Appelée Bataille de Namur côté Allemand
Introduction
Le 33ème R.I début août
En août 1914, le 33ème Régiment d’Infanterie fait partie de la 3ème brigade (général Duplessis), 2ème division (général Deligny), 1er C.A. (général Franchet d’Espèrey). Il est commandé par le Lieutenant-Colonel Stirn. Il entre en scène, en Belgique, lors de la campagne des frontières.
Cette 3ème brigade comporte aussi le 73ème R.I de Béthune. Le tout est intégré dans La Vème Armée du Général Charles Lanrezac (voir plus bas).
La bataille des Frontières désigne les tout premiers combats de la Première Guerre mondiale sur le front Ouest en août 1914, juste après l’entrée en guerre des différents belligérants. Ces combats désignent la série d’affrontements entre les troupes allemandes engagées contre troupes belges, françaises bien vite rejointes par les troupes britanniques. Ces batailles se déroulent le long des frontières franco-belge, franco-luxembourgeoise et franco-allemande. Notre propos ne décrit que la campagne de Belgique sur une période allant du 7 au 23 août 1914, la guerre des 18 jours.
Puis la retraite du 24 août jusqu’au début septembre et la bataille de la Marne.
Nous venons de voir les combats qui ont opposés, Anglais et Allemands à Mons, Allemands et Belges à Liège.
Nous avions déjà évoqué l’entrée en guerre du 33ème R.I lors des combats de Dinant avec le rôle tenu par Charles de Gaulle :
Le 15 août 1914, la IIIème armée allemande, placée sous les ordres du généraloberst (équivalent du général d’armée) le baron Von Hausen, se dirige, à marche forcée, vers la vallée de la Meuse. Elle se heurte au Ier corps d’armée français ce qui donnera lieu à la Bataille de Dinant et qui lui interdira le passage du cours d’eau.
Le lendemain de Dinant, le 16 août, notre régiment bien éprouvé se retrouve cantonné à Weillen, près de Anthée (voir carte p 8) en réserve à quelques kilomètres à l’ouest de Dinant. Sa mission est de contenir et d’empêcher le passage de la Meuse à la IIIème armée saxonne. Sous-peu, le régiment partira à la rencontre de l’ennemi. Ce que nous allons voir dans la suite du récit où le 33ème sera amené à intervenir et s’illustrer !
A la fin de notre récit sur la Bataille de Liège, on voit que les Allemands, après avoir difficilement pris la ville, continuent à avancer. Ils se dirigent à marches forcées vers Charleroi et Namur pour franchir la Sambre.
La Ière Armée de Von Kluck avait pour mission de prendre Bruxelles, ce qui fut fait le 20 août 1914. Elle va se heurter aux Anglais à Mons.
La IIIème armée de Von Bulow se réorganise près l’échec de Dinant.
Sur leur parcours, les hommes de la Ière armée de Von Kluck, furieux d’avoir pris du retard, détruisent de nombreux villages en y massacrant d’innocents civils sous prétexte que les Belges étaient des ‘’Terroristes’’ qui les harcelaient pour aider les troupes françaises.
Après-guerre, les enquêtes montreront la sauvagerie gratuite que les ‘’ Boches ‘’ utilisèrent contre les populations civiles incapables de fuir ou résister ! Les victimes se comptent en centaines !
Voilà ce qu’en dit le Général Von Kluck (de la Ière armée) : (récit)
Le Général Von Kluck, donne un point de vue très sévère à propos de la conduite des Belges, qui tirent sur les Allemands isolés :
Depuis qu’elle avait franchi la frontière belge, l’armée était en butte à des actes de perfidie de la part de la population, excitée, disait-on, par les autorités. Chaque jour, des coups partaient des haies ; des officiers et des soldats étaient victimes de meurtres abominables, et des soldats belges déguisés y participaient.
Le droit des gens était foulé aux pieds. Les proclamations les plus menaçantes ne, produisaient aucun effet. Des mesures de représailles sévères, inexorables, furent édictées par les chefs responsables pour empêcher ces attentats. Des exécutions prononcées d’après la loi martiale et des incendies allumés sur le front et sur ses derrières ne portèrent que lentement remède à la situation.
Au cantonnement, comme au dehors, il était toujours prudent d’avoir une arme à sa portée, même dans les plus hauts états-majors, dès que l’armée avait passé. Partout où le commandant en chef était logé, il devait se faire protéger par un bataillon, des mitrailleuses et quelques canons prêts à faire feu.
Jusqu’à la frontière sud de la Belgique, l’existence de l’armée fut ainsi empoisonnée. Dans tout le pays, les communications à l’arrière de l’armée durent être protégées efficacement contre les atteintes de la malveillance et même de la bestialité.
Les Allemands de la IIème armée après Liège, seuls, progressent donc par le Nord, leur but est toujours d’envelopper les forces françaises et de foncer sur Paris. Et c’est durant cette avance qu’elle se heurte, vers le 20 août, au Général Lanrezac qui commande la Vème armée.
La situation vers le 20 août voit les troupes allemandes progresser partout
- La Ière Armée de Von Kluck se dirige vers Mons où elle va bientôt rencontrer les Anglais de French
- La IIème Armée de Von Bülow attaque par Liège et Charleroi
- La IIIème Armée de Von Hausen venait d’attaquer par Dinant
- La IVème Armée du duc de Wurtemberg attaque par Arlon et Neufchâteau
- La Vème Armée du Kronprinz de Prusse attaque Longwy en direction de Verdun
- La VIème Armée du Kronprinz de Bavière attaque entre Metz et Nancy
- La VIIème Armée de Heeringen attaque dans les Vosges et en Alsace
- La VIIIème Armée de Prittwitz étant en Prusse Orientale.
Le but final est toujours de marcher sur Paris ! Comme en… 70 !
Le rôle de la Vème armée française
Lors de l’élaboration du plan plan XVII l’hypothèse du passage des armées Allemandes par la Belgique avait était envisagé et même fortement étudié. Le plan Schlieffen-Moltke était connu depuis 1904.Les services secrets avaient eu des informations d’un officier Allemand ! Mais nous venions juste de sortir de l’affaire Dreyfus ! Alors tout ce qui venait de ces services était manipulé avec d’extrêmes précautions ! Un livre a même été publié : » la neutralité belge et l’invasion allemande », écrit par Maxime Lecomte et le lieutenant-colonel Lévi en 1914. On avait prudemment placée la Vème armée au nord du dispositif français, à la hauteur de Sedan et de l’Ardenne belge. Le haut-commandement était soucieux de ne pas froisser, par des concentrations de troupes trop voyantes la neutralité réaffirmée par Albert 1er.
Dans l’attente, les généraux français en étaient réduits aux hypothèses, L’invasion allemande par la vallée de la Meuse belge se précisait au fil des semaines. Les missions confiées à la Vème armée tendaient à parer à cette éventualité. Elle fut donc positionnée, tournée vers le Luxembourg et la Belgique. La seule par conséquent à ne faire face à aucune menace venue directement d’Allemagne. Sa mission est de faire face à une probable pénétration ennemie en territoire belge tout en ménageant la possibilité de voir venir des renforts venus d’Angleterre.
En avril 1914, Joffre donne le commandement de la Vème armée de mobilisation à Charles Louis- Marie Lanrezac né à Pointe-à-Pitre le 31 juillet 1852. Il remplace le général Gallieni qui lui, va assurer la défense de Paris.
Lanrezac tenait comme certain l’attaque de la Belgique par l’armée allemande. En juin, peu après sa nomination, il se rendit lui-même dans les régions sous menace d’invasion afin d’y prendre connaissance du terrain sur lequel ses troupes devraient se battre si l’envahissement de la Belgique se produisait. Ses convictions se précisèrent et la certitude d’un débordement allemand par le nord de la Meuse semblait inéluctable.
Mais Joffre et le haut-commandement restaient sceptiques, soucieux qu’ils étaient (comme nous l’avons vu), de ne pas mettre en doute, par des concentrations de troupes trop voyantes, la neutralité belge voulue par Albert 1er.
Puis les évènements de août 1914 vont rendre réels les craintes de violation de neutralité du Luxembourg et de la Belgique. Ce sera la campagne de Belgique.
Nous avons vu les affrontements de Dinant, Liège, la prise de Bruxelles, Mons.
Pour notre 33ème RI, tout commence le 15 août ! L’avant-garde de la IIIe armée saxonne, placée sous les ordres du généraloberst (équivalent du général d’armée) en chef le baron von Hausen, se dirige, à marche forcée, vers la vallée de la Meuse. Sa mission est de seconder le gigantesque mouvement tournant par l’aile droite destiné à envelopper les corps de la Vème armée française commandée par le général Lanrezac et un peu plus tard, le British Expeditionary Force du maréchal French stationné dans la région de Mons. Comme les opérations ont été plus compliquées que prévu (les Belges résistent ! Ce qui n’était pas envisagé dans plans d’invasion !) Les Allemands, retardés d’au moins 5 jours, n’ont alors d’autre choix que d’engager leurs forces afin d’au plus vite s’ouvrir les passages verrouillés sur la Meuse et la Sambre.
Le 15 août Ier corps d’armée française du général Franchet d’Esperey, avait empêché les Allemands de la IIIème armée de Von Hausen, de forcer le verrou de Dinant sur la Meuse ! Encore des contretemps pour l’avancée allemande ! Les Belges en paieront le prix !
Le Ier corps d’armée de Franchet d’Esperey,dont fait partie notre régiment, est désormais déployé le long du fleuve, entre Namur et Givet et fait face à la IIIème armée allemande.
Mais les opérations vont reprendre dès le 20 août !
Les forces en présence
Côté Français
Les forces en présence : La Vème armée est composée de huit corps d’armée dont 5 d’infanterie, 1 de cavalerie, 1 corps de divisions d’Afrique du Nord et 1 bataillon de réserve, celui du Général Valabrègue . Les effectifs sont d’environ 300 000 hommes.
Ordre de bataille de la Ve armée française, commandée par le général de division Lanrezac, Chef d’E.M. : général de brigade Hély d’Oissel.
1e C.A. (Lille) : général Franchet d’Esperey
- 1e division : (général Gallet) Lille
- 2e division : (général Deligny), Arras
2e C.A. (Amiens) Général Gérard
- 3e division : (général Caré) , Aisne
- 4e division : (général Rabier), Oise
3e C.A. (Rouen) : général Sauret
- 5e division : général Verrier
- 6e division : général Pétain
10e C.A. (Rennes) : général Defforges
- 19e division : général Bonnier
- 20e division : général Rogerie
11e C.A. (Nantes) général Eydoux
- 21e division : général Radiguet
- 22e division : général Pambet
3ème Division de Cavalerie (Compiègne) Général Latour
- 1er corps de cavalerie : Général Sordet
1 bataillon de réserve
- le 4e groupement de divisions de réserve : général Valabrègue
- 51e division de réserve : général Boutegourd
- 52e division de réserve : général Coquet
- 69e division de réserve : général Le Gros
1 Corps de division d’Afrique du Nord
- 37e division d’infanterie d’Afrique du Nord (zouaves et tirailleurs)
- Général Comby
- 38e division d’infanterie d’Afrique du Nord
- Général Muteau
Côté Allemand
Les effectifs engagés seraient de l’ordre de 260 000 soldats pour la IIème armée de Von Bülow. Elle comprend :
- Le 10ème corps d’armée de Hanovre
- Les 3ème corps d’armée et 3ème corps de réserve de Berlin
- Les 7ème corps d’armée et 7ème corps de réserve de Münster
Au début du conflit, elle se trouve dans le camp d’Elsenborn mis en service par l’armée prussienne en 1901. Ses missions sont simples et ambitieuses :
Prendre Liège ; passer la Meuse à Huy ; prendre Namur ; se porter à Charleroi, sur la Sambre et après avoir pris la ville, attaquer la Vème Armée française et ainsi s’ouvrir la voie vers Paris en passant par Maubeuge !
Trop ambitieux ? Assurément ! Les Allemands considéraient l’armée Belge inconsistante donc incapable ne serait-ce que de retarder le déroulement de ce plan. De plus, ils doutaient de l’implication anglaise en ce début de conflit. Quant aux Français, le souvenir de 1870 laissait présager non une promenade militaire mais une victoire certaine !
Et puis les opérations ne se déroulèrent pas comme prévu et le 20 août 1914, les Allemands de Von Bûlow de la IIème armée allemande se retrouvent face à la Vème armée de Lanrezac ! Ils doivent absolument les affronter et les vaincre pour s’ouvrir la route de Paris !
Le plan retenu est le suivant :
La Ière armée germanique, tout en se couvrant du côté d’Anvers et en maintenant l’occupation de Bruxelles, participera à ce mouvement, de façon que, en masquant le front nord et nord-est de Maubeuge, elle puisse soutenir la IIème armée à l’ouest de cette place.
Le 20 août Albert 1er, Roi des Belges, ordonne à ce qui restait de l’armée belge après les batailles d’arrêt de Liège et l’éphémère victoire contre la cavalerie allemande à Haelen, de battre en retraite vers la forteresse d’Anvers, dénomination officielle d’un réseau de fortifications et de positions défensives autour de la ville d’Anvers qui était considéré comme étant le « réduit national », imprenable.
La IIème armée de Von Bulow traversera la Sambre, afin d’ouvrir le passage de la Meuse à la IIIème armée et renversera la Vème armée de Lanrezac.
Le 22 août la route de Paris sera ouverte avec Maubeuge comme étape suivante !
Le 21 août, au moment où il devait commencer son offensive le général Lanrezac ne disposait, en première ligne, au sud de la Sambre, que de deux, corps d’armée : le 3ème au sud de Châtelet-Charleroi ; le 10ème à Fosse. Le 1er C. A (celui du 33ème) qui venait de participer à la Bataille de Dinant restait en réserve et assurait la protection du flanc droit sur la ligne de la Meuse entre Givet et Namur. Il devait être relevé par une division de réserve du groupe Valabrègue, qui est au niveau de Solre-le-Château (petite ville entre Maubeuge et Beaumont à environ 30 km d’où se trouve le 33ème voir p8) . Mais celle-ci n’arriva que le 22 au soir. Il ne prit donc pas part aux combats avant le 23.
Les combats
(extraits du récit que fit Lanrezac sur les combats de cette période. Ecrits datant du 30 juin 1916)
NB : Le récit de la bataille de Charleroi est volontairement simplifié, il n’est pas question ici de présenter en détail le déroulement des combats de la première Guerre Mondiale. D’autres l’ont fait bien mieux que je ne saurai le faire ! La présentation abrégée des batailles de ce mois d’août 14, ont pour finalité de comprendre l’engagement du 33ème R.I durant ces affrontements. Le thème central du propos du site étant de voir le parcours du régiment lors du conflit. Nous sommes d’ailleurs toujours demandeurs d’érudits locaux pour nous apporter leurs connaissances afin de pérenniser le site.
Général Lanrezac :
J’appelle « Bataille de Charleroi » la bataille livrée les 21, 22 et 23 août au sud de la Sambre par la Ve armée. Ce qui varie des récits Allemands qui, eux, parlent plus couramment de la Bataille de Namur.
Le soir du 20 août arriva du G. Q. G allemand, l’avis téléphonique suivant :
« S. M. ordonne : les 1re et 2e armées serreront sur la ligne atteinte le 20 août en se protégeant contre Anvers. L’attaque contre Namur commencera le plus tôt possible. La combinaison d’une attaque immédiate contre les forces ennemies se trouvant à l’ouest de Namur avec l’attaque, par la 3e armée, de la ligne de la Meuse Namur-Givet doit être réglée d’un commun accord entre les deux Q. G. A. Pour les opérations ultérieures de l’aile droite, il conviendra d’employer une forte cavalerie à l’ouest de la Meuse. »
Signé : V. MOLTKE. (Chef du grand état-major général de l’armée allemande de 1906 à 1914, assurant le commandement pendant les six premières semaines de la Première Guerre mondiale avant d’être remplacé par Falkenhayn)
21 août dans la matinée
Devant le front de la Ve armée, notre cavalerie (commandée par le Général Sordet) est partout aux prises avec la cavalerie allemande, qui déploie une grande activité. Nos cavaliers, peu à peu, sont obligés de se replier sur les avant-postes établis le long de la Sambre et le canal de Bruxelles.
Les Allemands, qui ont débouché du front Namur-Bruxelles, exécutent une conversion autour de Namur, de telle sorte que leurs avant-gardes prendront successivement le contact des nôtres sur la Sambre, et en viendront aux mains d’abord avec le 10e corps vers 13 heures, puis le 3e corps et le corps de cavalerie Sordet entre 14 et 15 heures.
Le général Bonnier (19ème division du 10ème CA) pense sans doute qu’il doit à tout prix empêcher les Allemands de franchir la Sambre. Sa conduite sera réglée en conséquence.
Dès 13 heures, l’ennemi attaque sur Auvelais et Tamines, (entre Namur et Charleroi voir carte p 8) se bornant à masquer Ham. Grâce à l’appui de son artillerie que la nôtre ne parvient pas à contrebattre, il s’empare, d’Auvelais à 14 h.30, et commence aussitôt à s’infiltrer au-delà. Nos fantassins, que leur canon soutient mal parce qu’il ne peut pas faire mieux en raison du site, se rétablissent sur les hauteurs au sud d’Auvelais et cherchent à empêcher les Allemands de déboucher du village. A 16 h.30 le général Bonnier lance un régiment frais (le 70e) à la contre-attaque sur Auvelais avec ordre de reprendre la localité et de refouler l’ennemi au-delà de la Sambre. Le régiment, dans un élan magnifique, atteint la lisière du village, mais ne peut y pénétrer : la préparation par l’artillerie a été presque nulle, et d’autre part l’infanterie allemande (la Garde), aussitôt maîtresse d’Auvelais, a eu soin de s’y organiser.
Cet échec, très coûteux, entraîne l’évacuation de Tamines, où nous avions tenu bon jusqu’alors et le repliement de toute notre ligne de combat sur les hauteurs immédiatement au sud de la Sambre.
Les bataillons du général Bonnier, en butte à une canonnade intense et menacés par l’infanterie adverse qui cherche à s’emparer des hauteurs, à la tombée de la nuit, se trouvent en mauvaise posture, d’autant qu’ils sont menacés d’être débordés à gauche par des fractions allemandes, qui ont (vers 17 h. 30) chassé de Roselies les détachements du 3e corps et débouché au sud de la Sambre.
Le général Bonnier, fort ému, semble-t-il, d’avoir eu affaire à la garde prussienne, se met en retraite assez précipitamment ; évacuant Arsimont sans grande raison, il ramène tout son monde jusqu’à la crête de Cortil-Mazet. Les Allemands ne l’ont pas suivi ; ils se sont bornés à occuper la crête au sud de la Sambre, de telle sorte qu’Arsimont reste libre.
Ce qui ressort des commentaires du général Lanrezac montre que l’armée française en bien mauvaise posture, les journées du 22 et du 23 ne sont pas plus encourageantes pour nos couleurs.
22 août
Le 22 au matin, la bataille s’engage sur tout le front de la Vème armée ; la situation prend assez vite une tournure défavorable pour nous !
Lanrezac :
Nos troupes reculent criblés par le feu de mitrailleuses et de mousqueterie, partant à courte distance et qui jettent à terre en un instant la plupart des chefs et des meilleurs soldats. Rebutés, les nôtres reculent, mais font face presque aussitôt à l’adversaire et parviennent à le contenir. Les projectiles des obusiers de 15 centimètres allemands, les « Marmites », comme les appellent nos soldats, causent à ceux-ci une impression profonde ; pour eux, l’ennemi a en quantité des pièces de gros calibre, tirant de si loin que les nôtres ne peuvent les atteindre. La vue des nombreux avions adverses, qui viennent à chaque instant les repérer, les exaspèrent.
La situation de la Ve armée, le 22 août au soir, m’apparaît dans toute sa gravité ; il n’y a pourtant aucune raison de désespérer. Les 10e et 3e corps ont été éprouvés, mais s’ils ont reçu de rudes coups, ils en ont porté d’aussi rudes à l’ennemi ; ramenés dans une région plus ouverte, où leur artillerie, qui est intacte, pourra agir avec une efficacité réelle, ils se rallieront et seront bientôt, on peut l’espérer, en état d’attaquer à leur tour. De plus le 1er corps, qui n’a pas combattu, est maintenant disponible en entier à l’aile droite ; le 18e corps, à gauche, est intact, et les divisions Valabrègue sont à portée de le soutenir. Enfin les Anglais arrivent à la rescousse et vont, j’y compte, couvrir le flanc, du 18e corps (Le 18ème corps d’armée, initialement rattaché à la IIème armée et stationné dans la région de Toul est envoyé en renfort sur le front belge le 18 août).
J’ai la conviction que je prendrai l’avantage, mais un avantage limité dans ses conséquences, car dans un pareil terrain, une contre-attaque, si énergique qu’elle soit et lancée au bon moment sur un point bien choisi, ne fera pas une brèche assez grande dans l’ordre de bataille ennemi pour désorganiser. Les Allemands, j’ai pu le constater, conduisent leur mouvement offensif contre la Ve armée avec méthode, en progressant de point d’appui en point appui. Notre contre-attaque refoulera bien leur première ligne, mais sera arrêtée de suite par les fractions placées en repli sur des positions aménagées.
23 août
Le 1er corps se formera à la droite du 10e pour attaquer en flanc, si possible, le groupe ennemi qui agit contre ce corps d’armée ; les divisions Valabrègue se porteront au nord de Cousolre et relèveront le corps de cavalerie à la garde de la Sambre entre Solre et Maubeuge.
La bataille reprend sur tout le front de la Ve armée à 7 heures seulement Le groupe allemand établi à l’est de la Meuse, que l’on évalue à 2 corps d’armée environ, dès le matin a occupé Dinant (rive droite).
Le 1er Corps est en place vers midi et se trouve alors disposé sur le flanc de la gauche allemande (la Garde) qui, à ce moment même attaque assez vivement le 10e corps. Il ne semble pas que l’ennemi se doute du péril auquel sa gauche est exposée.
Le général Franchet d’Esperey, prompt à saisir occasion, décide d’attaquer ; son artillerie prépare le mouvement par un feu intense. Les Allemands, qui ont senti le danger, s’arrêtent et prennent leurs dispositions pour faire face au corps. Celui-ci allait déboucher (13 heures), quand soudain le général d’Esperey l’arrête. Il vient d’être avisé que les bataillons de réservistes de la division Boutegourd, postés le long de la Meuse en amont de Dinant, ont laissé les Allemands (des Saxons) franchir la rivière ; qu’ils se sont repliés en désordre suivis de l’ennemi, dont un détachement a occupé Onhaye sur le plateau derrière, la droite de la Ve armée. Le général d’Espérey, anxieux (on le. serait à moins), arrête l’offensive de son corps d’armée, et retire du front gros de la division Deligny qu’il dirige sur Anthée, et une brigade qu’il porte sur Dinant. Comme je le dirai plus loin, en agissant ainsi, il ne fait que devancer mes ordres.
Les comptes rendus reçus des corps d’armée, jusqu’à 13 heures, ont été plutôt rassurants. Le peu de mordant des Allemands m’a confirmé dans l’opinion que l’armée que j’ai en tête (armée Von Bülow) veut avant tout me maintenir, pendant qu’une autre armée attaquera les Anglais. La circonspection que déploie l’ennemi ne laisse pas grand espoir qu’une contre-attaque puisse mordre à fond sur lui. Cependant la situation devant mon aile droite me paraissant favorable, je suis sur le point de donner aux généraux Defforges et d’Espérey l’ordre d’attaquer, lorsque me parviennent les nouvelles suivantes :
- L’armée, de Langle (IVe), mise en péril la veille, 22, à la sortie nord des forêts de la Semoy se replie sur la Meuse.
- Une fraction de troupes saxonnes a surpris passage de la Meuse au sud de Dinant, bousculé les bataillons du général Boutegourd et occupé Onhaye sur le plateau derrière la droite du 1er corps.
- L’armée de droite allemande (Von Kluck), rabattant de Bruxelles sur Mons, à marches forcées, va arriver en présence de l’armée britannique qu’elle semble vouloir attaquer à la fois son front et sur son flanc gauche.
L’incident d’Onhaye me cause, je l’avoue, une émotion très vive. Que peut être cette fraction ennemie qui vient d’apparaître derrière mon aile droite ? Il ne m’est point permis d’attendre d’être plus complètement renseigné à cet égard pour prendre un parti; étant données d’une part la retraite de l’armée de Langle, et d’autre part la présence certaine à l’est de Dinant d’un groupe adverse évalué à 2 corps d’armée environ, je crois, je dois croire, que la fraction en question est une avant-garde qui va être renforcée si on ne la jette pas promptement à la Meuse. La première chose à faire est donc de soutenir fortement la division Boutegourd ; j’en envoie l’ordre au général d’Espérey : on a vu qu’il avait devancé mes intentions. Je rentre à mon Q. G. de Chimay pour être, à même de recevoir plus tôt des nouvelles et aussi les instructions du général Joffre, s’il juge utile de m’en adresser.
L’officier envoyé en liaison à Namur, le commandant Duruy, me rejoint et rend compte que les Allemands ont enlevé les forts du nord et occupé la ville. La garnison a pu s’échapper (la cavalerie et l’artillerie ont une attitude convenable, mais l’infanterie n’est rien moins qu’en ordre). Ces troupes belges, inutilisables pour le moment du moins, encombrent notre droite déjà si embarrassée par les milliers de fuyards de la population civile. Je charge le commandant Duruy de se rendre immédiatement près des Belges et de les remettre en route dans la nuit même pour Rocroi, d’où, d’où, après un court repos, ils continueront sur Laon pour y recevoir telle destination que le G. Q. G. jugera convenable.
On annonce que l’armée anglaise s’est arrêtée, et l’on peut prévoir qu’elle va être obligée de rétrograder, car le groupe allemand qui opère contre elle est plus fort qu’on ne le croyait :
Malgré que la situation exigerait une prompte intervention du commandant en chef, rien n’est venu du G. Q.G. Je suis en proie à une inquiétude extrême. On ne dira pas que mes craintes sont vaines ; en effet, si grand que me paraisse, le danger, il l’est davantage encore, car partout l’ennemi est plus nombreux que je ne le crois.
Charleroi n’est pas loin de Sedan ; de Sedan où, 44 ans auparavant, précisément à la même époque, la dernière armée française qui tint encore la campagne fut cernée par les Allemands et contrainte de capituler : abominable désastre qui rendit notre défaite irréparable ; quel souvenir !
Fuir n’est pas un acte glorieux ; mais agir autrement, ce serait vouer mon armée à une destruction totale, qui rendrait irréparable la défaite générale subie à ce moment par les armes françaises sur tout le front, des Vosges à l’Escaut.
La retraite immédiate s’impose je prends le parti de l’ordonner, quoique convaincu que Joffre ne m’approuvera pas :
« La Ve armée, en marche avant le jour, le 24, se repliera sur la ligne générale Givet-Philippeville-Beaumont-Maubeuge. »
Je rends compte au G. Q. G., en lui demandant de m’indiquer la direction de retraite à suivre. Le lendemain, 24, vers 9 heures, je recevrai l’ordre de « manœuvrer en retraite en m’appuyant sur Maubeuge à gauche et au massif boisé des Ardennes à droite. »
Mon récit des événements des 21, 22 et 23 août est très vague, mais la documentation fait défaut (Une documentation sûre.), et, de plus, je n’ai pas voulu, quand cela m’était possible, préciser davantage par crainte d’incriminer certains de mes subordonnés, alors que je n’avais pas de preuves formelles à mettre à l’appui de mes allégations à leur égard.
Les faits, tels que je les ai exposés, emportent morale suffisante pour que je juge inutile de répondre aux critiques que l’on m’a adressées, longtemps après les événements, notamment pour avoir donné mon ordre de retraite du 23 août au soir.
Pour Lanrezac, les conséquences se feront sentir début septembre où sa conduite durant les opérations amènera son changement par le général Deligny de la 2ème division, celle du 33ème. La relation du G. Q. G. sur les premiers mois de la guerre dit :
Le 24 août : Le général Lanrezac, se croyant menacé sur sa droite, bat en retraite au lieu de contre-attaquer.
Le 23 au soir Lanrezac prit lui-même la décision de battre en retraite au-delà de la ligne Philippeville-Beaumont-Maubeuge pour éviter « un nouveau Sedan. » Les ordres furent donnés entre 23 heures et minuit. L’armée devait avoir commencé sa retraite derrière la ligne indiquée avant l’aube du 24. Du côté français, on attribue au général Lanrezac le mérite d’avoir sauvé son armée d’un enveloppement complet par une retraite opportune. Le général Joffre semble tout d’abord ne pas avoir été du tout d’accord avec son subordonné, mais le 24 il approuva sa décision. De notre point de vue cette retraite rapide est à regretter. La 4e armée avait été battue le 22 et se repliait vers la Meuse ; Lanrezac isolé et fortement en flèche, se trouvait donc exposé à l’attaque concentrique des 2e et 3e armées. Les derniers forts de Namur tombèrent le 25 août. Les Anglais étaient déjà depuis le 24 en pleine retraite.
Ce qui vaut le commentaire de Lanrezac :
Pour s’être permis une telle observation, il faut que le G. Q. G. n’ait jamais eu la notion exacte de la situation de la Ve armée à partir du 23 août ! C’eût été un nouveau Sedan ! Nous avons été battus partout de la Sambre aux Vosges !
L’idée maîtresse du plan Joffre, cette ruée simultanée de toutes nos forces à la rencontre des Allemands, aboutit à un effroyable échec : toutes nos armées, grandement éprouvées, n’ont plus d’autre ressource que de battre en retraite au plus vite pour échapper à une destruction totale.
Pour la Vème armée, c’est la retraite ! Mais la bataille de Guise se pointe déjà !
Quant au 33ème ! Voyons son parcours durant ces journées
Ce qui en ressort de ce récit (allégé il est vrai) est que l’armée se trouve dans la plus grande confusion ! Les actions sont improvisées et peu coordonnées ! Et que chacun justifie son action en minimisant ses torts et rejetant la désorganisation sur l’émotion et la fébrilité des autres. C’est cette analyse personnelle de Joffre, pour minorer ses responsabilités, qui va amener la réorganisation des armées dès début septembre ! On parle de 60 généraux « limogés » !
Le Parcours du 33ème R.I de Dinant à Charleroi
Au soir du 15 août, les hommes du 33ème viennent de connaître ce qu’on appelle communément le baptême du feu !
Et pour beaucoup, la surprise a été énorme. Rien ne ressemble à la conception de la Guerre dont on rêvait !
Beaucoup trépignaient d’impatience ! On allait venger l’Honneur perdu en 1870 ! Les Boches vont goûter à leur tour l’humiliation de la défaite ! annonçaient les gars au bivouac !
Ah ! Que nos soldats étaient beaux dans leur uniforme si chatoyant avec ce beau bleu et ce beau rouge garance lors du dernier rassemblement sur la place d’Armes avant le départ !
On était parti d’Arras il y a déjà 10 jours. On avait voyagé en train, on avait beaucoup marché pour se retrouver au pied de la citadelle de Dinant que l’on voyait se dresser là-haut dans cette Belgique où on nous avait envoyé en ce début août.
Pour beaucoup, c’était magnifique, eux qui n’avaient connu qu’Arras et ses environs. La Meuse, c’était autre chose que la Scarpe ! Et cette ville de Dinant, majestueuse sous ce soleil de plomb !
Ces 10 jours avaient soudés les gars. Il faisait beau, les sous-offs braillaient mais pas plus que durant les manœuvres en fait ! Il y avait bien ces chaussures qui faisaient mal aux pieds et ce sac qui cassait le dos mais le ravitaillement était à la hauteur !
Rien ne manquait ! Les repas corrects et surtout tabac et vin ne manquaient pas ! On en a vu qui n’avaient pas beaucoup dessoûlé durant ces quelques jours ! Mais là, c’est le 15 août, le jour de la Sainte-Marie, enfin le jour de Gloire était arrivé !
2 jours avant, le 13 août, le régiment cantonne à Treignes en compagnie du 73ème, ceux de Béthune quand à 21h parvient l’ordre de mouvement de la brigade pour la journée du 14 août : direction les ponts de Dinant et d’Anseremme.
Le 14 nous nous rapprochons du front, les troupes sont massées autour d’Anthée. Des gars étaient installés un peu en avant aux postes d’observation. Et première surprise, pour nous qui n’avions pas encore vu un Allemand, allions vivre un premier contact assez incroyable !
D’abord on a entendu du bruit, beaucoup de bruit. C’était plus fort que les automobiles qui commençaient à circuler en nombre depuis le début du siècle. Puis, incrédules, on a vu ces drôles d’engins arriver, des autos-mitrailleuses allemandes, on a su après ! Elles n’étaient pas nombreuses, elles foncent droit sur un poste disposé sur la route. Les soldats affolés bondissent et se mettent à l’abri sans même avoir le temps de tire le moindre coup de feu ! Et c’est alors qu’elles s’arrêtent et qu’un escadron d’uhlans, criant comme des sauvages, se dirige sur nos soldats en position aux postes avancés. Gonflés les gars ! L’effet de surprise initial fait long feu. Les uhlans ont droit à une riposte de nos soldats en position dans ce secteur.
Et comme cadeau de bienvenue, ils eurent droit à des salves de la part de nos mitrailleurs qui étrennèrent ainsi la fameuse et controversée Saint-Etienne modèle 1907 ! Les cavaliers germaniques font rapidement demi-tour aussitôt les premiers crépitements entendus ! On ne sut jamais le but de leur ruée ni combien de cavaliers furent touchés ! Le tout se déroula en quelques minutes autour de 17 heures alors que nous allions passer notre dernière nuit avant de connaître l’enfer du feu !
Puis le 15 dès potron-jaquet, les soldats du régiment, sous les ordres de l’impétueux Stirn, sont envoyés à l’assaut pour y prendre les ponts sur la Meuse et s’emparer de la citadelle aux mains des Saxons.
Et ce fut un déluge de feu qui s’abattit sur le 33ème comme nous l’avons vu !
Au soir du 15 août, le bilan est cruel, la bataille semble gagnée mais pour beaucoup ce fut le premier et dernier assaut de leur vie !
Le Régiment y a laissé 605 morts et encore plus de blessés ! Au soir du 15, ceux qui restent sont hagards ! L’horreur de la guerre s’est révélée à ceux qui sont partis à la rencontre de l’ennemi.
Un soldat de la 11ème compagnie qui ramène un camarade blessé au bivouac raconte !
Quand le lieutenant de Gaulle, le chef de la section, la première, est revenu d’avoir été cherché les ordres auprès du capitaine, on a vu que notre tour était arrivé. Nous devions prendre le pont là-bas un peu plus loin.
J’étais envahi par l’émotion. Je n’arrivais pas à fixer cette satanée baïonnette, celle que l’on appellera ‘’ Rosalie’’ à ce satané Lebel. On entendait les bouches des canons qui crachaient le feu et ce crépitement des mitrailleuses. Non, ça donnait pas envie d’y aller. Mais tous autour de moi, tous se mirent à hurler et à courir vers le pont. Eh bien……, je me suis levé et j’ai hurlé comme les autres ! Puis j’ai vu ! Mes copains qui tombaient devant moi, fauchés par la mitraille allemande ! Et des hurlements il y en eut beaucoup d’autres ! Mes camarades devant qui venaient d’être touchés et qui se tordaient de douleurs ! Il y en avait, les plus jeunes, qui appelaient leur mère alors que le reste du régiment les piétinait en se dirigeant à leur tour vers le pont !
J’ai même vu le lieutenant, le grand de Gaulle qui se tenait la jambe et qui s’est retrouvé coincé sous le sergent Debout qui pissait le sang alors que la vie le quittait ! Moi-même j’ai ressenti une douleur au bras et le sang s’est mis à couler. Je vis tout de suite que pour moi l’assaut était fini !
Comme d’autres blessés, j’ai attendu en essayant de me cacher et plus tard dans la soirée alors qu’il régnait un désordre indescriptible, j’ai suivi un groupe de blessés qui se dirigeait vers ce que je le saurai plus tard était le château de Bouvignes où je me fis soigner tout en racontant mon histoire aux civils qui étaient là pour nous soigner. Ma blessure était superficielle, quoique douloureuse. Le lendemain, on nous ramena à notre nouveau bivouac.
Et là, avec les copains, ceux qui n’étaient pas tombés, on a raconté ce que l’on avait vu. Croyez-moi, on ne comprenait pas grand-chose au déroulement des combats. Soyons réalistes ! Il est habituel que ceux qui combattent n’aient aucune vision précise de ce qui se soit passé.
D’après ce qui se disait, nous avions gagné la bataille La citadelle était détruite et les allemands s’étaient réfugiés et installé au château de Taviet (près d’Achêne, à 9 km de Dinant.)
Le 33ème au soir de la bataille retourna à son campement près de Onhaye, à Anthée.
Dans différents écrits, on situe l’endroit du campement avec des noms différents : Onhaye, Weillen, Serville, Anthée, Sommière…
Tous ces lieux font partie de la même entité géographique, ils se sont regroupés dans la commune de Onhaye depuis 1977, commune qui fait pas loin de 65 km2 (voir dessin ci-dessous).
C’est dans ce vaste espace agricole et boisé que bon nombre de sections de régiments ont planté leurs tentes.
Maintenant, la guerre on avait goûté. On avait même chanté des champs guerriers. Mais, ce 16 août, tout avait changé !
On avait vu tomber bon nombre de camarades. Beaucoup étaient morts les rescapés racontaient leurs faits d’armes et surtout leurs désillusions !
Mais la guerre n’était pas finie et les missions ordonnées au régiment vont rapidement évoluer pour le 1er corps d’armée du général Franchet d’Esperey et notre régiment.
Les premières missions, dès le 16, sont de garder et d’interdire les ponts enjambant la Meuse (Dinant, Anseremme, Bouvignes). Avec ceux du 33ème sont concernés les camarades du 73ème et du 8ème RI durement éprouvés par l’assaut de Dinant. C’est le général Duplessis, commandant de la 3ème brigade qui organise la défense du secteur. Ce brave général qui saura se montrer plein d’empathie vis-à-vis de ses hommes et de colère devant l’incompétence d’une partie de sa hiérarchie. Il écrira pas moins de 25 ‘’petits carnets de tranchée’’ régulièrement envoyés à ses proches par des voies sûres, évitant la censure. Il dira : « Si Dieu me permet de revenir de cette guerre, je reprendrai ces notes, et tâcherai d’en faire quelque chose ! »
Du 16 au 20 août, le régiment se réorganise en continuant d’empêcher le passage de troupes allemandes sur la rive gauche de la Meuse. Les missions paraissent faciles mais comme nous le verrons, les Allemands n’avaient pas renoncé à nous chasser de nos positions et nous bombardaient allègrement.
Puis le 20 août, des rumeurs commencent à circuler ! Les opérations vont reprendre, les Allemands bougent de partout ! On va bientôt revoir les casques à pointes ! Beaucoup commencent à avoir peur ! Mais ça, il ne faut pas le dire ! Il faut rester brave !
On a su aussi que le général Franchet d’Esperey a critiqué l’attitude du lieutenant-colonel Stirn. Pour nous, c’est pas bon, il va vouloir faire du zèle !
Franchet d’Esperey, lui pavoise, il pense avoir été l’organisateur de la victoire ! Il s’en vantera un peu plus tard !
La veille du combat, le 14, alors qu’il est installé à l’hôtel du Lion d’Or, là-même où Napoléon passa la nuit au lendemain de Waterloo, mais il n’est pas superstitieux, c’est un brave !, il a eu la certitude que les Allemands vont attaquer Dinant le lendemain. Dès le 14 au matin, il fixe son Q.G à Anthée, à l’ouest de Dinant. Il fait déployer ses forces le long du fleuve afin de contenir un éventuel assaut de l’ennemi en vue de franchir la Meuse.
Le 15 au matin, les canons allemands bombardent les alentours de la ville. Les cavaliers de Sordet, débordés, renoncent à attaquer et repassent à l’ouest de la Meuse. Puis le combat s’engage ! Et c’est là que Stirn, décide d’engager ses forces sur la rive droite du fleuve. Tout acquis à la doctrine de l’attaque à tout va, l’impétueux chef de corps, engage ses forces dans un insensé assaut qui sera un carnage pour les compagnies engagées.
En dépit des pertes énormes, l’avancée allemande est contenue et le 33ème se retrouve le lendemain dans les environs de Weillen avec des missions qui vont évoluer.
Les pertes sont évaluées à un millier d’Hommes, hors de combat : tués, blessés ou prisonniers ! La conclusion s’impose :’’ Soit on ne sait pas s’abriter, soit on fonce dans des zones battues par le feu des mitrailleuses !’’dira Franchet ! C’est là qu’il fit des reproches à Stirn, le 33ème ayant subi des pertes de loin bien supérieures à n’importe quelle autre unité.
Même son ami, le Général Deligny à la tête de sa 2ème division a été blessé, mais refuse d’être relevé !
Du 15 au 20 les hommes du 33ème surveillent la Meuse et attendent d’être relevés par le 4e groupement de divisions de réserve du général Valabrègue.
Le 20 août, les allemands, réorganisés, ont repris leur marche en avant avec pour but de renverser la Vème armée qui les bloque en direction de Paris !
En attendant les troupes qui vont les relever, les hommes suivent, tant bien que mal, les combats de Mons, Liège et les débuts de la bataille de Charleroi. Les rangs étaient clairsemés, des renforts ne sont pas prévus avant quelques jours voire quelques semaines.
Le général Franchet d’Espèrey, observe les opérations avec une bonne dose d’autosatisfaction, il déclare à son entourage avoir pleinement rempli sa mission depuis 9 jours en ayant assuré l’inviolabilité du front de Meuse.
Ravi ou pas, il reçoit comme tout le monde les mauvaises nouvelles de partout. A sa gauche, le 10ème corps du général Defforges semble être débordé. Namur vient de tomber et les troupes luttent pied à pied pour ne pas reculer. Et puis le 23 au matin,le général belge Michel, évacue la ville qui va subir la folie du sinistre général Elsa. Des troupes ennemies franchissent la Meuse à Lenne et vers Waulsort au sud de Dinant et s’approchent d’Onhaye, là où sont stationnés les troupes du 1er corps d’armée. Bombardés de toute part, le 233ème (le régiment de réserve du 33ème) se replie.
Pire, on signale des Allemands ayant pris place dans des embarcations réquisitionnées le long du fleuve et des radeaux qu’ils ont confectionnés durant la semaine. On en a vu à différents niveaux du fleuve en amont à Yvoir sur la rive droite et qui voulaient accoster à Anhée sur la rive gauche là où se situe le 110ème R.I de la 51ème division de réserve qui est chargé de surveiller le pont de chemin de fer de Houx (il ne faut pas confondre la ville d’Anhée en amont du fleuve et Anthée près d’Onhaye où se trouve le cantonnement de nombreuses troupes dont le 33ème durant cette période).
En aval de Dinant, leur but était identique, traverser au niveau d’Anseremme.
Franchet d’Esperey, furieux est décidé à rejeter ces troupes allemandes au-delà du fleuve ! Il avise la situation : le 3ème corps d’armée du général Verrier est présent de par la présence de la 8ème brigade d’infanterie du fougueux général Mangin à qui il avait fourni 3 bataillons en renfort !
Mangin, prendra Onhaye le 23 au soir secondé par le général de cavalerie Sordet qui était en attente dans la région. Mangin refoula ces chasseurs à pied (des saxons) qui avaient passé la rivière homme par homme et occupaient les localités d’Onhaye et Lenne. En fait, le matin, ils n’étaient que quelques dizaines à avoir investi les 2 villages que Mangin refoula avec rage ce qui leur enlevèrent toute envie de réapparaitre !
C’est alors que dans la nuit du 24, le commandant de la 1ère armée reçoit l’ordre de se replier.
Le corps d’armée se retrouvera un peu plus tard dans la région de Guise.
Le 33ème, lui avait reçu l’ordre de prendre position à sur la rive gauche de la Meuse en soutien du 10ème C.A où le régiment se heurtera aux troupes allemandes. Une sérieuse fusillade s’engagea entre les 2 ennemis. Mais les « Boches » selon notre narrateur étaient tellement nombreux qu’il fallut reculer. Un peu plus tard ils apprirent que là encore les troupes allemandes firent régner une terreur qui s’abattit sur les habitants de 10 villages de la région, ceux qu’ils avaient traversés.
Comme à Surice où 130 maisons furent détruites sur les 138 et 69 personnes furent massacrées. Parmi celles-ci, 37 hommes et 3 prêtres furent passés sous les armes en une seule fusillade, sous les yeux des femmes et des enfants ! Pendant que ses événements tragiques se déroulaient à Surice, une partie des troupes allemandes fit régner la terreur à Soulme et dans bien d’autres localités.
Mais le 33ème comme l’ensemble de la Vème armée avait reçu l’ordre de replier plus au sud ! Durant leur retraite, ils virent ces civils partis en exode on ne sait où alors que leurs maisons étaient incendiées sans motif autre que de la cruauté gratuite ! Sur leurs visages la peur, la tristesse, l’angoisse… Ce furent 6 jours et 6 nuits de marche durant le repli. Mais le tout effectué en bon ordre malgré les incessantes attaques de cavaliers uhlans.
Là, il faut bien le reconnaître, la situation était tellement confuse que nos valeureux soldats du 33ème se retrouvent un peu perdus dans cette mêlée et qu’il en devient difficile et même impossible d’en retracer leur action avec précision. Le régiment comme l’ensemble de la Vème armée se replie et se positionne sur la route entrez Givet et Philippeville et font enfin halte au village de Housset. Puis vint la contre-offensive de Guise !