1

Woëvre carte 1

Woëvre carte 1a

Carte 1a

Woëvre carte 1a

Carte 1b

Woëvre carte 1c

Carte 1c

III – Les Intentions

Le 26 mars 1915 : Annexe n° 1258. Une note secrète et personnelle :

annexe 1258

Signé : Le général délégué du commandant en chef, DUBAIL.

Bataille de la Woëvre

Carte 2

Précisions sur « L’Instruction particulière n° 7 » reproduite ci-dessus

I – But de l’opération

1 – La Ière armée, le détachement Gérard et la garnison de Verdun* ont pour mission de chasser les Allemands des Côtes de Meuse. L’opération doit être préparée dans le plus grand secret et exécutée avec une rapidité et une énergie extrêmes. Carte 2.

*(Au début de 1915, Le Général Dubail commandant la 1ère Armée en 1914 devient en janvier 1915 Commandant du groupe de Lorraine et reçoit aussi le commandement du groupe d’Armée de l’Est, dans le secteur de Verdun qui prendra le nom de « Garnison de Verdun »). Le commandant de la 1ère Armée étant le Général Roques depuis le 5 janvier 1915.

2 – Il faut qu’elle ait le caractère d’une surprise violente.

3 – Le secret le plus absolu doit être observé par tous et les mouvements préparatoires doivent être exécutés sous des prétextes plausibles, qu’il appartient au commandement de donner aux exécutants.

II – Opérations en Woëvre

Outre l’objectif de repousser le Allemands de la Meuse, cette attaque répondait à une vision plus globale des opérations, en liaison avec les forces britanniques :

« Le déclenchement des opérations en Woëvre étant fixé au 3 avril pour la 1ère Armée et au 5 avril pour le détachement Gérard. »

« Je verrais grand intérêt à ce qu’une offensive se produisit dans le Nord vers le 1er avril, de manière à fixer les Allemands dans cette région et à leur interdire, par cette diversion, le déplacement de leurs réserves, de quantités importantes de matériel, aux environs de Bapaume et de Saint-Quentin. »

(Message du Général Joffre.)

III – Détail des opérations

Rattachement de la place.

La place de Verdun : à partir du 1er avril, passera sous les ordres directs du général Dubail (troupes et ressources).

Poste de commandement du Général Dubail. Le poste de commandement du général Dubail, qui assure la direction supérieure de l’opération, est à Bar-le-Duc, à partir du 3 avril, midi.

Le Général Gérard se verra confier une mission spéciale à travers le Commandement d’une Brigade Provisoire.

Composition du détachement Gérard

Les troupes mises aux ordres du général Gérard comprennent :

  • Les 1er et 2e corps d’armée
  • La division Morlaincourt* ; Une division de cavalerie et état-major du corps Conneau**
  • Une artillerie lourde d’armée
  • 20 canons de 58 seront dirigés sur Verdun, ils seront affectés au détachement Gérard qui constituera les sections de bombardiers destinés à les servir

*: Division de Morlaincourt ou Division de Marche de Verdun fut créée le  23 septembre 1914 et dirigée par le Général Boucher de Morlaincourt. Elle est nommée ensuite 132è Division d’Infanterie.

**Le Corps Conneau est un Gros Corps de cavalerie qui était mis à disposition dans différentes opérations.

IV – Mission du détachement (voir annexe 1258).

La mission confiée au détachement du général Gérard comprend deux phases.

1ère phase : crever l’organisation allemande dans l’axe de Verdun et s’y organiser définitivement.
Troupes destinées à l’exécution de cette première phase : 1er corps avec le 33ème et 73ème R.I et des fractions du 2ème corps.

Déclenchement de l’attaque le 5 avril. Cette date a un caractère impératif.

2ème  phase : agir sur la ligne de retraite de l’ennemi. En vue de l’encercler.

« Quand l’espace nécessaire à son déploiement aura été acquis par l’avance du 1er corps et de la 1ère division du 9ème  corps, la 2ème division s’engagera à la droite de la 1ère division et en liaison avec la division Morlaincourt, attaquera dans la direction générale du sud-est, de manière à atteindre le front Sponville (liaison entre les deux attaques), la Chaussée. »

Toutes les observations effectuées les jours d’avant étaient optimistes !

Le 4 avril au soir, le commandant Pichot-Duclos, officier de liaison du commandant en chef auprès du général Dubail, lui rendit compte qu’il avait passé la journée au détachement Gérard et que son impression sur la préparation de ce côté n’était pas moins bonne que celle qu’il avait eu la veille (à la Ire armée). On escomptait la surprise, car l’infanterie avait été amenée à pied d’œuvre de nuit et le temps brumeux et bas avait interdit toute sortie aux avions allemands.

Le sol était resté sec jusqu’au 3 avril, mais, depuis, il pleuvait.*

*Et cette remarque allait avoir un rôle central et prépondérant dans la semaine qui suivit !

« Cependant, nos troupes avaient pu s’installer sur leurs positions sans éveiller l’attention de l’ennemi. De plus, l’effet de surprise était d’autant plus probable que plusieurs régiments allemands établis entre Meuse et Moselle avaient été dirigés sur d’autres parties du front.

L’artillerie de gros calibre si nombreuse et si largement approvisionnée il y a trois mois, avait diminué comme nombre et comme activité. A la suite de nos attaques sur le bois le Prêtre et sur Fey-en-Haye, les Allemands avaient amené sur ces points des renforts prélevés sur les secteurs voisins et paraissaient ne plus avoir de grandes disponibilités.

Pour résister à notre formidable attaque il semble que les Allemands ne disposaient guère alors que de leurs ressources locales et que, s’ils en ont appelé d’autres, il ne s’agirait que de quelques bataillons. »

On déplorait cependant de ne pas avoir pu empierrer certaines communications en sous-bois.

On était également inquiet de la pénurie de canons de 155 (dont il n’avait qu’une seule batterie) et de canons de 75, ses corps d’armée n’ayant pu être complétés qu’à 108 pièces.

Attaque brusquée de la 1re armée en Woëvre

Carte 3

Tout était prêt pour déclencher l’ :

Offensive Générale

1° Première Phase (5 au 7 avril)

Le 4 avril, veille du début de l’opération d’ensemble, le temps fut très mauvais. Si la Ière armée avait pu depuis le 26 mars organiser des bases de départ, il n’en était pas de même du détachement Gérard*. Aussi, le général Dubail rendit compte au commandant en chef que, par suite du mauvais temps qui ne permettait pas de « s’enterrer à sec », on ne pourrait installer, au cours de la nuit, l’infanterie aussi près de l’ennemi qu’on ne l’avait tout d’abord décidé. On partirait de plus loin, protégé peut-être par la brume, en tous cas par le barrage d’artillerie.

*ce que nous verrons avec le récit concernant le 33ème R.I

Le temps resta pluvieux pendant la matinée du 5 avril et à 9 heures l’artillerie du détachement Gérard n’avait pas encore pu commencer ses tirs de réglage !

Cependant la Ière armée allait attaquer à 10 heures. Le général Dubail pressa le général Gérard de commencer ses attaques autant que possible avant midi.

Le temps reste pluvieux pendant la première partie de la matinée du 5 et l’artillerie ne peut commencer ses tirs de réglage que vers 11 heures.

Le groupement Guillaumat (le 1er Corps d’armée du 33ème) reçoit à 13heures l’ordre d’attaquer à 14 h15.

A l’heure prescrite, toutes les troupes d’attaque sortent toutes d’un bel élan de leurs tranchées.

« Le sol, marécageux en temps ordinaire, détrempé par la pluie tombée le 4 et dans la matinée du 5 avait ses parties basses couvertes de grandes flaques d’eau et rendaient la progression très difficile. »

Certains éléments s’emparèrent de ‘’tranchées interrompues’’(des abris) dans lesquelles se trouvaient des postes d’écoute allemands, notamment au nord-ouest de Maizeray et de part et d’autre de Pareid mais se heurtent à un nouveau réseau de fils qu’ils ne purent franchir. Carte 3 et carte 4.

Nulle part on ne put atteindre la ligne de résistance ennemie.

Pris sous le feu de mitrailleuses ennemies, les groupes d’attaque sont stoppés 300 mètres avant l’objectif.

La situation de ces groupes reste inchangée jusque la nuit.

A 22heures, l’attaque est reprise et quelques compagnies parviennent jusqu’aux fils de fer allemands mais pas au-delà.

Sur tout le front, on constate que l’artillerie n’avait pas pu opérer des brèches exploitables dans les réseaux qui étaient « très profonds et confectionnés avec du fil de fer de gros diamètre ». Des essais tentés au cours de la nuit pour créer des brèches dans les réseaux à l’aide de cisailles renforcées ne donnent aucun résultat.

Sur tout le front, la progression de l’attaque s’est trouvée enrayée par l’impossibilité de franchir les réseaux de fils de fer dans lesquels il n’existait aucune brèche praticable.

Le Commandement fit le constat suivant :

« Les attaques ont échoués par le manque d’efficacité de l’artillerie sur les réseaux. Cette inefficacité doit être attribuée d’une part à l’état de l’atmosphère qui a retardé le repérage du terrain et le réglage du tir et d’autre part, au peu de consistance du sol amenant à chaque coup des dépointages dans des proportions que l’on ne saurait imaginer.

La reprise des attaques se fera le lendemain après une préparation d’artillerie plus soutenue. »

En conclusion : Déclenchement de l’attaque le 5 avril et le 6 avril au matin, on se retrouvait dans les mêmes conditions que la veille !

Les pertes approximatives et estimées pour la journée du 5 sont pour l’ensemble des unités engagées de :

  • 54 officiers tués ou blessés
  • 2170 hommes tués ou blessés
Offensive de Woëvre

Carte 4 – © Ministère de la défense – Mémoire des hommes

2° Bilan de l’Offensive Générale

Courriers échangés entre Généraux :

Le général Dubail estimait que l’ennemi avait été surpris par notre offensive d’ensemble. C’est ce qu’il télégraphia dans la soirée du 5 avril au général Gérard en lui faisant observer que la Ière armée était engagée à fond, que la Ille armée avait obtenu des succès sur le front Vauquois, la Grurie et que, dans ces conditions, il était nécessaire que l’attaque de la 2e division eut lieu dans l’après-midi du 6 avril au plus tard.

Après avoir écrit à son supérieur sur le constat de l’échec du mouvement du 5 avril, le général Dubail répondit au général Gérard, qu’en raison des impossibilités matérielles signalées dans son rapport et qui étaient surtout le fait du mauvais temps, il considérait comme inutiles de nouvelles tentatives pour percer au nord de Maizeray.

« Je vous donne donc comme instruction*, ajoutait-il, de préparer dans le minimum de temps une percée dans la zone Maizeray, Marchéville ! De couvrir cette opération contre une contre-offensive venant de Pareid ou de Parfondrupt (lignes allemandes) et de rassembler les troupes devenues disponibles dans les côtes de Meuse. »

Le général Gérard devait mettre sans délai un régiment à la disposition du général Herr pour l’opération des Eparges. Ce fut le 8ème R.I de la 4ème Brigade, ce qui augmentera les efforts des 33ème et 73ème R.I dans ces attaques. Carte 4.

*Mais les événements des 7 et 8 avril allaient voir ce plan obsolète avant même sa mise en place complète !!

3° Le rôle du 33ème R.I durant ces journées

Du 1er au 03 avril : le 33ème R.I est mis en marche.

Le 1er Corps d’Armée est transporté dans la zone de Bar-le-Duc.

Pour le 33ème ; le cantonnement pour l’Etat-Major, les 1ère et 3ème Bataillons et les compagnies de Mitailleuses à Chardogne tandis que le 2ème Bataillon ira à Vavrincourt. (au nord de Bar-le-Duc).

Le 03 avril 1915 :

Le 1er Corps d’Armée, se porte dans la Woëvre. Le tout dans le secret

Le Régiment effectuera la marche, terrible marche, en 2 temps :

Départ 4h30 le 03, Itinéraire Belleville-sur-Meuse – Fort Saint-Michel – Souville – Tavannes – Fort de Moulainville – Moranville – Grimaucourt – Hermeville. (Carte 8)

Woëvre

Carte 8

Le 4 avril 1915 :

à 4h30, le Régiment arrive à Braquis.

« Ce fut après une marche épique de 24 heures rendue extraordinairement pénible par la pluie, l’état des routes, les chemins défoncés remplis de boue !.. épuisant, éreintant les hommes ! S’y ajoute, l’encombrement inextricable des chemins où circulent des convois de poids-lourds, des colonnes d’artillerie et de sections de mitrailleuses.

Et ces pauvres chevaux qui dans ce mauvais temps, tiraient leurs charriots, tiraient dans ce pauvre paysage en attendant le printemps à moins qu’un éclair blanc ne les plaque définitivement et…. sans jamais avoir vu le printemps…

Et toute cette expédition sous le bruit la pluie qui mouille les corps, sous le feu de la canonnade qui chauffe les nerfs ! »

Et puis, après 24 heures de ce qui ressemblait à un chemin de croix, la 3ème Brigade s’installe.

Le P.C du colonel se positionne à Braquis.

Le bivouac du régiment se fait aux abris du Bois d’Hermeville.

Le 73ème R.I étant au Bois-la-Dame.

Et du repos il n’y en n’eut pas… Le 33 va participer à la bataille qui prendra le nom de « La Bataille de la Woëvre ».

Le 04 avril 1915 :

Le secteur d’action de la 2ème Division s’étend depuis la lisière Nord du petit bois de Buzy (exclus) jusqu’au Rupt-de-Butel.

Les chefs d’unité de la 3ème Brigade, le Général Duplessis, le Lieutenant-Colonel Truffert Commandant le 73ème et le Lieutenant-Colonel Boud’hors Commandant du 33ème, exécutent des reconnaissances dans le secteur du petit Bois de Buzy – Parfondrupt, où l’on doit attaquer le lendemain. Carte 5

« Jamais cette reconnaissance n’a été faite, aucun officier n’y était venu voir ! »  Grommela le Général Duplessis !

Là, il découvre une formidable organisation allemande préparée depuis des mois et en fait le croquis de son secteur. Croquis qui montre la silhouette des ouvrages dont on ne sait deviner la fonction et que les troupes doivent enfoncer !

Et depuis la veille, la région de la Woëvre vient de subir de violentes pluies qui rendent le terrain impraticable au point que les fantassins auront de la boue à mi-mollet lors de leur progression !

Voir JMO 3ème Brigade du 21 mars 1915 au 18 juillet 1916 page 8

Tous ces éléments laissent perplexe Duplessis, il relit les directives reçues :

« Il y a là une question de solidarité et il faut bénéficier de l’effet de surprise sur lequel nous comptons. »

Il enverra ses hommes à l’assaut…

Bataille de la Woëvre

Carte 5

JMO 3ème Brigade

JMO 3ème Brigade du 21 mars 1915 au 18 juillet 1916 page 8

Le 05 avril 1915 :

Le 33ème allait attaquer en liaison avec le 73ème R.I, l’autre régiment de la 3ème Brigade.

La matinée fut consacrée par le 73ème aux dispositions préliminaires d’attaque.

A faire des patrouilles de reconnaissance dans le Bois de Buzy encore non occupé Cette attaque devant livrer son effort principal sur la cote 209 en partant de la lisière E. du Bois de Buzy et une attaque secondaire du Bois des Marteaux et du Bois de Darmont (Carte 6).

Bataille de la Woëvre

Carte 6

L’attaque

Elle devait débuter à l’aube par l’attaque principale du 2ème bataillon Rouvin du 73ème qui dispose du soutien de la compagnie de Mitrailleuse du capitaine Rives du 33ème.

A signaler cette journée le dévouement du Lieutenant Kuégler du 330ème R.I qui par sa connaissance parfaite du secteur, aida à placer les unités,… ce que vit le gouverneur de Verdun et qui demanda à cet officier de prendre part à l’assaut avec le Bataillon Rouvin… sans être tué !

« Alors que son Régiment quitte le secteur, le lieutenant Kuégler, de la 22e compagnie, est désigné pour rester sur place et servir de guide aux compagnies d’attaque ; il débouche avec elles, le 5 avril au matin, et tombe… frappé à mort. » (Voir fiche individuelle en fin d’article).

La consigne est que l’heure de l’attaque débutera après que l’artillerie aura réussi à faire des brèches dans les réseaux de fils de fer et les parapets ennemis.

Le temps reste pluvieux pendant la première partie de la matinée du 5 et l’artillerie ne put commencer le tir que vers 11 heures.

A 13 heures, l’ordre est donné de déclencher l’attaque à 14h15.

Rapidement, elle fait un bond de 500 – 600 m avec relativement peu de pertes. A ce niveau, l’infanterie se heurte à un réseau de fil de fer non détruits et subit de lourdes pertes. Le 73ème tient quand même le lieu et se colle sur un sol nu sans retranchement et battu par 4 mitrailleuses ennemies. Le sol, marécageux en temps ordinaire, détrempé par la pluie tombée le 4 et dans la matinée du 5 avait ses parties basses couvertes de’’ blancs d’eau’’ (de grandes flaques) ce qui rendait la progression très difficile.

Voyant la situation désespérée de leurs camarades du 73ème, la compagnie de mitrailleuses du 33ème se porte sur la corne Est du Bois Marteau sur la cote 222 (carte 7) sans perdre un seul homme. Grâce à l’heureuse initiative du capitaine Rives, qui sera cité à l’Ordre de la Brigade et fait Chevalier de la Légion d’Honneur, son intervention va sauver la vie de nombreux soldats devenus des cibles sans défense ! Il est à peine 17 heures et l’attaque du 73ème n’a pas abouti !

Pour désarsonner les Allemands, une attaque secondaire était engagée. Elle voit le 33ème R.I y participer à 13h : Pour assurer et soutenir la progression du 33ème, un peloton de la compagnie de mitrailleuses du groupe Rives s’établit sur la croupe 212 où il est rejoint plus tard par les 10ème et 11ème compagnies du groupement du Commandant Larbey du 73ème. De là, ils arrosent les lignes allemandes.

Perte, 3 mitrailleurs blessés dont un sous-officier.

Bataille de la Woëvre

Carte 7

Jusqu’à son entrée en scène, le 1er bataillon du Commandant Deshayes du 33èmeétait à Braquis, les 2 autres Bataillons du régiment au Bois d’Hermeville.

Pour cette 2ème attaque, le 1er Bataillon du 33ème R.I, reçoit l’ordre de se joindre par le sud au 73ème (groupe Rouvin) pour permettre à ce dernier d’accomplir un nouvel effort par la suite.

L’heure théorique de l’attaque est fixée à 14 heures.

Malgré une préparation d’artillerie trop courte de 20 mn de 13h55 à 14h15, l’ordre d’attaquer sera donné à 14h20.

On a vu que les attaques progressent d’abord très franchement au Nord par le groupement Rouvin du 73ème avant d’être stoppées brutalement devant le réseau de fils infranchissable. L’attaque au Sud confiée au 1er Bataillon (Deshayes) du 33ème R.I, stagne vite, elle aussi.

Comme il effectue son mouvement de jour, le bataillon est accueilli aussitôt par un feu très précis d’artillerie et de mitrailleuses, qui l’empêche d’atteindre la lisière du Bois Darmont et, par suite, de joindre la ligne Rouvin.

Le 1er Bataillon est finalement arrêté devant un gros ruisseau affluent du Rupt de Butel, coulant N.S et non marqué sur la carte au moment de la préparation de l’assaut (Ce qui confirme les craintes du Général Deligny lors des reconnaissances). Carte 7.

Les attaques d’infanterie stoppent de fait.

A 22 heures, les attaques reprennent par le Bataillon Rouvin du 73ème. Les troupes arrivent devant des réseaux de fils de fer qui ont été à peine entamés et qui sur certains points ont jusqu’à 50, 60 et même 80 mètres de profondeur !!

On travaille à les couper à la cisaille mais non sans perte car la section du Génie chargée de ce travail est réduite à 4 hommes.

D’autre part, les pétards à manche, destinés à détruire les fils de fer, mouillés par la pluie qui n’a cessé de tomber pendant une partie de la journée n’éclatent généralement pas.

Les essais tentés dans la nuit pour créer des brèches dans les réseaux à l’aide de cisailles renforcées ne donnent aucun résultat.

Le 73ème aura 41 tués et 146 blessés ! Le Génie 5 blessés rien que dans cette soirée.

4° Les raisons de l’échec :

Le 06 avril 1915 :

Le constat de l’échec de l’offensive est évident ! Rapidement, les généraux de l’Etat-Major recensent les causes principales de ce fiasco :

  • L’artillerie
  • Le mauvais temps
  • La présence des Allemands sur place depuis déjà longtemps et ayant préparé leur défense

(aucun ne remet en question le plan initial établi).

La préparation d’artillerie est manifestement insuffisante dont les raisons sont :

1°) Un mauvais état du terrain qui amène de nombreux dépointages et parfois le basculement des plateformes.

2°) de l’impossibilité d’observer pendant une grande partie de la matinée.

3°) Du court délai imputé à la préparation.

« Le compte rendu précédent a fait ressortir que, l’artillerie n’ayant produit aucun résultat sur les réseaux de fils de fer au cours de la journée du 5, la ligne principale de défense ennemie n’avait été percée en aucun point.

La nécessité de procéder à une nouvelle préparation méthodique de l’artillerie s’impose avant de tenter une nouvelle attaque. On doit y consacrer toute la matinée du 6. »

Les causes inventoriées et analysées, les remèdes trouvés, permettent d’envisager la reprise des attaques au plus tôt, c’est-à-dire… le jour même !

L’assaut reprendra en lisière du Bois de Darmont quand la préparation d’artillerie sera suffisante. La préparation d’Artillerie reprend principalement sur le fortin qui se trouve sur la mamelle sud de la cote 209 et sur la cote 221.

5° La reprise de l’offensive

Le 06 avril 1915 :

L’offensive reprend donc.

Le Bataillon Rouvin qui a beaucoup souffert du feu ennemi, de la non destruction des réseaux de fil de fer auquel il s’est heurté, reçoit le renfort du Bataillon Deshayes utilisé comme troupe d’assaut.

Un feu très précis d’artillerie parti des lignes allemandes du 225 et de mitrailleuses parti de 209 qui prend « d’écharpe et de revers »** les troupes; l’empêche d’atteindre et d’entraîner la ligne Rouvin. Les bataillons engagés ne progressent plus.

« Sur presque tout le front, la progression de l’attaque s’est trouvée enrayée par l’impossibilité de franchir les réseaux de fils de fer dans lesquels il n’existait aucune brèche praticable. »

C’est par cette phrase laconique que le Général Guillaumat rendit compte de l’insuccès de l’ensemble des offensives du 06. (Voir un peu plus loin les raisons de l’échec global)

**Rapidement le besoin d’une artillerie de tranchée se fit sentir, et notamment les mortiers dont le tir courbe permettait de tirer abrité et d’atteindre des endroits retranchés peu accessibles aux moyens plus conventionnels. Ce sont les allemands qui furent les premiers à utiliser leurs minenwerfers, tandis que les premiers temps les Français durent se contenter de moyens de fortune. Le crapouillot et les mortiers Cellerier apparurent dans les tranchées.

tirs directs et indirects

Techniquement on parle de tir de plein fouet lorsque le tir est exécuté sous un angle faible et avec une trajectoire tendue, de tir plongeant lorsque l’angle est fort et de tir vertical lorsque l’angle de tir est supèrieur à 50°. Le tir du canon de 75 ou des fusils est de plein fouet, le tir des obusiers et des grenades à fusil est vertical.

Une tranchée TT’ reçoit un tir direct, d’écharpe, d’enfilade ou de revers suivant la direction du tir par rapport à son parapet :

tirs directs, d'écharpe, d'enfilade et de revers

Source : http://rosalielebel75.franceserv.com/guerre-des-tranchees-artillerie-de-tranchee.html

6° Le rôle du 33ème R.I

Ce 06 avril : « Le Bataillon Deshayes du 33ème est porté en première ligne pour effectuer l’attaque dans un terrain complètement détrempé, en raison de pluies continuelles.

L’eau est à fleur de terre et transforme le terrain en mare de boue. Ce qui rend impossible la construction de tranchées intermédiaires de protection. D’autant que le travail doit s’effectuer sous les tirs incessants de mitrailleuses… » Malgré tout, attaque est fixée à 17h30.

Ayant tiré les raisons de l’échec de la veille, un tir d’artillerie précède la reprise de l’attaque. Jugeant le tir suffisant, 3 bataillons, 2 du 73ème et un du 33ème sont envoyés à l’assaut mais se trouvent rapidement bloqués par le réseau de fils toujours intact.

Le commandant est blessé, 6 officiers, 5 adjudants et 208 hommes sont mis hors de combat pour ce seul bataillon (le tiers de son effectif). La plupart des officiers étant hors de combat, le sous-lieutenant Wartelle prend le commandement du Bataillon.

Et sous le feu, le maintient en position jusqu’à la nuit tombante, où il est relevé par le 2ème bataillon de De Bruignac.

Dans ce secteur comme dans les autres et malgré l’énergie dépensée par les troupes, la ligne principale de défense de l’ennemi n’a été percée en aucun point.

La nuit du 6 ou 7 est employée dans chaque secteur à relever les unités les plus éprouvées.

Et d’amener des pièces d’artillerie afin d’augmenter l’efficacité sur les réseaux de fils.

Les Compagnies du 33ème encore disponibles stationnent à la cote 212 et au Bois Marteau, face à l’ennemi. Mais la nuit n’arrête en rien la poursuite des opérations.

Evénements de la nuit du 6 au 7 :

Dès leur arrivée à leur lieu de repli, les unités se recomposent et presque immédiatement, ordre est donné aux Bataillons d’envoyer sur le front des « patrouilles agressives » avec mission de reconnaître les brèches pratiquées par l’artillerie dans les réseaux de fil de fer et d’empêcher à tout prix l’ennemi de réparer ces brèches.

Pour accomplir cette dernière mission, les patrouilles seront aidées de tous les moyens imaginés et surtout improvisés : fusillade, pétards, grenades, bombes Cellerier.

A 3h30, les communications téléphoniques sont interrompues par un commencement d’incendie.

Chacun se débrouille comme il le peut !

Le matin, au Q.G on fait le point :

« Des renseignements reçus le matin du 07 à cinq heures à la Brigade, il résulte que des reconnaissances ont fait apparaître que les brèches que l’Artillerie devait établir dans les réseaux de fil de fer n’étaient pas encore praticables étant donné l’épaisseur considérable des dits réseaux. »

En conséquence, l’artillerie de 75 reprendra ce matin son tir de brèches sur les réseaux jusqu’à achèvement complet.

Le Bataillon de Bruignac, relève totalement le Bataillon Deshayes en raison de la pénurie de ses cadres officiers.

Le 07 avril 1915 :

Conformément aux ordres, la 3ème brigade doit reprendre l’attaque par l’intermédiaire un bataillon du 73ème et un Bataillon du 33ème arrivé du Bois d’Hermeville.

Le 2ème Bataillon du 33ème reçoit l’ordre d’effectuer le même mouvement que le 1er Bataillon du 33 le 05 (partir de la lisière du Bois Darmont). Il arrive en position peu après 5 heures à la lisière S.E du Bois de Darmont.

L’attaque a lieu. L’infanterie se trouve encore devant des brèches non entamées par l’artillerie et surtout découvre une deuxième ligne de fils cachés de par le terrain et sur lequel, l’artillerie n’a eu aucun résultat dans ces terrains à moitié couverts d’eau.

Les soldats constatent avec dépit que les défenses allemandes se composent non pas de 1 mais de 2 réseaux de fils de fer. Le deuxième réseau paraissant en partie dans l’eau et dissimulée par un avant glacis.

JMO 3ème Brigade croquis

JMO 3ème Brigade du 21 mars 1915 au 18 juillet 1916 – croquis page 10

D’ailleurs la reconnaissance faite la veille par le 73ème font connaitre la situation des défenses de de cette cote 209. Elles sont l’objet du rapport du 7 avril à 10h45 et expédiés à la division.

Encore une fois, l’attaque ne peut se déployer. Mais l’Etat-Major insiste !

L’attaque est reprise à 19 heures, sous les ordres du colonel du 73ème avec comme réserve les restes du 1er Bataillon du 33ème qui est revenu du Bois de la Dame en lisière du Bois de Darmont.

Les soldats du Bataillon Bruignac (2ème Bataillon) au centre du dispositif d’attaque constatent que les tirs effectués n’ont affecté que le premier réseau.

Mais un orage très violent et un tir de barrage très vif exécuté par l’artillerie lourde allemande fait avorter le mouvement.

Les attaques d’infanterie stoppent de fait.

A la nuit le 1er Bataillon du 33ème trop éprouvé est retiré pour lui permettre de se réorganiser, le Bataillon est réduit à environ 300 hommes valides.

Pendant la nuit du 7 au 8 avril, des reconnaissances sont poursuivies par la division à 0h35 et sur l’ensemble du secteur pour savoir s’il y a des trous dans le réseau allemand et placer des troupes en avant de ces trous.

Les reconnaissances ont bien lieu dans un terrain épouvantable, véritable charnier où le Bataillon Rouvin a été décimé à coups de 105 venus probablement du moulin de Rouvy au nord de Gussainville.

Le rapport remis à 11h45 au Colonel Truffert du 73ème, fait état de l’état déplorable dans lequel se trouvent les hommes qui sont dans l’eau et la boue et réduits à l’immobilité absolue par peur d’être mitraillés !

On envisage le 8 la relève du 73ème par le 33ème R.I du colonel Boudhors.

Le 33ème compte ses pertes :

350 hommes hors de combat dont : 196 tués – 26 disparus – 129 blessés

7 officiers blessés

  • Commandant Deshayes
  • Lieutenant François
  • Lieutenant Robert
  • Lieutenant Barruteau
  • Sous-Lieutenant Desprez
  • Sous-Lieutenant Richard
  • Sous-Lieutenant de Baillencourt de Courcel

Pour le 33ème, les opérations vont continuer !

7° L’analyse de l’échec des opérations de début avril 1916

La préparation d’artillerie est manifestement insuffisante dont les raisons sont :

1°) Un mauvais état du terrain qui amène de nombreux dépointages et parfois le basculement des plateformes, à l’inefficacité des projectiles qui font fougasse, que beaucoup de projectiles se sont enfoncés dans le sol spongieux et par suite très mou, sans éclater.

2°) de l’impossibilité d’observer pendant une grande partie de la matinée.

3°) Du court délai imputé à la préparation.

Les Allemands ont bénéficié d’un temps particulièrement favorable à la défensive, puisque le terrain, transformé en marécage, doublait en beaucoup d’endroits, des défenses accessoires patiemment accumulées.

Enfin, les fils de fer sont presque partout, de grosseur telle qu’ils n’ont pu être coupés, même avec des cisailles renforcées.

4°) Ils ont montré peu d’infanterie : les obstacles passifs étaient partout flanqués par des mitrailleuses sous abri, et bon nombre de blessés sont tombés sans avoir vu un seul fantassin ennemi.

5°) La météo, et… les circonstances ! Selon le Général Gérard :

« Si les réseaux de fils de fer avaient pu être détruits, nous percions en plusieurs points ; j’en suis persuadé. Il aurait donc peut-être suffi d’une période sèche pour réussir ; mais je ne puis me résoudre cependant à penser que l’artillerie ait été réduite à l’impuissance par le seul fait du terrain. Je crois que le tir n’a pu être bien réglé, pour plusieurs raisons, dont les principales sont les suivantes :

1° Inexpérience des observateurs (il est prouvé que les officiers envoyés en observation étaient pour la plupart des officiers de réserve)

2° Mauvais emplacements de ces observateurs : ils n’étaient pas toujours dans les tranchées de 1ère ligne, ou, quand ils y étaient, c’étaient ces tranchées qui se trouvaient trop loin de la ligne ennemie

Le compte rendu précédent a fait ressortir que, l’artillerie n’ayant produit aucun résultat sur les réseaux de fils de fer au cours de la journée du 5, la ligne principale de défense ennemie n’avait été percée en aucun point.

Dans les attaques du 5 et 6 avril, on avait recherché la surprise. L’échec était dû à l’état du terrain détrempé par les pluies qui avaient empêché la progression de l’infanterie, les déplacements et les tirs de l’artillerie. »

En envoyant au général Dubail son rapport sur les attaques de début avril, le général Gérard lui exposait aussi la façon dont il envisageait alors la situation.

Le général Dubail écrira un peu plus tard :

« Le détachement Gérard va profiter de l’expérience acquise, et recommencer ses tirs en brèche sur de nouvelles bases, en concentrant ses efforts sur le front Marcheville – Maizeray. Mais il faudra quelques jours pour le déplacement de l’artillerie lourde et la construction des plates-formes, de sorte que les attaques importantes ne débuteront qu’au mieux le 12 ou le 13. »

Le Général en chef, envoie le 14 avril à la Ire armée, au détachement Gérard et au gouverneur de Verdun, une « Instruction relative aux opérations en Woëvre » prescrivant que :

« Les attaques méthodiques seraient continuées d’une part sur le front Combres, Marcheville, direction ultérieure Woèl; d’autre part, sur les lignes au nord de Régniéville, direction ultérieure Thiaucourt. L’attaque secondaire du bois d’Ailly était également à poursuivre ».

*

Puis le 15. Les éléments du 1er corps de cavalerie employés au détachement Gérard devaient être retirés du front et réunis autour de de Verdun le 16. Le 1er corps devait être progressivement retiré du front.

Le détachement Gérard devait être dissous à la date que fixerait le général Roques*. Celui-ci décida le 22 avril qu’il serait dissous le lendemain.

*Le Général Roques fut nommé Commandant de la 1ère Armée le 5 janvier 1915.

Tranchées allemandes abandonnées en Woevre

Tranchées allemandes abandonnées en Woevre | photographie de presse | Agence Meurisse

8° Le rôle du 33ème R.I (suite)

Le 08 avril 1915 :

Le 8, le lieutenant-colonel Boud’hors prend le commandement du secteur, les unités du 73éme seront progressivement relevées. Le 33ème prend les abris du Bois d’Hermeville.

Il dispose encore de :

  • 2 compagnies du 73ème (groupe Larbey)
  • 2 compagnies du 73ème (groupe Martin)
  • La compagnie de mitrailleuse du 73ème
  • Le 27ème d’artillerie du secteur est réduite
  • Les compagnies 1-2-3 du génie
  • Et tous les éléments du 33ème

Le colonel Boud’hors réorganise le Bataillon Deshayes qui, lui, est blessé.

L’ordre général pour le 8 avril prévoit :

« L’organisation de places d’armes aussi rapprochées que possible de l’ennemi et continuation des reconnaissances avec tir d’artillerie sur les tranchées allemandes dans les réseaux. »

Le régiment procédera encore à 2 attaques durant son séjour dans le secteur.

Ce 8 avril, le sous-Lieutenant Ancelet est blessé.

Le 09 avril 1915 :

Pas d’incident lors de la relève des fractions du 73ème.

Le Lieutenant-Colonel Boud’hors organise des reconnaissances d’une audace remarquable, sans aucune perte, et tout à l’Honneur du 33ème (ce qui vaudra une récompense à son Chef de Corps). Les patrouilles s’étant avancées au cœur même du réseau de fils déployés par l’ennemi.

Avec les renseignements récoltés, le 33ème organise dans le secteur et de concert avec le Génie le terrain conquis à partir de la lisière du petit Bois de Buzy.

Le 10 avril 1915 :

Les unités du 73ème sont définitivement retirées.

Le 33ème est laissé seul dans le secteur. Il continue à organiser le secteur de façon suivante :

Chaque secteur est gardé par 2 compagnies : (carte 3)

  • 2 au Bois de Buzy
  • 2 au Bois de Drumont
  • 2 sur les pentes de la croupe du col 209 (carte 6)
  • 2 au Bois Marteau
  • 2 en lisière au bois d’Hermeville
  • 2 compagnies en réserve au Bois de la Dame. (carte 6)

L’artillerie allemande est devenue particulièrement active et l’on peut déplorer 1 blessé.

Le 10 avril, le 33ème R.I reçoit un ordre qui lui ordonne de continuer l’offensive dans le secteur et de le sécuriser avec l’artillerie face aux menaces d’offensives allemandes qui se préparent.

Les 11 avril 1915 : Carte 9

La garnison est renforcée par un groupe de 200 cavaliers à pied du 27ème dragon.

A 10 heures, le régiment déclenche une attaque (la première) dans la zone Pareid-Maizeray qui est appuyée par un feu d’infanterie et d’artillerie. Devant l’impossibilité de progresser dans un terrain aussi hostile, l’ordre de repli est donné pour éviter un enlisement prévisible. 1 tué et 5 blessés.

Bataille de la Woëvre

Carte 9

12 avril 1915 :

Les missions sont la continuation de l’organisation et des reconnaissances dont celle du sergent Facon qui se révélera particulièrement intéressante et précise sur le réseau de fil de fer ennemi. Ces reconnaissances permirent de rectifier et d’améliorer les installations.

Pour éviter une attaque surprise dont on redoute la venue, des tirs de nuit sont pratiqués à intervalles irréguliers.

Durant ces journées qui suivirent le 8 avril, les soldats des procèdent aussi aux inhumations des nombreux cadavres qui s’étendent jusqu’aux fils de fer.*

*En 1924, au Cimetière n°160 à Buzy-Darmont, Buzy (55) sur 5500 m2 seront rassemblés 2270 Français dont 1416 en 2 ossuaires ainsi que 8 Roumains et 58 Russes.

Le 13 avril 1915 :

La situation est inchangée, les moyens d’action du secteur sont diminués du 3ème groupe (Pépin), des cavaliers du 27ème Dragon. Pour fixer les Allemands, on organise les attaques de 15h et 21h (les secondes) dans la zone Pareid-Maizeray où sévit une violente canonnade ennemie.

Les 12 et 13 avril, on déplore 9 tués et 22 blessés dont 2 cavaliers durant ces 2 attaques et surtout victimes des canonnades ennemies.

Le 14 avril 1915 :

Ce 14 avril les attaques sont définitivement abandonnées.

Le 15 : Le 1er corps de cavalerie apprit qu’il devait être progressivement retiré. Le détachement Gérard devait également être dissous à la date que fixerait le général Roques. Celui-ci décida le 22 avril qu’il serait dissous le lendemain et retiré du front.

Les 14 et 15 avril 1915

En attendant, le 33ème continue l’organisation du terrain du Bois de Buzy et en avant du Bois de Buzy tandis que l’artillerie continue ses tirs sur les ouvrages ennemis. Les 200 cavaliers quittent le secteur alors que la canonnade devient de plus en plus intense.

Le Sous-Lieutenant Wartelle est blessé.

Le 16 avril 1915 :

Les éléments du 1er corps de cavalerie employés au détachement Gérard sont retirés du front et réunis autour de Verdun.

Les missions dévolues au 33ème, seul restant en place, sont constituées de reconnaissances, de tirs de nuit, de tirs d’artillerie sur les ravitaillements allemands venant de Parfondrupt.

Les Allemands répliquent par un tir continu du canon revolver sur le Bois de Buzy et sur le Bois Darmont.

Les bombardements sont responsables de la perte d’1 mitrailleur.

Le 33ème doit se préparer à être relevé à son tour.

Le 17 avril 1915 :

Le régiment est relevé par des parties du 45ème Territorial et du 330ème R.I de la Division de Morlaincourt ou de Division de Marche de Verdun
La relève a lieu dans la nuit du 18 au 19.

Le 33ème se rassemble aux abris d’Hermeville. Départ à 17h vers Châtillon-sous-les-Côtes, village à 5 km au sud-est de Verdun et à 10 km de l’endroit où ils étaient auparavant.

Le 33ème et le Génie du 2ème Bataillon iront au cantonnement de Châtillon. Le reste du régiment à Belleville.

L’Etat-Major de la 3ème Brigade ira à Landrecourt.. carte 10

Le 73ème lui est mis à disposition du VIIIème C.A de la 1ère Armée, à Sorcy.

Le 19 avril 1915 :

Revue par le Général en chef de certains éléments des 1er et 2ème C.A mais pas le 33ème au désappointement de beaucoup d’officiers qui reçurent des félicitations quelques jours plus tard.

Le 33ème vient cantonner à Belleville en partant d’Hermeville. Il y arrive 8 heures.

Le 20 avril 1915 :

Départ 9 heures, Cantonnement à Lemmes. Arrivée à 14 heures. Itinéraire Gare de Verdun – Regrets – Moulin Brûlé

Bataille de la Woëvre

Carte 10

Le 21 avril 1915 :

Repos dans le cantonnement à Lemmes.

Le Régiment reçoit 2 renforts, les 9ème et 10ème de :

  • 1er : 2 officiers 316 hommes
  • 2ème : 1 officier 207 hommes

Le 22 avril 1915 :

Repos dans le cantonnement

Le 23 avril : On procède à la dissolution du groupe Gérard

Et les éléments de la 3ème Brigade reçurent le message et les distinctions suivants :

Dans ces rudes journées, le 73ème et le 33ème, le premier pour son élan, le deuxième pour ses reconnaissances ont fait preuve , étant donné les conditions déplorables de terrain, et le peu de résultats du tir de l’artillerie dans vos positions formidablement organisées d’un carnage et d’une abnégation dignes d’être montrés en exemple dans l’historique de ces régiments. Le Général commandant la Brigade a cité à l’ordre de la Brigade pour commémorer ces journées des 6,7 ou 8 où la Brigade d’y distinguer dans ces régiments :

  • Le Capitaine Jean-Renard, Etat-Major, 3ème brigade
  • Le Sous-Lieutenant Langlais, Etat-Major, 3ème brigade
  • Le Lieutenant-Colonel Boud’hors, Commandant le 33ème Régiment d’Infanterie
  • L’adjudant Debret, 33ème Régiment d’Infanterie
  • Aspirant Debenet, 33ème Régiment d’Infanterie
  • Sergent Payen, 33ème Régiment d’Infanterie
  • Maréchal des Logis Huot, Eclaireur au 33ème Régiment d’Infanterie
  • Sergent Facon, 33ème Régiment d’Infanterie

La Brigade a eu 890 hommes tués.

Le Général commandant la Brigade : Duplessis

Après plusieurs déplacements, le régiment sera dirigé sur Commercy où il participera à une autre action sur le secteur du Bois d’Ailly. Ce que nous verrons dans l’article suivant : Carte 11.

Le Bois d’Ailly

Carte 11 : Le Bois d’Ailly

Récapitulatif des pertes

Le 33ème compte ses pertes : du 10 mars à fin avril 1915.

10 mars : Capitaine de Gaulle blessé

Du 21 au 31 mars : Pertes durant les travaux 1 tué, 3 blessés

Le 05 avril : 3 mitrailleurs blessés dont un sous-officier

Le 05 avril : au 33ème, 6 officiers, 5 adjudants et 208 hommes hors de combat (tués, disparus et blessés).

Officiers blessés :

  • Lieutenant François
  • Lieutenant Robert
  • Lieutenant Barruteau
  • Sous-Lieutenant Desprez
  • Sous-Lieutenant Richard
  • Sous-Lieutenant de Baillencourt de Courcel

Le 06 avril

  • Commandant Deshayes blessé
  • 350 hommes hors de combat dont : 196 tués, 26 disparus, 129 blessés

Le 08 avril

  • 2 tués- 23 blessés
  • Le sous-Lieutenant Ancelet est blessé.

Les 12 et 13 avril

  • On déplore 9 tués et 22 blessés dont 2 cavaliers durant ces 2 attaques et surtout victimes des canonnades ennemies.

Le 14 avril 1915 :

  • Sous-Lieutenant Wartelle blessé
  • perte de 1 mitrailleur.

Le 16 avril 1915 :

  • Perte de 1 mitrailleur

Les pertes approximatives et estimées pour les journées du 5 et du 6 avril 1915 sont pour l’ensemble des unités engagées de :

  • 54 officiers tués ou blessés.
  • 2170 hommes tués ou blessés.

Le 33ème a perdu 637 hommes (environ) dont environ la moitié de tués

La 3ème Brigade a eu 890 hommes tués. (La répartition entre le 33ème et le 73ème R.I n’est pas donnée mais le 73ème a eu beaucoup plus de pertes, plus de 500 hommes !)

Renforts

Du 21 mars au 31 mars

  • Le 8ème : de 340 hommes et d’un Officier, le Commandant Deshayes.

Le 21 avril 1915 :

  • Le Régiment reçoit 2 renforts les 9ème et 10ème de :
    • 1er : 2 officiers 316 hommes
    • 2ème : 1 officier 207 hommes

Soit 526 hommes à comparer aux 637 hommes perdus.

Dont le Commandant Cordonnier qui remplace le Commandant Deshayes blessé.

Offensive de Woëvre

Carte 4

Titre : Revue militaire générale : la liaison des armes / publiée sous la direction du général H. Langlois
Éditeur : Berger-Levrault & cie (Paris)
Date d’édition : 1922-01
Contributeur : Langlois, Hippolyte (1839-1912). Directeur de publication
Droits : domaine public
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6553219h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-V-32479
Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429073d
Relation : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34429073d/date
Provenance : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 08/10/2013

Décès de Charles Alphonse Kuegler