Pour comprendre ce qu’est l’équipement du fantassin français à l’entrée de la guerre 14-18, il est nécessaire de remonter le temps et ceci jusqu’au temps du légionnaire romain !
Car en envahissant la Gaule et pratiquement toute l’Europe, Rome a su imposer aux autres civilisations de l’époque ses coutumes et son modèle militaire.
Le légionnaire demeure le soldat-type de l’antiquité. Et aussi étrange que cela paraisse, le poids et les conditions de son chargement ont servi de base à la fixation de la charge du fantassin français jusqu’au conflit qui nous intéresse.
La commission militaire de 1861, se prévalant de l’exemple des soldats romains, fixe la charge normale du fantassin le poids maximal de 30 kg.
Voyons maintenant l’évolution de cet équipement qui aboutit au paquetage de notre futur « poilu ».
L’équipement du soldat romain
Son armement se compose :
Du bouclier comme arme défensive. A l’origine, le combattant romain riche utilise comme bouclier le clipeus en bois recouvert de cuir de bœuf ou de bronze, le soldat moins riche porte un bouclier plat et ovale fait de planches de bois recouvertes de cuir. C’est ce deuxième type de bouclier qui est l’ancêtre du scutum, long bouclier derrière lequel le soldat romain se protège et qui devient l’emblème de la légion romaine.
Et comme arme offensive :
Du pelum (un javelot) haut de 6 pieds soit 1m77. Cette arme offensive dont la portée moyenne est estimée à 25 mètres, mais pouvait atteindre 40 mètres avec des lanceurs exercés et des conditions favorables, voire plus avec l’usage d’une courroie de lancement (amentum) accroissant la vitesse initiale.
Et du glaive (le gladius = épée courte), d’approximativement 60 à 90 cm de longueur totale, de 4 à 7 cm de large et d’environ 0,6 à 1,5 kg, utilisée par les légionnaires romains à partir du IIIe siècle av. J.-C.
Le reste de son équipement comprend :
Un large ceinturon porte-glaive l’ensemble ne le quittait jamais sous peine de mort.
Une hotte, forte corbeille d’osier, qui s’attache aux épaules grâce à 2 lanières de cuir et qui repose sur la région lombaire de l’homme. Dans celle-ci se mettaient principalement les vêtements de rechange et une partie des vivres.
Cette corbeille servait aussi de sac que l’on remplissait, à l’occasion, de terre dans les camps retranchés.
A l’intérieur de la hotte, on y trouvait une partie de l’équipement dont :
Une chainette de fer et des courroies qui étaient utilisées pour entraver et garotter les prisonniers.
Chaque soldat portait un outil. En effet,les outils étaient répartis individuellement de manière à constituer une collection complète par décurie.
A l’extérieur de la hotte, et posés de travers, chacun portait un ou deux pieux de palissade.
Les vivres portatifs
Le soldat portait soit le menstruum, soit le demi-menstruum de blé. Le menstruum est un sac d’environ 24 kg. La distribution se faisait normalement par quinzaine.
Ce blé était renfermé dans un folliculus, sac de cuir attaché à l’extrémité d’un long bâton de voyageur appelé aerumnule auquel étaient fixés les ustensiles. Ce bâton avait la forme d’un T et portait ainsi le sarcinae ou barda.
Les ustensiles
Ces ustensiles comprenaient :
Une tasse en métal de 2 cotyles (environ 50 cl).
Un casque en métal en airain le plus souvent que le légionnaire ne portait que lors des combats. En porter un en permanence se révêle plutôt inconfortable car peu en possédaient un doublé.
Ce casque servait de mesure pour le blé par exemple.
Une petite marmitte, utilisable à plusieurs fins : préparation de la bouillie de blé, transport ou cuisson de la viande.
Le légionnaire moulait son blé à la meule-commune de la décurie portée sur une bête de somme.
Un récipient à sel le salarium. Le soldat tenait beaucoup au sel qui relevait le goût de la bouillie ou de la galette de blé. Le mot salaire a d’ailleurs pour origine cer mot salarium. Certains légionnaires ayant été payé à une époque reculée en quantité plus ou moins élevée de sel.
Dans cette alimentation, la viande difficile à conserver était considérée comme aliment secondaire pour la majorité des troupes. N’oublions pas que le ravitaillement se faisait en quinzaine.
« Avec la méthode romaine, on allait au bout du Monde » dit un jour Napoléon qui rêvait de remplacer les distributions de pain par celles de farine ou même de blé.
L’aerumnule ainsi si lourdement chargée se portait alternativement d’une épaule à l’autre ; d’un côté entre le cou et le bouclier et de l’autre entre le cou et le casque.
Le poids du chargement
Le tout pesait de 50 à 62 kg selon que l’on portait le demi ou le menstruum entier. Un véritable fardeau qu’il fallait porter sur l’épaule au moins trente kilomètres par jour. Flavius Josèphe affirmait que la charge de l’homme ne différait pas fondamentalement de celle du cheval.
Ainsi, toutes les fois que ‘était possible, le général faisait porter par des bêtes de somme les bagages d’une partie de la troupe, on les nommait les milites expediti.
Le total du chargement était ainsi réparti :
- Vêtements et chaussures : 5 kg
- Vivres et ustensiles : 17 ou 29 kg
- Armes, outils, hotte, pieux et accessoires : 28 kg
Ce poids paraît effrayant, si l’on considère les longues marches à accomplir et les travaux qu’il fallait effectuer chaque jour avec un soin rigoureux.
Mais le légionnaire, soldat d’élite, endurci dès son plus jeune âge aux exercices les plus rudes, se recrutait parmi les hommes les plus forts et les plus robustes ; sa taille moyenne était de 1m72 !
Flavius Josèphe est un historiographe judéen d’origine juive et de langue grecque du Ier siècle, considéré comme l’un des plus importants de l’Antiquité gréco-romaine.
Réflexions sur ce chargement
1. Son fardeau se décompose en 2 parties distinctes et à peu près égales
- Sa hotte et ses armes sur le dos et sur les épaules
- Ses vivres et ustensiles, au bout de son bâton
Dans les haltes, il se contentait de poser à terre son aerumnule, ce qui le débarassait immédiatement de la moitié de son chargement.
2. Tout chargé qu’il est, le légionnaire n’est ni ficelé ni comprimé
- Son ceinturon ne l’étouffe pas, sa hotte repose sur le bas des reins et se suspend par des épaulières ayant un certain jeu
- Ce fardeau n’est qu’un chargement de route qu’il abandonne au combat où seuls bouclier et armes sont emportés
Ce mode de chargement en 2 parties sera expérimenté dans l’armée française vers 1905-1910 mais pas retenu en définitive.
Si on enlève au légionnaire le poids du Menstruum de 24 kg et celui des pieux, on arrive à ce seuil de 30 kg qui était la référence retenue lors de la commission de 1861 !
Les Armées françaises jusqu’en 1740
Du temps de Louis XIV et de Louis XV
Jusqu’à Louis XIV, le vêtement et l’équipement du fantassin, laissés à la fantaisie des chefs de corps présentent toutes sortes de variétés et de fantaisies.
L’administration et les directives de Louvois, en dotant les régiments de l’uniforme, créa en même temps un armement et un équipement réglementaire.
Le goût de centralisation du Roi-Soleil impose des réglementations de plus en plus précises en vue d’une uniformisation de l’Armée.
Nous allons nous intéresser au soldat à la fin de l’époque de Louis XIV (1638-1715) et ce celle de Louis XV (1710-1774).
L’armement sous Louis XIV
L’armement comprenait le fusil et l’épée
Le fusil modèle 1715 pèse environ 4 kg 300. Il est long de 4 pieds 10 pouces. A l’époque de Louis XIV, le pied qui vaut 12 pouces mesure 32 ,66 cm le pouce fait donc environ 2,72 cm. Ce fusil approche les 1m 60. La baïonnette ou bout du fusil avec sa douille de maintien est de 17 ou 18 pouces soit 46 à 48 cm, le total en fait une arme d’un peu plus de 2 mètres.
L’épée, d’abord portée par les grenadiers est ensuite adoptée par tous les fantassins. Cette épée du type double-lame mesure 26 pouces soit 70 cm.
L’équipement
L’équipement se compose de :
Un ceinturon de cuir assez large qui porte la poire à poudre d’un côté et le sac à bales de l’autre.
Un baudrier de cuir qui supporte l’épée et la rejette en arrière « en verrouil ».
Un bissac ou besace qui est un sac de toile où le fantassin renferme ses effets de rechange. On y trouve :
- 1 chemise
- 1 paire de bas
- 2 cols
- 1 paire de souliers
- 1 pain de munition et…
- Quelques victuailles
Cette besace, en grosse toile, n’était pas réglementaire et chaque soldat s’équipait comme il le pouvait. Par une ordonnance du 27 mai 1747, on équipe chaque soldat avec un havresac.
L’ outillage
Une ordonnance du 15 octobre 1701 crée les outils portatifs.
« Veut Sa Majesté que, dans chaque compagnie de grenadiers ou de son infanterie, il y ait toujours six outils propres à remuer la terre, que les soldats porteront tour à tour avec leurs armes, pour accommoder le chemin et faciliter leur marche. »
Dans la suite, il fut distribué 10 grosses haches par compagnie de grenadiers ; les autres compagnies reçurent des haches à marteau.
Chaque compagnie était pourvue d’outils de terrassier et d’outils tranchants : (pelles , pioches, haches, hachettes et serpes).
Les soldats portaient ces outils ainsi qu’une bonne partie du fourniment en bandouiliére adaptée (le fourniment étant l’ensemble des objets de l’équipement du soldat). Charge à chaque soldat de les maintenir en bon état. Les outils étaient utilisés pour se protéger ou couper des palissades, fabriquer des fascines (assemblage de branchages) et détruire les constructions ennemies.
Ceux-ci devaient être solidement emmanchés, bien acérés sur les tranchants et surtout fabriqués de bon fer à bonne trempe avec moult pointes renforcées et fortes douilles à la tête… Ce qui se voit rarement !
Les ustensiles
Le soldat en campagne, ne porte pas d’ustensiles de cuisine, emprunte ceux des habitants. Ce qu’on appelle à l’époque une gamelle était une jatte de terre ou de bois, utilisée à la caserne par 3, 5 ou 7 soldats de chambrée.
Chaque fantassin portait une gourde, qu’il se procurait lui-même ; un sergent par compagnie portait dans la sienne du vinaigre, qu’il distribuait aux hommes pour purifier l’eau. Cet usage du vinaigre, remontait au temps des Romains.
Les vivres
Le pain, fourni par les munitionnaires, était de 3 livres pour deux jours ; il devait comprendre 2/3 de froment et 1/3 de seigle. Le soldat ne portait généralement qu’un pain dans sa besace ; mais parfois, en cas de besoin, le Général peut en faire distribuer pour 6 ou 8 jours ! Ce qui ne doit pas être fait sans nécessité indispensable et ceci à cause des fripons qui vendent leur pain sans savoir de quoi ils vivront dans les derniers jours.
Les vivres attendaient les troupes à l’étape. La ration ordinaire se composait de « 24 onces » (une once d’ancien régime est une unité de masse d’environ 30 grammes) de pain cuit plus ou moins gris et souvent rassis, mélange variable de seigle et de froment (malgré la norme de 2/3 de farine de froment). 24 onces représentent donc environ 1 livre et demi.
Chaque fantassin à droit à une pinte de vin, de cidre ou de bière selon la région où il se trouve. La pinte de référence est celle qui a cours à Paris d’une valeur de 0,923 litre.
A ceci s’ajoute une livre de viande ( veau, vache, mouton, porc) selon ce qu’il y avait de disponible à l’étape.
A l’époque, légumes et volailles ne faisaient pas partie de la liste réglementaire. Il est de coutume de laisser les soldats se livrer à la maraude en cours de route où légumes , fruits, volailles et lapins amélioraient un peu l’ordinaire.
Évolution à partir de 1740
L’armement
La guerre de succession d’Autriche à la mort de l’Empereur Charles VI va multiplier les conflits qui entrainent les soldats français aux quatre coins de l’Europe.
L’équipement du Fantassin français y verra les modifications se multiplier.
Au niveau de l’armement, on voit le remplacement du fusil modèle 1715 par le modèle 1777.
Le fusil d’infanterie de 1777 est un fusil à silex à un coup, à chargement par la bouche et à canon lisse (sans rayures internes). Il mesure 1,52 m (1,14 m pour le canon) et pèse 4,6 kg. Prolongé de sa baïonnette à douille, il atteint la longueur impressionnante de 1,92 m, théoriquement suffisante pour permettre au fantassin de se défendre contre une charge de cavalerie après avoir fait feu.
La baïonnette de cette nouvelle arme est maintenue dans un porte-baïonnette fixé à un ceinturon de cuir fauve à un seul pendant.
L’équipement
Son originalité réside par l’apparition des fameuses buffleteries en croix qui datent de 1740 et qui seront utilisées durant de nombreuses décennies.
Buffleterie : définition TANN., TECHN. MILIT. Peau de buffle tannée; p. ext., tout ce qui dans l’équipement du soldat était confectionné dans de la peau de buffle ou de bœuf, en particulier les courroies pour porter les armes. La buffleterie représente les pièces de cuir du fourniment.
Dans ces équipements en cuir, on y trouve :
Un baudrier qui supporte le sabre-briquet.
Une banderole qui porte la giberne ou la demi-giberne.
Ces 2 courroies larges de 6 à 7 cm, reposant à plat sur chaque épaule, se confectionnent réglementairement en « buffle blanc bien cousu, sans clous ni piqûres » et se croisent sur le milieu de la poitrine de l’homme.
Le baudrier est à l’origine une bande d’étoffe ou de cuir, ceinte en écharpe, servant à porter un sabre, une épée, ou soutenir un ceinturon ou une ceinture.
Les premières compagnies de grenadiers, c’est-à-dire de soldats lanceurs de grenades, sont apparues au cours du règne de Louis XIV.
Sous l’Empire, bien que l’on n’utilise plus guère les grenades, l’appellation de grenadiers demeure pour désigner des soldats d’élite et de grande taille. Ils sont présents dans l’infanterie de ligne à raison d’une compagnie par bataillon. Ils sont également présents dans la Garde impériale.( un bataillon varie de 300 à 1200 hommes et une compagnie de 60 à 120 unités).
Une giberne est un sac de cuir rigide porté en bandoulière par les soldats dans laquelle ces derniers conservaient généralement leurs cartouches et les outils nécessaires à l’entretien de leur arme. N’oublions pas que les cartouches pour le fusil 1777 étaient en carton, le percuteur permettant son inflammation en silex et le projectile (la balle) en plomb.
La giberne fut portée par les soldats de la monarchie, de la Révolution et de l’Empire avant d’être remplacée en 1845 par la cartouchière.
Accessoire indispensable puisque renfermant les munitions. La giberne est un sac de cuir, théoriquement en buffle, qui enveloppe un coffret de bois rigide.
Il est porté en bandoulière grâce à une banderole de cuir blanc dans lequel les grenadiers portaient leurs grenades.
Par la suite, la dénomination devient demi-giberne et l’usage des grenades ayant été abandonné le terme giberne étant devenu vacant, fut adopté pour désigner le coffret en bois renfermant les cartouches.
C’est par une ordonnance de 1747 que le nom de demi-giberne est imposé. « La demi-giberne doit être une poche en cuir de vache rouge ou noir, possédant un patron en bois pour 20 cartouches. Le reste de cartouches devant se trouver dans le havresac. » Le nom de cuir de buffle étant un « terme générique » le cuir utilisé pouvant être d’origine variée.
On appelait alors un cartouche l’espèce de gibecière renfermant les munitions de l’homme d’infanterie, qui par ailleurs donnera quelques temps plus tard son nom aux munitions.
Le soldat y place également les outils nécessaires à l’entretien de l’arme.
La giberne ne diffère de la demi-giberne, que par la grandeur de la poche. Les soldats l’ont à l’épaule à l’aide de la bandoulière, qui se porte de gauche à droite.
Le havresac
L’adoption du havresac, est en effet une seconde caractéristique de l’équipement de l’époque.
Les reîtres allemands avaient importé le mot et… la chose en France ; on n’est d’ailleurs pas d’accord sur l’étymologie du substantif : les uns le font dériver de weizen sack (sac à blé), les autres de hafer sack (sac à avoine).
En 1747, le havresac fut rendu réglementaire par le Marquis d’Argenson, le secrétaire général des armées de Louis XV, lors de l’organisation des services de l’habillement au compte de l’Etat. Il fut étudié de façon à en rendre le port plus facile que la vieille besace. Un des soucis était de pouvoir mettre son contenu à l’abri de l’humidité et… éviter l’aspect miséreux de l’ancien bissac ou de l’ancienne besace de grosse toile.
A partir de 1751, il sera normalisé en un grand sac de toile forte long de 4 pieds (environ 1m20) et large de 2 pieds 6 pouces (environ 80 cm), aux coins arrondis. Le tissu utilisé est le coutil, celui utilisé pour confectionner les matelas ; Pour le solidifier, le coutil est doublé.
Outre son usage normal comme enveloppe, il servait au couchage du soldat et contenait un petit sac de peau pour serrer les menus effets appelés nippes.
Il se portait en carnassière par une bretelle de la largeur du ceinturon, cousue à deux pieds de l’ouverture, qui venait se boucler à un autre morceau de bretelle cousu sur le côté gauche.
On repliait en dessus, depuis la bretelle, la partie vide du sac. Le volume du sac était donc extensible ou réductible selon son contenu.
En 1776, le coutil sera doublé de peaux animales garnies de leurs poils, on recommande les peaux de chèvres, de veau, de cheval ou de… chien !
On y adjoint une seconde bretelle de buffle blanc un peu moins large que celle des buffleteries.
L’ordonnance du 21 mars 1768 rendit officielle l’expression francisée de HAVRESAC qui sera employé jusqu’à la guerre 14-18. Cette ordonnance prescrivait au commandant de chaque régiment, d’en passer lui-même la visite tous les mois.
Quand les soldats le prenaient chargé, ce qui était exceptionnel, le havresac se portait sur le bas des reins, sur la région lombaire. Sa carcasse de coutil lui donnait une semi rigidité, sans lui ôter toute sa souplesse.
Lorsqu’on ordonnait une charge, le fantassin mettait sac à terre, on ne concevait pas qu’il fût possible pour un homme de combattre avec un tel fardeau.
Le chargement du havresac
En 1773, le contenu de celui-ci ressemble à la liste ci-dessous :
- 1 chemise1 paire de souliers
- 1 pantalon de toile et parfois un sarrau de toile ( le sarrau est la blouse que portent au-dessus de leurs vêtements)
- 2 mouchoirs
- 2 paires de bas
- 2 cols
- 1 ruban de queue pour les cheveux
- 1 sac de poudre et sa houppe (petite brosse en poils)
- De la pommade
- 1 peigne à retaper
- Des boucles de soulier et de jarretières
- 1 brosse à habits
- 1 brosse pour cuivre
- 1 pinceau à buffleterie
- 1 dé, du fil et des aiguilles
- 1 tire-boutons pour les guêtres
- 3 paires de jarretières
- 2 paires de guêtres
Comme on peut l’imaginer, le poids du havresac ajouté à celui de l’armement et des vivres était un poids non négligeable pour un fantassin qui se déplaçait uniquement à pied vers les théâtres d’opération.
La tente de campagne
En 1778, sous Louis XVI roi de France depuis 2 ans, on dota de tentes les compagnies de soldats. Une tente pour 8 accompagnée de 2 grandes couvertures. Ces tentes étaient transportées par des chevaux.
Par contre, chaque soldat à cette époque, transporte un sac de couchage roulé au-dessus du havresac.
Ustensiles de cuisine
Si les ustensiles individuels sont empruntés chez l’habitant, des chevaux transportent des marmites et des gamelles qui accompagnent les soldats dans leurs campements.
En 1778, un petit bidon est distribué à chaque homme. Un grand bidon est donné par tente ainsi qu’un bidon de vinaigre ?
Les outils portatifs
Ils sont répartis par tente soit
- 1 pioche
- 1 serpe
- 1 hache
- 1 pelle
Le soldat, qui abandonnait au valet d’armée le soin de porter son bagage, regardait comme indigne de lui de remuer la terre ; il craignait, comme déjà au temps de Montluc, d’être traité de pionnier ou de gastadour, termes qu’il considérait comme injurieux !
Ustensiles de toilette et malpropreté du soldat
On s’étonnera peut-être, en se reportant à la nomenclature ci-dessus, de la minutie avec laquelle le havresac était garni en ustensiles de toilette :
Peigne, poudre, pommade, ruban… Mais il faut prendre en compte qu’à partir de 1740, la parade devient la grande, parfois la seule, occupation ou préoccupation du chef comme du soldat.
On passe du temps à blanchir ses habits, son linge ; à astiquer ses armes… ses boucles dont l’uniforme en possède un total de 27 !
La coiffure elle-même donnait lieu à des soins d’une minutie extrême. Et nous voyons une ordonnance royale de 1767 prescrire gravement, pour la confection des boucles de cheveux appelés cadenettes, d’en rouler les faces sur une lame de carton !
Mais que de malpropreté sous des dehors brillants !
Les bas, les souliers pourrissent ensemble. Ce soldat si bien frisé, poudré de blanc est souvent chargé de crasse, de vermine et… de misère !
En campagne, les cheveux deviennent un ornement très sale pour le soldat, la saison pluvieuse arrivée, la tête ne sèche plus.
– Maréchal de Saxe, Les lois de la tactique.
Le comte de Saint-Germain, ministre de la guerre, n’osa pas, en 1776, supprimer complètement l’usage de la poudre. Il ne put que le réserver pour les dimanches, les fêtes, les jours de grande parade et cette réforme parut déjà d’une singulière audace.
Poids total du chargement du fantassin
D’après des calculs faits au 19ème siècle par le général d’Empire Pajol son bagage total avait un poids total de 29,310 kg répartis ainsi :
- Havresac garni d’effet : 7,000 kg
- Fusil, baïonnette et bretelle : 6,500 kg
- Sabre-briquet, fourreau et porte-sabre : 1,700 kg
- Tente-abri, support, couverture et bidon : 2,250 kg
- 60 cartouches en 10 paquets : 2,300 kg
- Rations de campagne : 9,500 kg
Mais ce total de 29,250 kg semble un maximum théorique, tente et couverture étant portés par les chevaux de la compagnie et les rations de campagne n’étaient que rarement distribuées au complet.
Les armées de la Révolution
L’armement
On conserve l’armement de l’ancien régime qui avait fait ses preuves et le renouveler en ces temps troublés n’était pas d’actualité.
On modifie néanmoins la façon de le porter. Le ceinturon disparait ; le baudrier, qui soutenait le sabre, supporte alors le fourreau de la baïonnette à côté du fourreau du sabre-briquet.
Avec l’expérience, on s’est rendu compte de l’inutilité du sabre vu la présence de la baïonnette. Sa présence permet son utilisation comme outil lors des travaux au bivouac ce qui justifie le fait de le conserver.
L’équipement
Là aussi la continuité prévaut. On conserve giberne, buffleteries blanches en croix.
Le baudrier, redessiné, qui place le sabre sur l’arrière (à la verrouil) libère les jambes du fantassin ce qui facilite la marche mais devient gênant pour son voisin de rang !
Le havresac : Il est conservé tel-quel : mi-souple, mi-rigide, sans cadre en bois, recouvert de peau. Seul le contenu évolue quelque peu, il varie beaucoup en fonction de la capacité à s’approvisionner.
On y trouve chemise, linge de rechange les nippes et parfois une paire de souliers de rechange.
Les nippes prennent le nom de butin. Le butin finira par désigner le havresac lui-même.
« Nous recevons l’ordre de partir sans butin » lisons-nous dans le journal du canonnier Bricart, ce qui prouve que les sacs pouvaient être transportés en voiture.
Les cartouches : Chaque soldat devait posséder sur lui 50 cartouches. Mais les premières campagnes de la Révolution vont voir toutes ces normes mises à mal.
Les troupes se trouvent en rupture de tout, cartouches, vivres, pain et même eau-de-vie !
Les habitants en Allemagne, Italie et même Egypte en feront l’amère expérience.
La traversée du désert devint un véritable supplice faute d’eau en quantité suffisante.
Le bidon d’1 litre se révélant bien insuffisant.
Le 2ème jour de marche, rencontrant un village, ils s’aperçurent que les villageois avaient caché leurs réserves d’eau qu’ils consentirent à vendre non contre de l’argent mais contre les boutons dorés de leurs uniformes…
Le logement : Rapidement, tentes et couvertures viennent à manquer tout comme les outils portatifs. Là-aussi, se servir chez l’habitant devient la seule solution Se confectionner des abris de fortune est la règle.
En résumé, la période révolutionnaire est pour le soldat Français une période rude inhumaine sous certains aspects mais les armées ennemies eurent une révélation qui les surprit :
Si pauvrement pourvu, nourri, équipé qu’il soit, le fantassin de la Révolution, par son ardeur, par son endurance, son stoïcisme dans les privations de toutes sortes demeure un « type » fort intéressant d’héroïque débraillé, de va-nu-pieds superbe !
Le fantassin de l’Empire
Il est impossible ici de décrire sommairement le fantassin de l’Empire tant ces 15 ans qui ont été une guerre perpétuelle ont vu le soldat napoléonien devoir s’adapter en permanence entre les conditions de froids extrêmes de Pologne et de Russie et les fournaises rencontrées en Europe du sud !
On peut malgré tout relever que l’armement reste le fusil de 1777 (le fusil Charleville) et que le sabre-briquet équipait encore certaines compagnies d’élite.
Une armée de marcheurs
Les fantassins parcouraient de longues distances, en général une quarantaine de kilomètres par jour, mais parfois aussi soixante à soixante-dix kilomètres, chargés comme des mulets d’un lourd fusil et de tout un fourniment (havresac, couverture, giberne, cartouches, provisions de bouche, chemises et souliers de rechange…).
La marche était si pénible que les os des pieds des plus fragiles se brisaient. Pour aller plus vite, sans fatiguer les fantassins, on organisait parfois des transports en chars à banc en réquisitionnant les paysans, mais c’était rarement possible hors de France : dans les pays belligérants, les campagnards s’enfuyaient avec leurs bêtes dans les forêts à l’approche des troupes ; les maisons abandonnées, livrées à une soldatesque effrénée, étaient alors pillées et saccagées. Les conditions matérielles étaient parfois si épouvantables que les soldats murmuraient, d’où le surnom de grognards qui leur fut attribué pendant la campagne de Pologne en 1807.
Pour être plus mobile, l’armée impériale ne disposait pas de tentes. Au bivouac, on couchait sur le sol, à la belle étoile, ou sur de la paille quand on en trouvait dans quelque grange. Si besoin était, on se protégeait en confectionnant une hutte sommaire avec des branchages. Quand le séjour se prolongeait, l’ingéniosité du soldat français se donnait libre cours et des baraquements de fortune s’élevaient, alignés au cordeau comme les maisons d’un village. Les Anglais admirèrent ces constructions, en 1814, dans les Pyrénées, pendant les combats aux frontières. Dans les villes, on distribuait des billets de logement ; l’habitant désigné était tenu de fournir le gîte et le couvert; les bons Allemands étaient les plus appréciés de ces convives imposés (j’ai bien dit, les Allemands et non pas les Prussiens). L’ordinaire de la troupe était amélioré par les cantinières et autres vivandières dispensatrices d’eau-de-vie ; cette présence féminine réconfortait les guerriers à défaut de les reposer.
Les outils portatifs
« Il y a cinq choses qu’il ne faut jamais séparer du soldat, dit Napoléon : son fusil, ses cartouches, son sac, ses vivres et son outil de pionnier. »
Il est vrai que plus-tard, dans une lettre adressée au général Clarke, ministre de la guerre, l’Empereur écrit : « Il faut renoncer à donner des outils à l’infanterie ; ils sont trop lourds et gênent dans la marche ; ils finiraient par les jeter, ce serait une grande perte pour le génie ! »
En 1802, à la création des camps, il est distribué par compagnie :
- 4 pioches
- 4 pelles
- 4 haches
De très bonnes qualités, bien aiguisées et non des haches de parade, disent les instructions.
On désigne alors, dans chaque compagnie, les hommes qui devront porter ces outils, ce qui n’est pas « sans faire grogner ».
Dans les camps, le soldat admet bien, en effet, l’usage des outils ; mais quand il s’agit de partir en campagne, « ce n’est pas sans vif sentiment de peine qu’il voit ce surcroît d’embarras ».
Au moment où la guerre avec l’Autriche devient inévitable, Napoléon prescrit de distribuer « A la moitié des compagnies d’élite des haches avec le manche et, à l’autre moitié des pics-hoyaux » outils que les hommes porteront à la bandoulière, et de donner dans chaque compagnie d’artillerie à pied :
- Des haches à la première escouade (15 hommes environ)
- Des pics à la deuxième
- Des pelles à la troisième
- Des bêches à la quatrième
En dépit de cet ordre, la pénurie des outils, qui manquent même dans les parcs, est telle que les compagnies d’infanterie en restent dépourvues.
De même, en 1810, l’Empereur veut faire fabriquer des haches, pour en donner à chaque caporal d »escouade en remplacement du sabre-briquet et du pic à hoyau, mais ce projet aura bien du mal à être mis à exécution…
Les armées de la Restauration
L’origine du havresac à cadre rigide… et ses controverses !
En 1812, par un de ces hasards de l’histoire, la vie du fantassin Français et même Européen va s’en trouver chamboulé !
De par l’astuce d’un simple soldat, la grande, déplorable pour certains, transformation de l’époque, fut celle du sac souple en sac rigide, à cadre inflexible !
La naissance du sac rigide se retrouve dans une anecdote fort curieuse :
La naissance du roi de Rome avait comblé les vœux de Napoléon. Le 30 mars 1811, il ordonna la formation d’un régiment qui porterait le nom de Pupilles de la Garde. Le roi de Rome en serait le colonel.
En 1812, lors d’une revue, une jeune recrue, un petit débrouillard, nommé Chaudelet, un jour de revue a l’idée de fixer 2 planchettes de bois à l’intérieur de son havresac qui, réglementairement, est souple à l’époque.
Il lui donne ainsi une forme qui, en le maintenant tendu, lui permet d’adhérer aux épaules.
Ainsi équipé, Chaudelet, prend sa place dans le rang avec l’air ravi du premier de la classe tout en gardant une petite pointe d’inquiétude.
Le capitaine, inspecte la compagnie avant l’arrivée du colonel, aperçoit ce sac de forme bizarre sur ce jeunot.
Aussitôt, la sanction tombe ! Soldat ! Aux arrêts !
Arrive alors le colonel qui contemple longuement l’aspect de ce sac sur le dos du jouvenceau. Un brin admiratif, il s’adresse alors à Chaudelet qui craint le pire !
Il lui dit alors :
» – Vous viendrez me trouver après la revue avec votre sac.
– Mais, mon colonel, le capitaine vient de me mettre aux arrêts !
– Je lève la punition ! »
Tout heureux, le jeune soldat se rendit chez le colonel avec son fameux sac.
Le haut-gradé, examine l’objet avec attention, et, alors que le jeunot se demande ce qui va lui arriver, il voit son supérieur sourire tant il semble enchanté par le nouvel aspect du sac.
Il l’emporte avec lui et le confie au bureau d’études de l’armée qui en transforme 500 en de superbes sacs rigides.
Peu de temps après, le Département de la Guerre en adopte définitivement le modèle.
Petit-à-petit, le sac-à-dos rigide qui va s’imposer dans toutes les armées du globe !
Considérations sur cette origine
Extraits d’une controverse parue en 1907 dans les Revues d’Infanterie
Les réflexions que suggère cette origine ont été les suivantes :
- Le sac rigide a été imaginé par un pupille et non par un vieux soldat ayant fait campagne, ayant porté le chargement.
- Il a été créé pour une revue, c’est-à-dire pour se porter vide ou tout du moins allégé.
- Ce qui a séduit le colonel fut sa forme régulière et les côtés bien alignés de cette enveloppe.
- Ce havresac est un sac de parade ! Ce n’est nullement l’expérience d’un sac de campagne qui a servi à adopter cette forme, mais le souci d’obtenir un aspect régulier au dos du soldat.
Il est certain que l’aspect du sac rigide de la Restauration, avec la capote roulée en cylindre parfait, à l’exacte largeur de la planchette supérieure, donne au soldat un aspect ficelé qui satisfait le regard d’un chef amoureux de la parade, des alignements rigides jusque par les épaules de l’homme et de l’uniformité parfaite.
Mais ce sac au point de vue chargement de campagne, est un contre-sens ; nous n’aurons pas de peine à le démontrer bun peu plus loin.
Inventé en 1812, le nouveau havresac fut à peine essayé en campagne, sous l’Empire, sauf en 1843, où ceux des soldats qui l’utilisèrent s’en plaignirent vivement, regrettant le vieux sac lombaire souple. A Waterloo, les sacs de fantassins sont toujours du vieux modèle…
La Restauration, pendant de longues années de paix, qui suivirent l’écroulement du premier Empire, adopta le fameux sac rigide de peaux garnies de leurs poils et lui donna de grandes dimensions en hauteur et en largeur.
Équipement du Fantassin en 1832
L’équipement du fantassin de la Restauration se décompose ainsi :
Le havresac rigide, à cadre de bois, surmonté de la capote roulée en cylindre, à l’exacte largeur du sac, entouré d’un étui en toile, rayé bleu-blanc.
Le fantassin de cette époque ne porte plus le sabre-briquet ; mais nous le verrons reparaître un peu plus tard.
Il ne porte plus de ceinturon que sous le Premier Empire, une banderole de buffle blanc, passant de gauche à droite, supporte la giberne, toujours de grandes dimensions.
La giberne se fixe par une pattelette (petite patte se rabattant sur une poche de vêtement) de cuir au bouton de derrière de l’habit.
A hauteur de la hanche droite, le porte-fourreau de la baïonnette est cousu à la banderole porte-giberne.
*
En 1837, le sabre-briquet reparaît. La tenue de l’infanterie légère nous montre la réapparition des fameuses buffleteries en croix ; comme nous l’avions dit, elles durèrent un siècle.
A cette époque, le fourreau de la baïonnette est porté à droite et rejeté en arrière par la forme oblique du porte-épée ;
La baïonnette fait donc pendant au sabre porté à gauche par le baudrier et dont la lame est devenue droite avec la poignée de cuivre fileté.
L’équipement des carabiniers en 1840
En 1840, la tenue des carabiniers d’infanterie légère présente des particularités d’équipement assez curieuses !
Le soldat porte, suspendue au cou par une lanière mince, une large poche à cartouches en drap gros bleu.
Il est muni du ceinturon qui fait enfin sa réapparition après une longue éclipse, puisqu’il n’existait plus sous l’Empire. Ce ceinturon supporte verticalement, au flanc gauche… le sabre droit !
La transformation de la giberne.
La suppression de la giberne est une des transformations résultant des campagnes d’Afrique. Cette giberne, volumineuse, et munie d’un patron en bois formant carcasse dure, avait sa raison d’être avec les cartouches en papier; elle avait l’inconvénient d’être embarrassante.
Voici comment elle se transforma en une cartouchière souple :
Des soldats d’Afrique, manquant de bois, s’avisèrent d’arracher celui de leur giberne conservé bien au sec par son enveloppe de cuir et en firent un autodafé.
Les généraux qui s’approchèrent de la flamme joyeuse ne se doutèrent pas, dit le général Thomas, auquel nous empruntons l’anecdote, de quel bois ils se chauffaient !
La cartouchière, devenue souple, fut dédoublée et ses deux parties furent placées symétriquement sur le ceinturon, de chaque côté de la plaque.
Le sac de campement
L’expérience des campagnes d’Afrique ne fit malheureusement pas modifier le sac rigide ; mais elles amenèrent des changements dans le chargement du soldat qu’il est intéressant de relater.
Chaque soldat était muni d’un sac, dit « sac de campement » dont les usages étaient multiples, mais qui, au bivouac, servait de sac de couchage. Il est curieux de rappeler que le vieux havresac de 1751 était aussi employé au couchage; on évitait ainsi de faire porter au soldat une enveloppe constituant un poids mort.
Lors de la première expédition de Constantine, les soldats eurent à supporter de terribles nuits de bivouac, dans la pluie, la boue et la neige poussée en tourmente par un vent glacial.
De telles misères amenèrent le soldat français à exercer ingénieusement son imagination et son initiative.
La tente-abri. Quelques hommes curent l’idée de découdre le sac de campement, et tendirent la pièce de toile ainsi obtenue du côté du vent pour se garantir de la pluie, à l’aide de piquets improvisés et de ficelles. Puis, ils imaginèrent de réunir au moyen de boutons plusieurs de ces rectangles de toile, de manière à en former une petite tente. Pendant la campagne de 1840, des généraux furent frappés de cette modeste invention. Le maréchal Yalée et le duc d’Orléans, qui commandait alors une division, examinèrent les divers modèles de tentes improvisées et adoptèrent le meilleur, celui des chasseurs à pied.
Ainsi devint réglementaire le sac-tente-abri en même temps que les petits piquets et les grands piquets brisés. Cette invention ingénieuse et simple, dit le général Thomas, sauva la vie à des milliers d’hommes.
La couverture de campement : La couverture de campement, portée sur le sac, fut adoptée dans des circonstances à peu près analogues. Chaque soldat était d’abord muni d’une couverture extrêmement lourde : quelques hommes s’avisèrent de la partager exactement en deux; ils furent punis, mais on reconnut que l’idée avait du bon. On l’adopta, et la demi-couverture roulée sur le sac devint réglementaire au même titre que la tente-abri.
Le soldat d’Afrique porte un poids écrasant !
Avec ses effets de rechange, sa demi-couverture, ses quatre jours de vivres et ses 60 cartouches (les quatre jours de vivres sont souvent portés à six ou huit jours) plus un fagot de bois, le soldat d’Afrique était passé à l’état de bête de somme ; aussi, dans les combats d’Algérie, qui n’étaient pas pourtant de longue durée, fut-t-on obligé souvent de poser les sacs à terre : de là vient la tradition des zouaves de marcher à l’assaut sans havresac.
Voici ce qu’écrivait, en 1836, le maréchal Bugeaud, au sujet du chargement des troupes d’Afrique :
Nos jeunes soldats ont montré de la bonne volonté pour le combat ; mais ont, par ailleurs, très mal supporté les fatigues; des fusils, des sacs, des bidons, des marmites ont été jetés en grand nombre: il y a véritablement de la barbarie, je dirais presque un crime de lèse-nation, à les charger ainsi de huit jours* de vivres, 60 cartouches, chemises, souliers, marmites, etc. Beaucoup succombent sous un tel poids, et les plus forts ont besoin d’être conduits avec une lenteur telle qu’il est devenu impossible de tenter ces mouvements rapides qui seuls peuvent donner des succès.
* pratique que les Romains utilisaient comme nous l’avons vu plus haut.
Le Second Empire
Les guerres de Crimée et d’Italie
Le chargement est beaucoup trop lourd
Le chargement pendant la campagne de Crimée (1854) est resté celui d’Afrique, infiniment trop lourd, et le maréchal de Saint-Arnaud appréciait cet excès avec la même sévérité que le maréchal Bugeaud avait jugé le chargement d’Afrique :
« On a, en France, dit-il, la manie cruelle, inhumaine, absurde, brutale, intolérable au plus haut point, de charger les fantassins plus que des mulets! »
Il est difficile de réunir une collection de qualificatifs plus sévères, malheureusement trop justifiés.
Aussi, à la bataille de l’Alma (1854 en Crimée), qui se termina à 4 heures du soir par la retraite des Russes, ceux-ci ne furent pas poursuivis :
- D’une part, les Anglais (alliés des Français) avaient faim et ces soldats n’ont jamais pu se battre à jeun.
- D’autre part, les Français, comme jadis les Russes eux-mêmes à Austerlitz, avaient posé leurs sacs au pied des hauteurs, et il fallait retourner les chercher.
Le fantassin français en Italie (dès 1859) est écrasé par son sac
En Italie, le malheureux fantassin de l’armée française n’était pas, pour marcher et combattre, dans des conditions plus favorables. Du Tessin jusqu’à la Chiese (2 affluents du Pô), l’infanterie ne fit pas plus de 10 à 12 kilomètres par jour. Cette extrême lenteur était due en partie aux fatigues occasionnées par une chaleur écrasante ; mais, d’après le général de Moltke, à deux autres causes :
- D’une part, la difficulté des subsistances d’une grande armée,
- De l’autre, la charge énorme imposée au fantassin.
Par contre, le soldat autrichien est allégé :
Dans l’armée autrichienne, lors des marches qui précédèrent la bataille de Solferino (24 juin 1859), l’empereur François-Joseph donna l’ordre de placer les havresacs sur des voitures marchant à la suite des colonnes; ces sacs furent ensuite déposés dans la forteresse de Peschiera (à 10 km au nord-est de Solférino). Les soldats s’en passèrent très aisément ; mais ils portaient sur eux, en échange, un sac de toile en sautoir, renfermant, avec les effets les plus indispensables, les vivres et les cartouches.
L’armée française en 1870
L’armée française en 1870 et années suivantes
Jusqu’à 1870, le havresac de l’infanterie française était une enveloppe en peau recouverte de ses poils, Ce qui la rendait imperméable.
Au cours de la guerre franco-allemande, à défaut de peaux utilisables, nombre de sacs furent confectionnés avec de la toile enduite de résine. Le modèle s’est conservé jusqu’aux années 1900, sauf des modifications qui ont été bien loin d’améliorer les détestables conditions du chargement du fantassin.
Le havresac, dont les dimensions furent d’abord les suivantes : hauteur, 0m32 ; largeur 0m30 ; épaisseur de 0m12, a été raccourci en 1893, et sa hauteur réduite à 0m27 par la suppression de la boîte à cartouches intérieure.
Conclusions (Lieutenant Carré)
Faites sans même imaginer un conflit comparable à celui que sera de la Grande-Guerre
Quelles conclusions tirerons-nous du long exposé qui précède, plus particulièrement consacré au mode de chargement du fantassin depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’époque actuelle ?
Tout d’abord, nous remarquerons que si on a beaucoup décrié les anciennes buffleteries blanches en croix qui, outre qu’elles étaient trop voyantes, comprimaient la poitrine du soldat, nous y sommes revenus en partie avec la courroie de bidon et la banderole de musette qui supportent des poids presque toujours inégaux. Il est à retenir que le havresac rigide, serré aux épaules, a été inventé par un jeune soldat, au cours d’une revue !
La conclusion qui s’impose, c’est qu’il aurait dû rester un sac de parade, destiné à être porté presque vide et ne jamais devenir un sac de campagne.
En raison des nécessités inéluctables qu’impose la guerre moderne, le chargement du fantassin français, tel qu’il est pratiqué de nos jours, apparaît comme suranné, archaïque et routinier. Il ne répond nullement aux exigences de la guerre. Il est illogique et très incommode, quoique fort lourd et encombrant; enfin, ce qui semble d’une extrême gravité, il est devenu néfaste, tant le fantassin qui en est affligé se présente dans des conditions défavorables pour affronter les conditions très dures du combat moderne.
Écrasé par le poids, l’homme ne peut que très imparfaitement supporter les fatigues pénibles des marches qui précèdent son action sur le champ de bataille, et se livrer à la gymnastique variée et très dure que celle-ci exige: garrotté par le système d’attache du havresac surélevé, le soldat ne peut ni tirer vite, ni tirer longtemps, et surtout dans la position couchée qui est devenue normale; il vise mal; il est incapable d’exécuter des bonds en avant aux allures vives.
L’utilité d’un approvisionnement considérable en cartouches est péremptoirement démontrée par les récentes guerres ; le transport de ces munitions est une impossibilité dans l’état actuel du mode de chargement réglementaire. Plus que jamais, l’utilisation du terrain par l’infanterie est devenue un élément indispensable à son mouvement en avant.
Or, seule une infanterie allégée judicieusement se montrera susceptible de faire face dans de bonnes conditions aux nécessités de toute nature qui peuvent se présenter : effectuer de longs parcours dans n’importe quelle situation, sans déchets anormaux d’effectifs; être assez alerte, assez vive, assez mobile pour se glisser, ramper, se terrer, s’aplatir et s’avancer quand même, raser le sol et conserver intactes ses forces physiques et, partant, les forces morales nécessaires à la bonne exécution du feu et de l’assaut final qui provoque la déroute de l’adversaire.
« Le fantassin doit épouser la terre, s’il ne veut pas la mordre ! »
N’oublions pas que le soldat japonais, lors des grandes batailles de Mandchourie, portait un paquetage de combat allégé, avec approvisionnement abondant de munitions et de vivres.
Nous croyons que si l’infanterie japonaise, merveilleusement souple et manœuvrière, nous a donné d’admirables leçons d’utilisation du terrain; que si elle a réussi à emporter d’assaut des fronts formidables, elle n’aurait pas réalisé ces exploits si elle eût été lourdement chargée.
Nous savons que la question vitale du chargement du fantassin est l’objet de très sérieuses études dans toutes les armées européennes.
La France n’est pas restée en arrière, et il est certain que, dans un avenir prochain, une heureuse solution dotera notre infanterie d’effets d’habillement et d’équipement qui constitueront la tenue de guerre par excellence, celle qui, répondant réellement aux besoins du combat moderne et non aux vaines et décevantes exigences de la parade du temps de paix, nous permettra d’exploiter jusqu’à leur extrême limite, pour la défense de la Patrie, les remarquables qualités physiques et morales de notre incomparable fantassin.
– Lieutenant CARRÉ, du 131ème Régiment d’Infanterie (1908)
Évolution des modèles de Havresac de l’Armée française avant et après 1870
Pattelette : subst. fém ; Rabat qui ferme un havresac et en recouvre la face extérieure.
Le havresac modèle 1893
(Il sera modifié en 1914 peu après l’entrée en guerre par décision du 9 septembre 1914)
De par la forme du cadre intérieur en bois servant à rigidifier le havresac, il était appelé familièrement « as de carreau », il était doublé en toile de lin écrue.
Il était particulièrement éprouvant pour le soldat. Le havresac pouvait transporter 25 kilogrammes de vivres et d’ustensiles à cause de sa forme ou encore « Azor » car comme un chien fidèle, il suivait partout son maître.
On remarque la grande pattelette recouvrant le dessus du sac dans toute sa largeur et descendant jusqu’au bord inférieur du devant.
Et aussi les deux petites pattelettes latérales, au-dessous de la grande pattellette, fermant la poche centrale du havresac, à l’aide de deux contre sanglons à boucles métalliques à un ardillon.
Considérations sur cet équipement
Le havresac modèle 1893 de l’entrée en guerre :
Un peu d’histoire
Le modèle 1893 est l’avant dernier enfant d’une grande famille et va remplacer ses prédécesseurs dans tous les corps de troupe.
A l’époque où il entre en service, il est déjà largement surclassé par divers modèles étrangers plus souples et plus pratiques d’emploi.
Entre 1900 et 1914, ses défauts apparaissent enfin nettement aux commissions chargées de transformer l’armée française.
A la veille de la grande guerre, c’est un autre modèle, pratiquement identique au « webbing equipment » britannique, qui est retenu pour équiper les troupes.
Hélas, il est trop tard !
Et c’est avec « l’as de carreau » que nos soldat vont entrer en campagne, en août 14.
Au cours de la Grande-Guerre, une telle sophistication (avec toutes ces sangles) s’avère vite inutile. Le bon sens nécessite de laisser place à une simplification de meilleur alloi !
La plupart des fermetures intérieures disparaissent; plus de fente pour le livret individuel, un seul sanglon horizontal de rabat au lieu de deux, plus aucun lacet, et plus de sanglon vertical.
La découpe des deux rabats intérieurs est simplifiée et ils ne forment plus qu’une seule pièce.
La toile employée dans la confection des sacs change également.
On trouve alors de tout (vu l’urgence et la pénurie de certains éléments : toile vert-clair, toile cirée bleu-horizon…
Les coutures ne sont plus toujours bordées de cuir.
Certaines coutures sont parfois remplacées par des rivets.
Enfin l’année 1915 voit le changement de côté des cuirs et l’abandon du « noircissage », au profit de la couleur « fauve », c’est-à-dire le cuir au naturel, côté lisse à l’extérieur.
La conclusion de l’Etat-Major fut la suivante :
Au moyen de toutes ces modifications, l’équipement répond bien aux exigences statiques, physiologiques et militaires, d’un équipement rationnel !
Nous présenterons, en son temps, ces modifications lorsque nous évoquerons les modifications d’équipements et d’armements survenues après le début des hostilités !