En août 1914, les fantassins français portent encore les pantalons rouge de 1867 traditionnels, dit couleur « garance » et une capote, modèle 1877, à la couleur « gris de fer bleuté » fermée par deux rangs de boutons. Le pantalon est enserré, aux mollets, par des guêtres en cuir ou par des molletières en tissu le plus souvent. Ils sont chaussés de brodequins en cuir à semelles cloutées. Le ceinturon porte trois cartouchières et la baïonnette dans son fourreau. Le képi (modèle 1884) à turban garance et bandeau bleu, est recouvert, en campagne, d’un couvre-képi bleu, preuve que les couleurs de l’uniforme posaient problème dès avant l’entrée en campagne. Le havresac et une musette complètent l’équipement.

Bien que le remplacement de la tenue couleur « garance » par des tons plus neutres vienne d’être décidé, l’uniforme des fantassins en 1914 reste voyant. Les grandes armées européennes ont quant à elles déjà opté pour des couleurs plus discrètes, ce qui est notamment le cas des tenues de campagne britanniques, russes ou allemandes.

L'uniforme du Fantassin en 1914

Les chaussures : les brodequins de marche

C’est le 20 novembre 1880 que le général Farre se prononce en faveur du brodequin (Grosse chaussure montante)

Paire de brodequins modèle 1912

Paire de brodequins modèle 1912

Les semelles cloutées des brodequins guerre 14-18

Les semelles cloutées des brodequins guerre 14-18

Sa description réglementaire :

Le brodequin modèle 1912 est issu des expériences menées depuis 1903 :

  • livré déjà noirci sur la chair
  • hauteur du quartier abaissée à 130-147mm (avant : 160-180mm)
  • 7 œillets en cuivre verni noir
  • contrefort aux extrémités arrondies
  • semelle : 57 à 88 clous avec tête de 7mm de diamètre au lieu de 8

(les brodequins des troupes à cheval ne comportent que 6 œillets et non 7 )

Le brodequin semble avoir été le meilleur compromis pour l’adopte, comme chaussure de marche.

Il subira de perpétuelles transformations pour le rendre plus robuste, plus étanche et le plus économique possible pour l’Armée Française. La version 1912 sera modifiée en 1915, 1916 et 1917.

Nous y reviendrons lors d’articles évoquant les changements dans la tenue du soldat. Il s’en fabriquera 50 millions de paires pour équiper nos troupes durant 4 ans.

Pour les rendre plus étanches et plus imperméables, on imagina 2 possibilités : guêtres ou molletières ?

Une guêtre

Une guêtre

Les bandes molletières des fantassins en 1914

Les bandes molletières des fantassins en 1914

On en est encore à discuter du choix des molletières. Plus longues à fixer : 1m50 de tissu pour chaque jambe. Elles s’enroulent de bas en haut et de l’intérieur vers l’extérieur, la bande de renfort au niveau du talon, sur la tige du brodequin. Le ruban se nouant sur le dessus du mollet, sous le genou. Toute une technique, longue à maîtriser parfaitement !

Elles ont l’avantage de coûter beaucoup moins cher car fabriquées en tissu, relativement abondant alors que les guêtres étaient en cuir, devenant une denrée rare dès 1914.

Les molletières rendent plus étanches les chaussures vis-à-vis de la boue mais se gorgent d’eau très rapidement. Ce fut le choix retenu pour le conflit.

La tenue du soldat

Le soldat de 1914 a été immortalisé par la couleur de son uniforme et son célèbre pantalon rouge garance immortalisé par ce cher « ami bidasse » si cher à notre commune d’Arras.

Le pantalon rouge garance

Adopté en 1829 pour soutenir la production de garance naturelle, le pantalon rouge ne sera remplacé par une tenue moins voyante qu’au début de 1915. L’alizarine qui est le produit colorant de la garance s’obtient par synthèse vers 1882, ce qui fait fortement chuter son prix.

L’opinion publique ignore que le rouge des pantalons militaires provient des usines allemandes « Badische Anilin und Soda Fabrik », comme le décrit l’article ci-dessous consacré à cette plante.

La garance

La plus connue des teintures végétales de couleur rouge, celle que l’on utilisa le plus longtemps pour le tissu, et qui, de plus, donnait la couleur la plus solide, est sans conteste celle que l’on tirait de la garance.

Cette plante, originaire probablement de l’Asie, fut très tôt l’objet d’une culture intensive, dont parlent Dioscoride et Pline, et le commerce la faisait parvenir dans les contrées où elle ne pouvait croître : on en a trouvé en Norvège, dans une sépulture du huitième siècle avant J.-C. ! Les noms variés qu’elle a portés, sans rapport les uns avec les autres, témoignent de cette diffusion très ancienne.

La fin de la culture

Ce sont les progrès de la chimie qui amenèrent, au XIXe siècle, la disparition de la garance. L’alizarine, sa substance colorante, fut identifiée en 1826. Le 25 juin 1869, quelques heures avant l’Anglais Perkin, Graebe et Liebermann, deux chimistes allemands dont le premier devait venir ensuite occuper durant vingt-sept ans la chaire de chimie à Genève, firent breveter un procédé permettant de la fabriquer artificiellement.

En peu d’années, le prix de revient put être réduit au point de n’atteindre plus que le dixième environ de celui de la garance naturelle, à pouvoir colorant égal ; et encore s’agissait-il d’alizarine pure, alors que le produit naturel devait d’abord être débarrassé d’autres substances colorantes, sous peine de ne pas obtenir un rouge franc. L’apparition de l’alizarine synthétique signifiait la ruine pour les producteurs de garance naturelle, qui durent se reconvertir à d’autres cultures.

Alors qu’au milieu du siècle, on trouvait, par exemple, en Vaucluse, cinquante moulins à garance échelonnés d’Orange à Orgon, il n’en subsistait plus qu’un seul en 1880. A la fin du XIXe siècle, la France, à en croire la « Grande Encyclopédie », en était déjà à importer plus de garance, si faible qu’en fût la quantité, qu’elle n’en produisait elle-même.

Une tradition orale encore persistante veut que le fameux pantalon garance de l’armée française, qui datait de Louis-Philippe, et que d’ailleurs toutes les troupes ne portaient pas, n’ait dû sa survivance jusqu’en 1914 qu’au désir de faire vivre les cultivateurs. On se demande si cette version se concilie bien avec les faits exposés ci-dessus, surtout si l’on considère que l’autre région productrice, l’Alsace, n’était plus française depuis 1871.

Il est beaucoup plus probable, si étonnant que cela puisse paraître, que ce drap militaire français ait été teint, durant les dernières décennies, avec de l’alizarine… allemande !


Extraits de revue du petit vieux Genève 1975

La capote bleue modèle 1877

C’est à force d’amélioration, qu’apparait au printemps 1877, un nouveau modèle de capote destinée à équiper la troupe et à remplacer les modèles antérieurs. Cette capote est conçue en drap dit « gris de fer bleuté » comme tous les équipements en drap de laine de l’époque (képi modèle 1891, housse du bidon, bandeau du képi 1884).

A l’intérieur, une poche est cousue sur la doublure ; elle est destinée à recevoir un pansement.

La capote 77 va très vite montrer ses limites face à la guerre de position. Le col droit ne réussit pas bien à protéger les soldats contre le froid (d’où l’existence de capote 77 à col rabattu), et les boutons ne résistent guère aux combats, si bien qu’un grand nombre de combattants se retrouvent avec une unique rangée de boutons…

Là aussi, le choix de la couleur d’une partie de l’uniforme avait pour but de soutenir des productions locales :

En Europe, la supériorité de l’indigo sur le pastel était de plus en plus reconnue à la fin du XVIIe siècle. Toutes les mesures protectionnistes prises en France et en Allemagne pour protéger les producteurs de pastel, finirent par échouer. La demande en teinture d’indigo ne fit que croître pour satisfaire l’industrie textile en pleine expansion durant la révolution industrielle et pour assurer la teinture des uniformes militaires un peu partout en Europe. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’indigo était la teinture naturelle la plus prisée. À partir du XVIIe siècle, l’indigo fut importé depuis les colonies du Nouveau Monde puis d’Inde où sa culture à grande échelle le rendit très compétitif. Il supplanta le pastel et ruina les économies européennes qui en dépendaient (dans le sud-ouest de la France notamment).

Toulouse a connu son âge d’or à l’époque de la Renaissance. Durant 150 ans, la ville s’enrichit et se transforme en véritable carrefour de commerce. On exporte par voie d’eau ou voie terrestre une teinture bleue élaborée à partir d’une plante, le pastel, qui répond au doux nom latin d’Ysatis tinctoria.

Le climat et la terre du Midi Toulousain étant particulièrement propices à son développement, un triangle de culture se dessine entre les villes d’Albi, de Toulouse et de Carcassonne. La récolte des feuilles, leur broyage et pétrissage permettent de former des coques, ou cocagnes, d’où est extraite la teinture utilisée pour colorer les draps. Le pays de Cocagne est né.

Le bleu est rare et l’Occident s’en pare. Le roi de France change la pourpre royale pour le bleu, réservant cette couleur à la noblesse. Ne dit-on pas depuis, qu’elle est de sang bleu ? La demande croissante pour cette teinture et le succès du pastel incitent quelques commerçants à se lancer dans cette activité. Des négociants toulousains impulsent le commerce des coques, implantent des comptoirs partout en Occident, et Toulouse devient alors la plate-forme de ce commerce.

Cet âge d’or changea radicalement la physionomie de Toulouse. De riches commerçants firent appel aux plus célèbres architectes afin de construire de somptueux hôtels particuliers et d’embellir la cité. Au hasard de vos promenades, découvrez les demeures des marchands pasteliers tels l’hôtel d’Assézat ou l’hôtel de Bernuy, les plus célèbres.


Extrait de l’office de tourisme de Toulouse

Képi modèle 1884

Képi modèle 1884

Capote bleue modèle 1877

Capote modèle 1877

Couvre-képi modèle 1902

Ce couvre képi, composé d’un manchon couvrant le képi et d’un couvre nuque, utilisé en campagne, sert d’élément de camouflage. En 1913 un nouveau modèle quasi identique à l’ancien est confectionné dans une cretonne bleue.

couvre képi

La tenue Bleu Horizon va redonner vigueur à la production de Pastel mais nous en reparlerons en temps voulu.

garance des teinturiers : rubia tinctorum

Garance des teinturiers ; rubia tinctorum

Plante d’Ysatis tinctoria

Plante d’Ysatis tinctoria

Indigofera tinctoria

Indigofera tinctoria

Rouge garance

Rouge garance

bleu pastel

Bleu pastel

bleu indigo

Bleu indigo

Pourquoi avoir gardé cet équipement ?

C’est ici que nous rencontrons ce stupide discours sur « L’art sur la Guerre » partagé par bon nombre de personnes embourgeoisées dépourvues de la moindre compassion.

Depuis la plus grande antiquité, les armées ont, pour beaucoup de raisons, adopté un uniforme pour équiper leurs troupes.

Au fil du temps, cet uniforme est devenu entre Nations une source de rivalité, de gloriole. Tous rivalisaient pour posséder l’uniforme le plus clinquant par souci d’esbroufe quitte à y consacrer une véritable fortune.

Faire la Guerre est considéré comme faire preuve d’héroïsme, de bravoure. Le soldat est avant tout un acteur de valeur négligeable de cet acte de prestige. L’idée de gloire à la bataille est encore solidement ancrée dans les subconscients l’Etat-Major.

Or, en 1914, dans les discours, il était question de laver l’affront de 1870. La gloire de la Nation obligeait à se montre héroïque, donc c’eût été faire preuve d’une lâcheté d’avancer masqué sur l’ennemi.

Le soldat français doit montrer du panache vers sa marche à la mort.

Et ce discours était unanimement partagé d’autant plus qu’aucun ne serait porteur de cette magnifique tenue imaginée pour faire pâlir « le Prussien » de jalousie.

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Le matériel du fantassin en 1914