Au cours du premier semestre de l’année 1915, l’infanterie française ne cesse d’attaquer. Les offensives ne permettent pas d’obtenir la percée tant espérée. Elles provoquent malheureusement des pertes considérables pour des gains territoriaux dérisoires.
La Première bataille de Champagne et la Première bataille d’Artois ont provoqué la mort de plus de 200 000 soldats français et fait 500 000 blessés, souvent graves.
Depuis le 19 mai, le 33ème Régiment d’Infanterie participe aux campagnes de printemps dans le secteur de la Ville-aux-Bois. Début septembre, sa mission dans le secteur est terminée.
Ces combats qui en définitive n’avaient pas eu d’effets importants dans cette partie du front avait tout de même occasionné des pertes estimées pour le 33ème à :
- 5 officiers
- 214 hommes
*
Après l’échec de l’offensive d’Artois en juin 1915, le pouvoir politique s’interroge sérieusement sur la capacité du haut commandement à trouver une issue militaire à la guerre. Cependant, cette défiance du pouvoir pousse le haut commandement à envisager de nouveau la rupture avec des moyens accrus. Malgré les échecs du printemps, le haut commandement ne remet pas en cause sa doctrine, mais préconise d’en améliorer l’exécution, d’allonger les fronts d’attaque, de renforcer la préparation d’artillerie, d’améliorer les liaisons, de constituer des réserves à proximité du front d’attaque, et de croire… à la théorie de l’offensive toute !
Les opérations auront lieu dans les 2 mêmes secteurs qu’au printemps. Soit l’Artois et la Champagne. Secteurs peu vallonnés et, à priori, plus propices à développer des attaques d’envergure.
Le 33ème sera concerné par la campagne de Champagne, qui prendra le nom de :
La 2ème Campagne de Champagne
*
Les opérations
(Carte 29)
Noël Édouard Marie Joseph, vicomte de Curières de Castelnau, Général commandant la 2ème Armée en 1914, était tenu en haute estime par le Président Poincaré depuis fin 1914. Il commandait lors de la bataille du Grand-Couronné (31 août-11 septembre 1914). L’issue étant favorable, cela lui avait valu le surnom de « Sauveur de Nancy ». Édouard de Castelnau fut promu, le 18 septembre, grand officier de la Légion d’honneur.
En juin 1915, Le Général Castelnau fut placé à la tête du Groupe d’armées du Centre et dirigera l’offensive de Champagne de septembre 1915.
L’offensive est prévue dans un premier temps pour le 8 septembre. Mais, à la demande du général de Castelnau qui estime avoir besoin de plus de temps, elle est reportée au 15 puis au 25 septembre.
Le 22 septembre, une longue série de 4 belles journées favorise les tirs de réglage puis la préparation d’artillerie. Canonnade sans précédent par 1150 pièces de 75 et 850 pièces lourdes de tout calibre.
Cette première journée paraît donner d’excellents résultats, mais entraîne une consommation d’obus de 75 dépassant toutes les prévisions.
Le bombardement à grande distance des bivouacs et cantonnements, des points de passage importants et des bifurcations de voies ferrées est effectué à partir du 24. La ligne de Bazancourt à Challerange, ligne stratégique à l’est de Reims, semble rendue inutilisable pour l’ennemi, dont l’artillerie ne réagit que peu.
La phase préparatoire des bombardements peut laisser place à l’attaque d’infanterie programmée.
Il fait beau ce 23 septembre ! De son poste de commandement établi à Châlons le 23 septembre le général de Castelnau décide que l’heure de l’attaque sera déterminée d’après les résultats obtenus le 24 au soir par les tirs d’artillerie.
Il décide que l’assaut sera donné le lendemain, le 25 septembre à 9h15 et non à 10 heures.
Les raisons invoquées sont à la fois diminuer la fatigue des troupes et d’éviter les pertes auxquelles elles seraient exposées par un long séjour dans les places d’armes et les boyaux.
L’assaut se produira donc sur toute la ligne le 25 à 9h15 coûte que coûte.
Et pourtant, cette décision relève plus d’une obligation, d’une fatalitéque d’un acte réfléchi. Il y avait eu tant d’obus envoyés sur l’ennemi en 3 jours, que l’on aurait eu l’impression d’avoir effectué ces bombardements pour rien !
Et si l’on différait l’attaque, l’effet de surprise ne jouerait plus et il faudrait encore utiliser énormément de munitions (que l’on n’avait plus) !
Qu’importe ! Castelnau, le capucin botté ou le général de la Jésuiterie comme l’appelait Clémenceau, pensait que Dieu allait être de son côté !
Et pourtant, dès le 23 septembre au soir le service météorologique signalait déjà que le temps semblait devoir changer !
De fait, dans la nuit du 24 au 25, il pleut abondamment. Néanmoins l’attaque n’est pas décommandée et s’engage à l’heure prescrite.
Pendant les premières heures de la matinée, l’artillerie ennemie se montre peu active et nos soldats se portent à leurs emplacements de combat sans subir de fortes pertes.
Le temps a paru un moment se remettre, mais bientôt la pluie recommence à tomber. Dix-huit divisions d’infanterie (une division en 1914 c’est autour de 15 000 hommes dont environ 10 000 combattants) donnent l’assaut, sur un front de 1500 à 2.000 mètres environ par division. Huit divisions sont en deuxième ligne.
L’attaque de déploie sur plus de 25 km. d’Auberive à Ville sur Tourbe, le Groupe d’Armées du Centre (Général de Castelnau) comprenait à l’Ouest la 4ème Armée (Général de langle de Cary) et à l’Est la 2ème Armée (Général Pétain).
De façon générale, les attaques parviennent aux trouées escomptées. Toutefois, aucune d’entre-elle ne provoque d’avancée significative.
Et cette pluie qui continue, pour ne plus s’arrêter qu’à de rares intervalles jusqu’au 29 septembre, si bien qu’il sera presque impossible d’utiliser les avions et les ballons pour les réglages.
Et le Général Castelnau de publier ce message !
« Malgré les conditions atmosphériques défavorables, nos soldats attaquent sur tout le front avec une bravoure et un élan qu’attesteront leurs pertes, les nombreux trophées enlevés à un tenace adversaire et le terrain conquis…
Nous avons conquis la première position allemande sur 22 kms et étions au contact de la seconde position sur 12 kms en ayant avancé au plus de 4 kms, on fit 25 000 prisonniers, on prit 125 canons. »
Les quelques succès tactiques remportés n’empêchent pas l’échec stratégique de ces actions de grande envergure. Il est impossible de rompre le front allemand.
La deuxième bataille de Champagne qui débuta, sous la pluie, le 25 septembre 1915 à 9h15, s’acheva le 7 octobre, après 13 jours de combats. Elle vit les pertes françaises s’élever à 138.576 tués, blessés et disparus… (10 000 par jour)
La consommation en obus de tout calibre s’éleva à plus de 3 millions de coups tirés.
Le gain de terrain était en fait insignifiant, bien en-deçà du communiqué officiel !
Les Causes de La limitation du succès (selon le communiqué officiel)*
Ou les raisons de l’échec de l’offensive de Champagne :
Le rapport :
Les offensives combinées de septembre-octobre 1915 en Champagne et en Artois ont eu toute l’ampleur qu’il était possible de leur donner dans cette période de la guerre.
Les enseignements tirés de la deuxième bataille d’Artois aux mois de mai et juin 1915 nous ont déterminés à choisir en Champagne le terrain de notre action principale. Nous avons reconnu en effet qu’en raison de l’état de notre armement il était très difficile d’enlever des localités bâties. Or le front d’attaque des armées ne comporte que le seul village d’Aubérive, ce qui doit beaucoup faciliter notre avance.
Les prévisions :
D’après les renseignements que nous possédons avant ce 25 septembre, montre que les organisations allemandes dont nous avons à nous rendre maîtres sont néanmoins très fortes et constituent deux positions successives. La première est composée d’un lacis de tranchées formant une série de lignes puissantes mais qui peuvent en général être observées à vues directes.
Certaines parties de cette position, comme la Main-de-Massiges, la butte du Mesnil, les bois à l’est et à l’ouest de Souain, le village d’Aubérive, constituent de véritables forteresses, parfois pourvues, comme à la butte du Mesnil, de communications souterraines longues de plusieurs centaines de mètres. En d’autres points, les tranchées de soutien, établies au milieu des bois et à contre-pente, sont invisibles de nos observatoires terrestres.
Enfin, les nombreuses batteries allemandes en position sur les hauteurs de Servon et de Moronvilliers peuvent battre d’écharpe les deux ailes de nos troupes d’attaque. La deuxième position se trouve à une distance moyenne de 3 à 5 kilomètres au nord de la première ligne, sur le versant sud de la Py et le versant nord de la Dormoise. Elle n’était qu’ébauchée au mois de juillet, mais, dès le commencement de nos travaux d’approche, les Allemands ont activement travaillé à la perfectionner. Le jour de l’attaque, elle ne comprend encore en général qu’une seule ligne de tranchées, discontinue même par endroits, comme dans la région de la ferme Navarin, de l’arbre 193, de la butte de Tahure; mais elle est presque partout tracée à contre-pente et protégée par un réseau de solides fils de fer.
Mais : Au cours de la préparation d’artillerie, elle sera battue par nos pièces longues !
Les réalités :
En fait, en raison du mauvais temps, la préparation d’artillerie, jusqu’au 25 septembre, a manqué de précision et de sûreté.
La date fixée pour l’attaque a néanmoins été maintenue de peur d’en arriver à reculer de plusieurs jours et, par suite, d’atteindre une consommation de munitions que ne permettaient pas les allocations prévues pour l’ensemble des opérations…
Les objectifs initiaux ne purent être atteints et ordre fut donné le 07 octobre de suspendre les opérations.
Y ont participé : En Champagne, sur le front compris entre Prosnes et l’Argonne, 39 divisions d’infanterie, parmi lesquelles 4 n’ont pas été engagées :
Les 2ème 3ème 10ème et 15ème D.I sur les 39 engagées n’ont pas participé à l’offensive.
Le 33ème R.I fait partie de la 2ème D.I. Mis en alerte de mi-septembre à début octobre.
*Les armées françaises dans la Grande guerre. Tome III. Provenance : Bibliothèque nationale de France
Chapitre Viii. – Deuxième Bataille De Champagne. – Première Attaque Générale (25-29 Septembre 1915)
« Nous avons péché par infatuation » Déclarera un peu plus tard le Général Castelnau !
Au total, l’année 1915 sera la plus meurtrière de la guerre pour l’armée française : 349 000 morts et aucune percée
Le rôle du 33ème R.I en septembre 1915
En juin 1915, Rappel :
- Le 33ème R.I, commandé par le Lieutenant- Colonel Boud’hors, fait partie de :
- la 5ème Armée, commandée par le Général Franchet d’Espèrey
- le 1er Corps d’Armée, commandée par le Général Guillaumat(nommé le 25 février)
- la 2ème Division, commandée par le Général Guignabaudet (nommé le 16 juillet)
La 2ème division est formée des :
- 3ème Brigade avec les 33ème et 73ème R.I commandée par le Général Duplessis et
- 4ème Brigade avec les 8ème et 110ème R.I commandée par le Colonel Camille Lévi.
Les Bataillons du 33ème ont à leur tête :
- 1er Bataillon : Commandant Lagrange
- 2ème Bataillon : Commandant de Bruignac
- 3ème Bataillon : Commandant Cordonnier
On se souvient que :
Début août 1915*:
Le 33ème Régiment relève le 8ème R.I et occupe le secteur entre :
- Les premières lignes des secteurs nommés : Bois Franco-Allemand, Mont Doyen, la Carrière et Bois de la Mine
- Et les bivouacs de la Pêcherie et celui du Bois de Pontavert
C’est à cette époque que beaucoup de décorations furent remises à des soldats qui s’étaient particulièrement distingués. La plus prestigieuse, donnée le 25 juillet, fut la remise de la Croix d’Officier de la Légion d’Honneur au chef de Bataillon Lagrange Commandant le 1er Bataillon**.
*Voir article La Ville-aux-Bois 19 mai – 02 septembre 1915 (cartes 1 et 2)
**Décoration qui n’avait pas été signalée dans l’article précédent.
Le 31 août 1915 :
Le Capitaine de Gaulle de la 10ème Cie devient à nouveau adjoint au Lieutenant-Colonel Boud’hors. Le lieutenant Desaint qui avait pris sa place au commandement de la 10ème compagnie se blesse lors d’une chute de cheval.
Et ceci au moment même où le régiment va partir vers une autre destination.
Au moment de quitter le secteur, dans la nuit du 31 août au 01er septembre, le 33ème subit un tir de quelques obus de canon-revolver et de jets de grenades à main. Le 33ème y aura un blessé et un soldat tué (Georges Sounalet) cette nuit-là.
Après 1 mois dans le secteur de La Ville-aux-Bois, fin août, la mission du 33ème va prendre fin dans ce secteur.
Du 1er au 7 septembre, le Régiment va migrer vers un autre secteur et attendre qu’on lui définisse les nouveaux objectifs.
Les déplacements et missions de septembre 1915
Le 01 septembre 1915 :
L’ordre général n°90 du 31 août réorganise le secteur où la 2ème D.I était déployée (Carte 2). La Division va quitter ses emplacements du secteur de la Ville-aux-Bois pour rallier un nouveau secteur (Carte 3).
Pendant quelques jours, le 33ème R.I effectue ses déplacements.
Les 1er et 3ème Bataillons, la compagnie de Mitrailleurs sont relevés par le 411ème R.I et vont momentanément à Pévy.
Le lendemain, le 2 septembre, les 1er et 3ème Bataillon vont à la ferme de Luthernay.
Le 2ème Bataillon est à son tour relevé au Bois de la Mine.
Rapidement, la cie de Mitrailleur, le P.C et le 3ème Bataillon quittent Luthernay pour se poster dans le Ravin au sud-ouest d’Hermonville.
Ces 1er et 2 septembre, il y aura 3 tués et 1 blessé :
- Petit Pierre de la 12ème Cie après avoir quitté la ferme de Luthernay
- Notredame Marceau de la 3ème Cie au Bois de la Mine
- Amblard Victorien de la 5ème Cie au Bois de Pontavert
- Blangy Auguste de la 5ème Cie, blessé au Bois de Pontavert
Le 3 septembre 1915 :
Pour quelques jours, l’organisation est la suivante :
- Le 1er Bataillon est installé à la ferme de Luthernay
- Le 2ème Bataillon est installé au Bivouac de la Cendrière près de Chalons le Vergeur
- Le 3ème Bataillon, la compagnie de mitrailleurs et le P.C dans la zone d’Hermonville
Les 3 Bataillons sont employés à des travaux dans la zone comprise entre le Moulin de Cormicy et la Maison Bleue eu vue de la préparation d’une nouvelle Offensive (Voir carte 4).
Ce séjour va durer jusqu’au 16. Personne n’est dupe, il ne s’agit que d’une période de transition. Tout indique que les opérations vont reprendre !
Il y aura 1 tué, Jean-René Mallebaud à la Maison Bleue près de Cormicy.
Il y aura également 11 blessés durant le séjour du régiment dans ce secteur, les travaux se font toujours sous la menace d’un tir ennemi.
Les travaux sont sans surprise : des aménagements de tranchées et de boyaux des secteurs face aux parties sud et sud-ouest de Berry-au-Bac et la Ferme du Choléra.
Mais le temps est agréable.
Le 9 septembre, le Lieutenant Desaint, Officier adjoint du Lieutenant-Colonel qui commandait la 10ème compagnie est finalement évacué suite à sa chute de cheval de fin août. Ce qui conforte le Capitaine de Gaulle dans ses fonctions d’Officier Adjoint au Chef de Corps. Ce même jour, Charles apprend qu’il est confirmé, à titre définitif, à son grade de capitaine (par choix).
C’est le Lieutenant Vitrant de la 5ème compagnie qui prend le commandement la 10ème compagnie.
Le 16 septembre, suite à une rotation habituelle, le 33ème et le 73ème se remplacent dans leur secteur respectif.
La nouvelle organisation est la suivante :
- Le 1er Bataillon à Janvry
- Le 2ème Bataillon, l’E.M, la CHR et la cie de mitrailleuses à Rosnay
- Le 3ème Bataillon à Germigny (Voir cartes 2 et 3)
Depuis longtemps, ce furent pour les soldats du 33ème, quelques jours de véritable repos et l’occasion de partir en permission pour beaucoup. Mais ceci n’alla guère au-delà du 22 septembre !
Durant ce séjour, le 19 septembre, le capitaine Morreau qui commandait la 6ème Compagnie est évacué pour cause de maladie. Il est remplacé par le Sous-Lieutenant Labrousse de la 5ème compagnie.
Le 20 septembre, le Capitaine Robert qui commandait la 4ème compagnie, en récompense de ses états de service passe au 284ème R.I pour y prendre le commandement d’un Bataillon.
La 4ème compagnie est dès lors commandée par le sous-lieutenant Parsy de cette même compagnie.
Ces journées à l’arrière permettent de procéder à une série de nominations :
A titre définitif, sont nommés ou confirmés dans leur grade :
- Le Capitaine Rohas
- Le Lieutenant Caille
- Le Lieutenant Vitrant (Réserve)
- Le sous-lieutenant Delangre
- Le Sous-lieutenant Martel (Réserve)
Sont nommés temporairement :
- Le Capitaine Péchon (officier d’active)
- Les Capitaines Bocquet et Brucque (officiers réservistes)
Sont nommés sous-lieutenant, les adjudants Vincent et Gaillard.
Le sous-lieutenant Vincent est affecté à la 12ème compagnie et le sous-lieutenant Gaillard à la 7ème.
Le 26 sont affectés au 33ème les sous-lieutenants :
- Leclercq, officier d’active affecté à la 5ème compagnie
- Bachmann, officier d’active affecté à la 8ème compagnie
- Fontaine, officier d’active affecté à la 10ème compagnie
- Fénelon, officier réserviste affecté à la 10ème compagnie
- Ripoton, officier de réserve affecté à la 8ème compagnie
Puis le 30, seront nommés sous-lieutenant à titre temporaire,
Les adjudants suivants :
- Lejeune affecté à la 10ème compagnie
- Pointerault affecté à la 11ème compagnie
- Aubert affecté à la 6ème compagnie
- Delebarre affecté à la 4ème compagnie
Nous entrons dans l’automne ; de fortes pluies qui tombent drues sont là pour annoncer que l’été s’achève. Et cette semaine à l’arrière prit fin !
Le 33ème va encore bouger.
La 2ème D.I au moment de l’attaque
La 2ème D.I, comme on l’a vu, ,est en réserve de ce que l’on nomme la « 2ème Bataille de Champagne » attaque qui se déroulera du 25 septembre au 07 octobre 1915.
En cette fin d’été, les hommes ont la vague impression que les choses vont bouger. Des rumeurs circulent comme quoi l’offensive va reprendre ou à même repris en Artois et en Champagne. Les régiments de la 2ème Division dont le 33ème s’attendent à monter à nouveau en première ligne mais rien ne bouge ! Que se passe-t-il donc ?
La préparation de l’attaque :
Le 24 septembre 1915, le QG et l’E.M de l’artillerie quittent Trigny pour aller cantonner à la ferme et au Château de Chalons le Vergeur. L’action d’artillerie déclanchée à midi commence par des tirs de mortiers sur la cote 108, la cote 91 et la cote 100, points où sont centralisés les postes offensifs de l’ennemi.
La pluie commençait à tomber de manière intense, l’automne commençait.
Les objectifs sont de détruire les réseaux du secteur Sapigneul – Godat. On compte de 700 à 800 coups de l’artillerie longue sur les lignes ennemies en cette seule journée et des centaines de 75.
Le 25 septembre, le Général et l’E.M de la 3ème Brigade se transportent à Bouffignereux. Les mouvements sont effectués sans incidents.
La 3ème Brigade du Général Guignabaudet est depuis plusieurs jours en réserve pour l’attaque en Champagne
Le 26 les tirs continuent, les réactions ennemies sont faibles.
L’artillerie du secteur, celle du 1er Corps d’Armée consommera en tout 14 000 coups de canons en quelques jours en comptant les tirs de mortiers.
Le 26 septembre, l’ensemble des troupes de réserve du secteur est mis en alerte !
Un ordre du haut commandement arrive :
« Toutes les troupes de la 3ème Brigade encore stationnés dans la zone de la 1ère D.I devront être avant le 27 à 12 heures dans la zone de la 122ème D.I. »
Elles s’installent dans les bois à l’Est et au S.E de Guyencourt.
Il est prévu qu’elles utilisent les baraques construites entre Guyencourt et Chalons-le-Vergeur
Mais le 27, un ordre secret informe l’artillerie du Corps d’Armée que l’attaque était ajournée sans en préciser davantage. Des instructions pour ralentir le feu sont également transmises.
Le 28, un nouvel ordre secret avertit la Brigade que l’attaque sera de nouveau ajournée et de procéder à une économie de munitions. Les seuls tirs consistants à entretenir les brèches et destructions déjà effectuées mais sans chercher à en entreprendre de nouvelles.
Le feu se ralentit, les tirs s’espaçant, devenant très lents.
Les gros calibres eurent 12 coups attribués par pièce et par jour.
En fait cet ordre d’attaquer n’arrivera jamais mais nul ne le sait encore !
Pour le 33ème :
Dans la nuit du 22 au 23 septembre, l’officier de garde du 33ème R.I reçoit l’ordre téléphonique provenant de la 2ème D.I qui ordonne de faire mouvement dès le 23 septembre au matin dans une région qu’ils connaissent déjà.
Le 33ème exécute ce mouvement et se retrouve ainsi placé
- L’Etat-Major, la compagnie de Mitrailleuses du régiment et celle de la Brigade, les 1er et 2ème Bataillons vont dans les baraquements entre Bouvancourt la Ferme Vadeville et Vaux-Varennes.
- Le 3ème Bataillon lui va à Hermonville et est mis à disposition du général commandant la 122ème D.I. pour y faire des travaux. (Il y restera jusqu’au 26 et rejoindra le régiment dans les abris de Vaux-Varennes).
A partir du 27, les unités restent dans leurs emplacements … dans l’attente d’ordres nouveaux. Ordres et contre-ordres vont se succéder pendant 3 jours. La plus grande confusion règne.
Le 27 septembre, le 3ème Bataillon retrouve le reste du régiment et cantonne aux abris de Vaux-Varennes et a 2 tués à ces abris : Briez Ghislain et Cacaud Abel de la 12ème compagnie et 7 blessés.
Ce 27 l’Etat-major du régiment reçoit l’information de la suspension du plan d’offensive mais sans plus d’explication.
L’attaque se ralentissant, ordre avait été donné de réduire d’un 1/3 les tirs d’artillerie lourde et de 75. Pour l’infanterie, économiser les munitions est préconisé.
Mais le 28 septembre la 3ème Brigade (33ème et 73ème R.I) est à nouveau mise en alerte en vue d’un possible assaut sur le front de la Vème Armée.
Cette attaque préparée par l’artillerie aurait lieu dans la région de Berry-au-Bac. La pluie qui continue annule l’opération.
En attendant un possible assaut, Il est demandé à la Brigade de multiplier les missions de reconnaissances sur l’ensemble du front.
Le 29, Le mauvais temps qui perdure, reporte l’ensemble des opérations en Champagne. A la Vème armée est reçu l’ordre d’étudier le retrait momentané du front de certaines unités pour leur permettre de se reposer jusqu’à l’entrée en action dans l’assaut général.
Pour le 33ème, la participation à l’attaque ne se fera jamais !
Le 30 sont nommés sous-lieutenants à titre temporaire :
- L’adjudant Lejeune affecté à la 10ème compagnie
- L’adjudant Pointereau à la 11ème compagnie et
- L’aspirant Delebarre à la 4ème
L’action en Champagne étant arrêtée l’action pour la 2ème D.I étant ajournée.
Le 33ème va être redéployé.
Dans la nuit du 2 au 3 octobre, le 33ème relève le 84ème et le 284ème de la 122ème D.I et de la 243ème Brigade.
Le 84ème occupait le secteur Berry au Bac – Moscou (cartes 5 et 6).
- Le 1er Bataillon va au quartier de Berry au Bac, dont 3 cies en 1ère ligne et une en soutien
- Au 2ème Bataillon, 3 compagnies et son commandant vont au Bois de Geais et la dernière reste en retrait avec le PC
- Le 3ème Bataillon stationne dans le secteur Moscou, dont 3 cies en 1ère ligne et une en soutien
Le poste de Commandement, les compagnies de soutien et de mitrailleurs seront au bois de la Marine et le secteur occupé celui cote 108.
Le 33ème est flanqué : du 201ème à sa droite, vers Sapigneul et du 73ème à sa gauche vers Berry.
Du 04 au 16 octobre, le rôle du 33ème reste purement défensif. A la brigade les activités consistent à renforcer les défenses.
Les liaisons avec l’artillerie fonctionnent au mieux par des missions d’observations des lignes allemandes.
L’installation dans le secteur n’est pas de tout repos.
Le 04 octobre, on aperçoit les allemands qui reconstruisent activement les défenses de la cote 108.
L’ennemi bombarde les tranchées de Sapigneul.
Le 05 octobre, La journée est marquée par une activité assez considérable de l’artillerie lourde des minenwerfer (artillerie allemande de tranchée) allemands ce qui provoque des bouleversements appréciables des travaux de 1ère ligne française.
Puis vint la journée du 06 octobre 1915 :
La nuit avait été calme. Dans la journée, il avait été décidé que les sapeurs de la division fassent exploser un fourneau de mine à la cote 108 en vue d’une offensive. La charge est de 2700kg de cheddite. La réaction est d’ailleurs relativement faible de l’ennemi à la suite de cet événement dans un premier temps.
Le « poste d’écoute boche » et les défenses accessoires de l’ennemi sont bouleversées sur une longueur de 30 mètres environ. L’occupation peut démarrer.
Le 33ème est envoyé placer un poste d’écoute* dans l’entonnoir provoqué par l’explosion.
Des ordres sont donnés pour :
- Relier ce poste d’écoute au poste d’écoute de droite de façon à relier les secteurs de gauche et de droite par une tranchée
- On demande aussi de creuser une galerie dans l’entonnoir pour en gagner la possession et tenter ensuite de parvenir à la lèvre haute, bord le plus proche de l’ennemi
Les travaux d’occupation dureront plusieurs jours. Mais l’intérêt stratégique du lieu relève plus du symbole, le terrain étant complètement dévasté. La photo dessous en fait foi.
*Tout au long de la tranchée, des postes d’observation sont installés Ils sont placés stratégiquement aux endroits ou le relief permet la meilleure vision de la tranchée adverse.
De plus, à 20 ou 30 mètres en avant, des postes d’écoutes et d’observations sont ajoutés. Ils sont tenus par 2 ou 3 hommes bien armés qui ont pour but de scruter attentivement la tranchée ennemis et de rapporter tous les mouvements et bruits anormaux. Ils sont en quelque sorte les postes » éclaireurs » de la position principale. Ils sont reliés à la tranchée de première ligne par des boyaux de communication.
*
Puis durant plusieurs jours, chaque armée réorganise son secteur. Avec le sol détrempé, tout mouvement est rendu impossible et ceci pour de longues semaines. Il y a beaucoup à faire dans le secteur du Choléra et de Berry-au-Bac. Toutes les défenses ont été abimées ou détruites après les bombardements de fin septembre. Les tranchées éboulées n’offrent plus guère de consistance.
Le risque d’assaut ennemi étant improbable, l’organisation en première ligne s’en trouve modifiée. Seuls des effectifs nécessaires à la surveillance y sont envoyés.
Par contre, en arrière se construisent des structures de défenses à la fois reliées entre-elles et suffisamment indépendantes pour y mettre en sécurité les garnisons et se mettre à l’abri d’une percée ennemie.
Comme en face, on agit de même, il est évident qu’avec les moyens militaires de l’époque, la guerre est et restera figée dans le secteur.
Néanmoins, de chaque côté, on va multiplier les actions pour insécuriser l’ennemi. Mais n’oublions pas que du côté français, ordre a été donné d’économiser les munitions.
Les semaines qui vont suivre et la stabilisation du front vont être une suite d’échanges de grenades, de bombardements sporadiques et réguliers et le recours à la guerre de mines et de sapes.
Une salve, un tir fréquent mais soudain devient insupportable pour l’ennemi.
Les événements pour la période du 08 au 21 octobre pour le 33ème
Le 08 octobre 1915 :
Les travaux de renforcement de 1ère ligne sont poussés activement, des fils de fer sont installés aux abris.
Dans la nuit, le régiment subit un tir presque continu d’obus et de torpilles sur le quartier de la cote 108 vers 13 heures, aux tranchées de Sapigneul. La démonstration est si forte que l’on redoutait une sortie allemande… qui ne se produisit pas (Carte 6).
Cette canonnade fait 1 tué, Auguste Sarazin, et 6 blessés au 33ème dans ce secteur de Berry-au -Bac.
Dans la journée, on confirme aux régiments la nécessité d’économiser les munitions.
Du 09 au 15 octobre :
Les journées sont relativement calmes. Les ennemis reconstituent leurs défenses sur la cote 108 côté français, à la courtine du roi de Saxe, côté allemand. L’ennemi y poursuit activement ses travaux de réfection de défenses accessoires sur tout le front.
L’ennemi commence également à réparer son réseau électrifié détruit par notre artillerie au front du Choléra. Des piquets de bois goudronnés ont été posés. Il n’y a pas encore de câble.
Le réseau sera opérationnel quelques jours après. L’avance des travaux fait l’objet de beaucoup de missions de reconnaissance.
Le 09, un camouflet à 18h30 explose sans effet sur les lignes.
Il y aura 1 tué Harlay Gustave et 6 blessés par balle et deux par éclat de torpille durant ces journées dans le quartier de Berry-au-Bac.
Le 13 octobre, Le capitaine de Vareilles, commandant la 3ème compagnie est évacué pour examen de sa vue et est remplacé par le sous-lieutenant Gerbier qui prend le commandement de la compagnie.
Le 15 octobre, le 2ème Bataillon relève le 3ème Bataillon dans la nuit loin de se douter qu’ils seront engagés dans un fait de guerre comme ils n’avaient encore jamais vu !
Les événements du 15 octobre :
La journée qui démarrait relativement calmement comme les autres est subitement marquée par une explosion de mine à la cote 108 à 10 heures. Explosion d’une vigueur exceptionnelle dans un secteur où sont stationnées les 2ème et 3ème Bataillons et qui surprend tout le monde.
La 11ème compagnie est coupée du reste du Bataillon pendant toute la journée, sa situation devient critique ! Lorsque les fumées sont dissipées, on découvre que l’entonnoir formé par cette explosion est de plus de 100 mètres de diamètre et dans lequel a disparu soudainement une section tout entière de la 8ème compagnie. La situation n’est pas meilleure pour une autre section de la 8ème compagnie, celle du sous-lieutenant Derville postée sur la gauche, à la Cimenterie* qui se trouve coupée du reste du régiment.
A la droite du nouvel entonnoir se trouve la 6ème compagnie du sous- Lieutenant Labrousse qui, elle, est épargnée.
Les fumées dissipées, les observations font que l’on va essayer de s’approprier la situation.
Le commandement décide de faire occuper le nouvel entonnoir par le sous-Lieutenant Labrousse, ce qui fut fait.
« Notre organisation est complètement bouleversée, mais l’attitude de tous n’en reste pas moins splendide ! » déclara le commandement.
Les travaux de réfection seront poursuivis toute la nuit et les journées suivantes.
Le bilan est lourd :
Le 33ème a 12 tués, 20 blessés et 5 disparus ensevelis par l’explosion et 1 blessé par balle (Berry).
Les 12 tués sont :
- Dourlens Louis de la 8ème compagnie
- Desset Pierre de la 8ème compagnie
- Ossart Raymond de la 8ème compagnie
- Lanceau Eugène de la 11ème compagnie
- Goudemand Arthur. de la 11ème compagnie
- Boucher Emile. de la 11ème compagnie
- Moneux Georges. de la 11ème compagnie
- Desfarges Alfred de la 11ème compagnie
- Waterlot Léon. de la 11ème compagnie
- Valentin Paul de la 11ème compagnie
- Boulnois Henry de la 11ème compagnie
- Carpentier Maurice de la 11ème compagnie
* A propos de la cimenterie : Explications cartes et photo obtenues sur le site vlecalvez.free.fr
La décision de détruire ce bâtiment avait été prise suite à l’attaque allemande du 20 janvier 1915. Les allemands du 92e RI avaient pris deux lignes de tranchées au 28e RI. Les normands et parisiens avaient alors mis trois jours à reprendre ces tranchées :
Du 16 au 20 octobre 1915 :
Les journées dans le secteur se suivent et se ressemblent. Les 2 armées sont occupées à aménager leurs tranchées, leurs abris.
L’ennemi continue activement la réfection de son réseau de fil de fer en face du quartier de l’autobus**.
Des travaux de terrassement et de pose de fil de fer sont constatés dans le secteur du choléra.
Les nuits et journées sont signalées comme calmes ; les compagnies du 2ème Bataillon et les unités du 3ème Bataillon se relèvent régulièrement.
Les soldats en première ligne se harcèlent perpétuellement. Les soldats du 33ème en première ligne effectuent des tirs de mousqueterie sur les travailleurs allemands.
Les tireurs d’élite cherchant les meilleurs endroits pour tirer sur d’imprudents Allemands qui se retrouvent en ligne de mire. Les tireurs allemands en retour prennent les Français pour cible.
Les échanges de grenades sont réguliers.
Pour certains, ça en devient un sport, les régiments du secteur rivalisent d’ardeur et d’habilité entre eux. Des soldats sont reconnus comme lanceurs d’élite on invente de nouvelles armes artisanales avec des éléments récupérés dans les tranchées.
Des engins meurtriers sont confectionnés avec des bouteilles et des bidons vides dans lesquels on verse de la poudre retirée des gros ‘’minen’’ non explosés. Et hop ! Retour à l’envoyeur !
Les explosions de camouflets sont régulières. Le 19 c’est la 1ère compagnie du Génie fait sauter à 11h un camouflet entre la compagnie de la carrière et la compagnie de la Butte. Le camouflet a certainement fait des dégâts chez l’ennemi.
Du 16 au 21 octobre, on compte : 6 tués et 21 blessés.
Les tués sont :
- Besse Pierre, 4ème cie
- Bobigeal Albert, 3ème cie
- Chemineau Léonard, 4ème cie
- Lebas Jules, 1ère cie
- Lacombe Roger du C.H.R
- Cochez Paul, Caporal 4ème cie
Les tués et blessés le sont par balle, par éclat d’obus, par grenade à main, par grenade à fusil et par explosions de mines et de camouflet.
*
Le 21 octobre 1915 : (ordre général n°558 du 16 octobre du C.A)
Par une nouvelle organisation du front les troupes du 1er Corps d’armée, le secteur de la 2ème D.I est limité !
A l’Est à l’écluse au sud de Sapigneul (exclus).
A l’Ouest par le pont de la route 44 sur la Miette, l’extrémité Est de la Tranchée de la Miette.
Ce 21, des changements dans les abris interviennent au 33 mais le régiment reste dans le même secteur.
- PC de la 3ème Brigade se situe au Bois des Geais (carte 7)
- PC du 33ème au Bois de la Marine (carte 8)
- 1er Bataillon va au Berry-au-Bac Sud
- 2ème Bataillon va lui au Bois des Geais
- 3ème Bataillon stationne à Berry au Bac Nord
Les compagnies de mitrailleuses sont réunies avec l’ensemble de celles de la brigade et regroupées au Grand Bellay (secteur Gernicourt-Berry-au-Bac).
Dans le secteur de la Division, jusqu’au 11 novembre, aucune action ne sera engagée de la part des troupes françaises.
Régulièrement, les Bataillons se remplacent par roulements en première ligne. Le séjour est variable, rendu pénible par les conditions météorologiques de cette période pluvieuse et les premières gelées.
Seules des actions ponctuelles réciproques destinées à insécuriser l’ennemi se succèdent, on note :
Le 22 octobre 1915, vers 16h30, l’ennemi tente une sortie, soit une attaque, soit une reconnaissance. Une quarantaine d’Allemands se sont avancés en rampant sur les éléments de droite du dispositif de défense. Ils ont été dispersés à coups de fusils. On ne saura jamais quelles étaient leurs intentions.
Le 22, l’artillerie de 75 ouvre son feu dans la direction du point T (ouest du boyau boche de Berry-au-Bac à l’est de Reims).
Après plusieurs journées calmes, le 25 à 17 heures, l’ennemi fait sauter un camouflet vers le puits 14, cote 108.
Aucun affaissement de terrain n’a été constaté du fait de l’explosion.
Le 26, c’est au tour du génie français de mettre en œuvre autre camouflet.
Les Allemands, eux, bombardent tout le secteur ce qui fait un blessé au 33ème du côté de la carrière.
Le 27, l’ennemi se montre nerveux et mitraille beaucoup.
De temps en temps, les Allemands effectuent des tirs de torpilles auxquels répondent nos 75.
La nuit, l’ennemi effectue également des tirs de mousqueterie sur nos travailleurs. Nous répondons par nos fusils et nos 58.
L’ennemi arrose aussi d’obus le secteur de la 2ème D.I particulièrement le quartier de l’autobus**.
Ordre est donné d’obstruer les boyaux qui peuvent ultérieurement servir à l’offensive par des chevaux de frise.
Les autres, inutiles seront comblés.
Ces tirs entrainent la mort du soldat Lebas Jules dans le secteur de Berry.
Le 28, la journée a été marquée par la mise à feu du camouflet sur le quartier de la cote 108 par les Français.
Le bourrage et la mise à feu du camouflet est faite à 17h50.
L’ennemi n’ayant pas été mis en éveil, tout fait supposer que notre camouflet a donné complète satisfaction.
L’action de l’ennemi, ce jour-là, se manifeste par les actions de ses torpilles, de ses mines et de son artillerie qui causent des dégâts appréciables dans le quartier de l’autobus**. Le quartier 108 en souffre particulièrement.
Le 33ème y a un mort, Lacombe Roger.
** L’autobus : Secteur fortifié et tranchée français situés à quelques hectomètres au nord-ouest de Berry-au-Bac, en première ligne : « secteur de l’Autobus, nom donné par un autobus parisien resté en panne sur la route 44 lors de l’offensive en 1914. » dictionnaireduchemindesdames.blogspot.fr
Au 33ème, cette période de transition va être propice à effectuer des changements.
Le capitaine Charles de Gaulle obtient une permission du 16 au 21 octobre. Au retour de celle-ci, il apprend que l’Etat-Major le remplace définitivement par le lieutenant Aros-Delange comme officier adjoint et qu’il est nommé commandant de la 10ème compagnie, nomination qui prend effet le 25 octobre. Ce qui ne le désole pas outre-mesure, lui qui s’estime être d’abord un combattant
(extrait de ‘’Les tribulations de la famille de Gaulle avant et pendant la guerre 14-18’’ p122)
Ce 25 octobre :
- Le Capitaine de Gaulle prend donc par ordre le commandement de la 10ème compagnie
- Le lieutenant de réserve Vitrant prend le commandement de la 4ème compagnie
- Le sous-lieutenant de réserve Barthincourt est affecté à la 3ème compagnie
- Le sous-lieutenant Marrec est affecté à la 9ème compagnie
Le 28 octobre 1915 :
Le Régiment reçoit 1 renfort le 13ème de :
- 1 sergent
- 2 caporaux
- Et 55 hommes
Après ces changements, les derniers jours d’octobre sont identiques à ceux d’avant.
Le 29 octobre 1915 :
Les nuits et les journées sont calmes hormis quelques tirs de torpilles une activité d’artillerie ennemie présente. Un camouflet allemand explose à 18h30 sans incidence sur le front, le lieutenant Dubrulle sera blessé.
Le 30, on a formé la 2ème compagnie de mitrailleurs de Brigade. Nouvelle unité dont le 33ème a fourni 59 hommes. Le lieutenant Baggio se rend à la courtine jusqu’au 23 novembre pour y prendre des cours avant d’obtenir une promotion.
Pour l’artillerie
Ordre est donné de ne pas effectuer de tirs de mortier de 220 jusqu’à nouvel ordre. L’armée limite à 30 coups de feu par 75 pour 9 jours et 40 coups par pièce lourde pour 9 jours.
Le soldat Salander Désiré est blessé par éclat d’obus et le capitaine Bruque commandant la 12ème compagnie est évacué pour blessure.
En cette fin octobre, l’Etat-major se référant à de multiples observations informe les régiments du secteur que la menace allemande d’utilisation de gaz se précise, nous y reviendrons.
Le 01 novembre 1915 :
Un bombardement survenu le matin de 10 à 11 heures provoque quelques dégâts dans les tranchées du 33. Le reste de la journée fut calme mais dans la nuit du 01 au 02, le tir ennemi reprit. Des bombes furent envoyées sur nos travailleurs de l’entonnoir occasionnant de sérieux dégâts matériels et 4 blessés au 33ème dont le lieutenant Dubrulle de la cie de Mitrailleuses ainsi que 3 hommes de la 7ème compagnie (Bruyer Joseph, Becquet Marceau et Gombert Vivien).
Le capitaine Charue les sous-lieutenants Bachmann, Fontaines et Gerbier sont envoyés à Trigny pour instruire les nouvelles recrues arrivées il y a peu.
Jusqu’au 11 novembre, les activités sont identiques aux jours précédents. L’ennui est rompu par quelques événements imprévus comme l’explosion d’un camouflet le 04 novembre qui provoque une secousse sans autre effet.
Le 04, Un éclat de torpille tue un caporal du 33ème : Soulatge Henri alors que Durand Louis et Duhot Emile sont blessés.
Excepté les missions de reconnaissances et les travaux et quelques exercices d’instruction, les temps libres sont mornes sous la pluie d’automne. Les relèves cassent la monotonie.
Le 7 Un blessé par grenade à fusil. Lefebvre Louis.
*
Les observations répétées des troupes allemandes, laisse présager que les Allemands envisagent d’utiliser des gaz sur le secteur de la brigade. Dans un premier temps, le Commandement donne l’ordre de préparer l’emploi de feux et de grenades prescrits pour dissocier les nappes de gaz.
Les gaz étant une arme nouvelle et redoutable, elle créait l’effroi chez les combattants comme l’indique le récit ci-dessous :
Un soldat du 33 qui revenait de l’arrière avait rencontré un gars du 1er Bataillon d’Afrique. Comme il était passé par Arras, la sympathie était apparue naturellement. Il lui raconta ce qu’il avait vu à Ypres quelques mois plus tôt :
A son tour, il le raconta à ses copains de chambrée du 33ème*.
« Un matin du côté d’Ypres, en Belgique, se produit une chose inouïe, une accélération dans la façon d’éliminer son ennemi à la guerre.
Oui, cette funeste journée du 22 avril 1915, je vais vous la conter.
Ce soir- là, Les soldats voient le soleil disparaître à l’horizon. Il n’y aura aucune attaque de l’ennemi ici près du canal d’Ypres selon l’avis général. Il y a là de braves Bretons et de braves Normands, ces soldats des troupes coloniales de l’infanterie légère du 1er bataillon d’Afrique de la 45ème division qui étaient venus d’Arras le 06 avril 1915.
Il y avait aussi ceux des tirailleurs de la 87ème division territoriale. « On est tous contents, on est relevé demain » lance l’un d’eux.
« Putain, ça fera du bien d’aller se pavaner un peu à l’arrière ». On se prépare mollement pour organiser les tours de garde de la nuit.
On ne sait jamais, juste une semaine auparavant, on avait arrêté un déserteur allemand un peu « dérangé du carafon » selon ceux qui l’avaient interrogé.
D’après lui, les Allemands préparaient, sur le front d’Ypres une puissante attaque. Celle-ci serait précédée d’une fabuleuse émission de gaz. Il avait fourni une foultitude de détails.
Trop même, selon les officiers l’ayant questionné. Puis on savait les Allemands un peu ‘cuits’ suite aux dernières semaines de combats.
Il est vrai que la première bataille d’Ypres du 29 octobre au 24 novembre 1914 appelée aussi bataille des Flandres, celle qui par son indécision amènera la course à la mer, les avait épuisés. Puis, leurs réserves étaient envoyées en renfort en Galicie, quelque part en Orient sur ce qu’on savait.
La Russie, plus longue que les autres pays à mobiliser ses troupes, était enfin entrée en campagne en ce territoire et les troupes Austro-Hongroises qui étaient en difficulté, en avaient appelé à l’allié prussien.
« Alors d’ici demain, ce sera forcément calme ! » pensait-on.
C’est le général français Ferry qui avait interrogé ce soldat du 34ème régiment de réserve allemand.
Mais comme Ferry n’était pas dans les petits papiers de Joffre, son rapport fut mis de suite de côté. Il faut dire qu’une première utilisation des armes chimiques en février 1915 sur le front russe avait été un fiasco. Le temps trop froid et le changement de direction du vent fit que cela se retourna contre ces apprentis arroseurs enfumés à leur tour. Et puis, surtout, il y a les conventions de la Haye, signées par tous les belligérants le 29 juillet 1899 : il y est proscrit l’utilisation de gaz dans les obus.
Un petit détail, toutefois, dans cet accord on n’avait pas évoqué le cas de dispersion de gaz à partir de cylindres… Un détail de l’histoire, peut-être !
Alors ce Ferry et ses écrits, et son rapport… bon vent !
Donc le soir du 22 avril 1915, le temps est superbe, juste une petite bise qui venait des lignes allemandes. Un observateur regarde amusé un nuage d’une drôle de couleur jaune verdâtre qui s’élève du côté des lignes allemandes, entre Steentraat et Boesinghen de l’autre côté du canal de l’Yser. Il appelle ses camarades, son officier du 1er tirailleur, le commandant Villevaleix.
« Tiens » lance un soldat, « ça ne ressemble pas à un feu ordinaire qui d’habitude s’élève vers le ciel ».
Ici on plaisante : « Ils ont peur les teutons, même leurs vapeurs rampent. Drôle de couleur, ils ont vidé leurs latrines ou quoi ? »
Les rires fusent, puis on commence à se taire, un petit vent amène le nuage vers les tranchées françaises avec une drôle d’odeur que l’on ne caractérise pas.
Un soldat ose : « Mais c’est quoi ce bordel, jamais vu ça moi ! Ce petit nuage qui roule sur nous. Regardez, à côté, les Canadiens observent aussi ! Mais c’est quoi ce truc ? »
Et puis ça s’est précisé de petites odeurs acres titillent les narines.
Puis une voix s’élève! « Putain c’est des gaz! Ils vont nous faire crever ! »
On n’ose bouger, puis le nuage envahit la tranchée. Et c’est l’épouvante, les soldats se tordent de douleur, puis les yeux brulent, la respiration devient impossible, ils ont l’impression que la poitrine va exploser, ils vomissent, se roulent pris de convulsions et dans un dernier râle, s’éteignent à tout jamais.
Le commandant Villevaleix téléphone au colonel à l’arrière. Le colonel entend une voix haletante, à peine audible : « On est violemment attaqué, on est sous d’immenses colonnes de fumée jaunâtre, provenant des lignes allemandes et qui s’étendent partout sur le front, les tirailleurs commencent à battre retraite, tout le monde tombe autour de moi, asphyxiés, je quitte mon PC ». Puis… plus rien !
Le colonel en entendant ce discours dit avec une telle voix se demande si le commandant n’est pas victime d’un coup de chaud ou d’un coup de trop !
Encore un qui est victime d’un problème au carafon se dit-il ! « Une attaque au gaz ! Jamais on a entendu ni parlé ni évoqué un tel événement, ici en Belgique ! Fadaises que dégoise Villevaleix ! Quel con ! »
Ce qu’il ne voit pas c’est la débandade dans les tranchées. Des soldats se replient, se sauvent, ils s’agglutinent vers le pont de Boesinghe !
Puis c’est un appel du commandant Fabry qui lui décrit la même apocalypse !
Alors là, ça commence à sérieusement inquiéter les gradés à l’arrière.
Comment pouvaient-ils savoir qu’en face, les Allemands qui, quand les conditions météo leurs semblent propices, se mettent à ouvrir les robinets des 5730 bonbonnes qu’ils avaient préparées, libérant le chlore s’y trouvant.
Et pourtant les Allemands avaient signé les accords de La Haye en 1899 !
Ils s’engageaient par conséquent à ne pas les utiliser !
Eh oui, les accords aussi partent en fumée ! « Tout fout l’camp ! » maugréa le colonel.
C’est maintenant la débandade qui règne parmi les Français.
Riposter, contre-attaquer, il y avait même songé, le brave colonel Bourgeois, commandant des tirailleurs !
Et alors le spectacle fut dantesque, surnaturel ! Les troupes refluaient de toutes parts, partout des « fuyards », de vrais fous ! Un tel hurlait qu’on lui donne de l’eau ! D’autres couraient, suffocants, capote, chemise ouverte, allant au hasard, crachant du sang. On en vit se rouler par terre, recherchant dans une vaine bouffée d’air, une ultime, une paradoxale gorgée de vie ! Et puis c’est l’agonie, insupportable ! Le visage prend une teinte verdâtre, le faciès se crispe dans des expressions monstrueuses avec des pupilles exorbitées, gonflées par le sang qui forme des stries à mesure qu’éclatent les vaisseaux. Puis ultime effort du gazé pour prendre une bouffée, un filet d’air : avec ses ongles, il lacère ses vêtements, ultimes corsets vers l’éternité ! »
Nul dans l’assemblée ne prit la parole, et le soldat reprit son discours.
« Suite aux attaques de gaz, les alliés étaient obligés de trouver une parade. Et plutôt rapidement !
Les premières protections, étaient sommaires, voire ridicules. Mais la surprise était telle que le « génie français » était pris au dépourvu.
Comme protection, on préconise d’abord de se tenir calme et debout, sans rire ! Car le gaz toxique étant plus lourd que l’air, on avait remarqué que les soldats se tenant debout sur les parapets étaient moins touchés que ceux qui se tenaient au fond des tranchées ou ceux qui fuyaient.
Un soldat doit garder son sang-froid en toute circonstance ! Et un fantassin français, ça ne recule pas !
Guère mieux ! Mettre un chiffon, un vêtement devant les voies respiratoires. Mais, si en plus, il fallait se protéger les yeux de la même façon ! Que faire ? Ensuite, viennent les premières mesures « scientifiques ». Mouiller le linge car le chlore se trouve être soluble dans l’eau. Et je ne sais pas qui eut le premier cette idée mais cette protection sommaire était considérablement améliorée si le tissu était imbibé, non pas d’eau mais d’urine ! La protection était plus efficace. L’urée réagissant avec le chlore en formant des chloramines bien moins toxiques. Mais bon ! Pas fameux non plus comme protection ! On fournit ensuite des protections de plus en plus efficaces :
Des compresses ouatées imbibés d’hyposulfite qui éliminent le chlore selon la formule : Na2S2O3 + 4Cl2 + 5H2O -> 2NaHSO4 + 8HCl
Mais hélas, il s’avère que les modèles testés en labo se révèlent inefficaces en action : trop petits, vite épuisés en produit de neutralisation. On les remplace par des compresses, bien plus adaptées mais pas encore assez efficaces !
Pour les yeux, les lunettes fournies ne sont ni étanches ni adaptées à toutes les formes de visages.
Après de multiples modifications, on fournit des cagoules aux troupes, suite aux essais des Anglais. Mais leur protection ne dépasse guère 10 minutes pour un homme au repos. Elle sera vite abandonnée.
On crée alors les tampons. Ce sont des poches de tissu où peuvent se loger et se changer les compresses imprégnées.
Et enfin, les masques qui évolueront sans cesse pour aboutir aux masques à cartouches, efficaces 5 à 6 heures. Encore fallait-il en produire assez. De longs mois seront nécessaires pour arriver en produire suffisamment. Mais quelle contrainte de devoir les porter des heures entières parfois. Essayez de respirer avec un masque ne serait-ce que quelques minutes et vous en apprécierez toute la pénibilité ! Imaginez alors de devoir courir avec un tel harnachement ! Des modèles équiperont les chevaux, les chiens par la suite. Une véritable épouvante pour les compagnons de nos soldats.
*extrait de « Les tribulations de la famille de Gaulle avant et pendant la guerre 14-18 » P 114 à 117
*
Ce qui se passa au 33e R.I :
Au mois d’octobre 1915, il est signalé à l’armée que pour lutter contre les gaz, l’emploi de récipients remplis de pétrole paraît peu pratique. On préconise d’incendier des gros paquets de paille qui seraient employés avec des feux de fagots de bois.
Ordre est donné de constituer ainsi des approvisionnements de fagots, de paille, des étoupes de lin, des chiffons aussi. Les chiffons seraient enduits de goudron et allumés au moyen de paquets incendiaires.
Le capitaine de Gaulle préconise, lui, d’amasser de la paille dans les tranchées de 1ère ligne afin de pouvoir les allumer. On avait remarqué que les feux de paille allumés sur les parapets ou dans les tranchées mêmes, réduisent beaucoup les effets des gaz asphyxiants. Il fait distribuer des torches de paille qu’il faut mettre dans des sacs à l’abri. En cas de gaz asphyxiants, ces torches doivent être aussitôt plantées sur le parapet et allumées.
*
On avait vu les travaux allemands depuis le 09 octobre pour refaire leur réseau électrique et le 09 novembre, les soldats français en observant les lignes allemandes, découvrent que les Allemands ont installé des projecteurs qui, la nuit tombée, éclairent le secteur de Berry. Le risque d’une attaque de nuit sera une éventualité à ne plus négliger mais elle ne se produisit jamais.
Le lendemain matin, l’ennemi fait exploser des camouflets ce qui endommage les lignes de droite et blesse Lefebvre Louis.
Suite à une nouvelle dotation d’obus, les artilleurs français recommencent à pilonner les lignes allemandes.
Ce qui occasionne les 10, 11 et 12 novembre 1915, des tirs de torpilles, de 58 et de 75 qui sont envoyés vers la carrière à Sapigneul et l’entonnoir du 15.
Le 10 novembre, le régiment reçoit 1 renfort, le 14ème, de :
- 1 sergent
- 4 caporaux
- Et 65 hommes
Venant du bataillon d’Instruction du 8ème.
La réorganisation du régiment se complète le 13 novembre avec certaines promotions :
Les sous-lieutenants Fontaine, Bachman, Labrousse et Gerber sont nommés lieutenants à titre temporaire et maintenus au corps. Avant de prendre leurs fonctions, ils feront une semaine d’instruction à Trigny.
Le lieutenant Fontaine prendra le commandement de la 12ème compagnie en remplacement du capitaine Bruque évacué peu avant.
A 18 h, en pleine organisation de départ, saute un camouflet proche du poste d’écoute de la cote 108 à gauche de la carrière et qui endommage le secteur.
*
Mi-novembre, la 2ème Division voit son secteur modifié ( il s’étend à l’est de Craonne jusqu’à la région de Berry-au-Bac), jusqu’au 21 novembre, les mouvements du 33 R.I sont réguliers et fréquents (cartes 2, 11 et 12).
Tout d’abord, le 33ème sera relevé par le 1er Régiment d’Infanterie dans la nuit du 13 au 14.
Dans un premier temps les troupes vont à Pévy puis à Prouilly. Aller à Prouilly est bien accueilli par les soldats car l’on peut y prendre une douche.
Le 1er Bataillon et l’E.M et la cie de mitrailleuses vont directement à Prouilly.
Ils sont chargés de l’organisation de la deuxième ligne du secteur.
14 novembre 1915 :
Le 3ème Bataillon va à Pévy et ceci sous les ordres du Capitaine Charles de Gaulle, en responsabilité du 3ème Bataillon depuis le 12, suite à l’absence momentanée du Commandant Cordonnier. Le capitaine préfère se déplacer de nuit. Il pourra de cette façon nettoyer et travailler dès leur arrivée le lendemain au cantonnement, ce qu’il ferait très mal en arrivant couvert de boue en milieu de journée. D’autant que la pluie battante des derniers jours a fait du Bois des Geais (où était la 9ème cie) et du Bois Blanc (où étaient les 10ème et 12ème cies) un véritable marécage d’où il sera avantageux d’en sortir le plus tôt possible. La 11ème restant au Bois des Geais jusqu’à l’arrivée du 1er R .I.
Il y sera rejoint par le 2ème Bataillon.
La relève s’effectue sans incident. Dès leur arrivée à Prouilly, ils apprennent qu’ils vont être passés en revue par le Général de Division.
Ce 14 au matin, à peine arrivés, dès 7 heures du matin, il est demandé à tous de nettoyer à fond les armes, de vérifier les équipements, masques à gaz attachés à la ceinture, toile de tente roulée en fer à cheval, tenue complète mis à part la couverture. Le 3ème Bataillon sera passé en revue à 14 heures et il importe que l’inspection se passe parfaitement avec les Officiers se présentant en capote.
Le passage aux douches étant remis au lendemain. Puis les mouvements reprennent.
Le 16 novembre :
Les 2ème et 3ème Bataillons sont à Pévy.
Les Allemands effectuent une violente canonnade sur les secteurs de Sapigneul, La Miette, le Bois de La Mine, la maison bleue, les ouvrages de Godat.
Côté français, le nombre de coups par canon de 75 a été relevé de 30 à 38. Ce qui permet une riposte sur les tranchées ennemies du choléra. On voit alors une grande flamme s’élever des lignes allemandes suite à nos tirs d’artillerie qui répondent à ces tirs ennemis.
Dans la nuit du 16 au 17, sous ces menaces incessantes de se retrouver sous le feu ennemi que :
- Le 3ème Bataillon va de suite en réserve au Bois Clausade et au Bois Marteau voir carte 1.
- Le 2ème Bataillon est commandé par le Capitaine Corbie, le Commandant de Bruignac ayant été évacué la veille pour fatigue générale. Le Bataillon cantonne à Roucy en réserve de division.
Le matin du 16, la 6ème compagnie est détachée à la garde des passerelles de l’Aisne situées de Chaudardes à La Miette (carte 10).
Plusieurs passerelles sont installées sur l’Aisne afin de permettre le passage des soldats, du matériel et des blessés (le nombre est variable selon les époques et l’intensité des combats ; une est toujours présente à hauteur de la ferme). – Progressivement, la Pêcherie, ferme proche du front, est aménagée : infrastructures de commandement, de défense, de transports, boyaux (dont un venant des premières lignes pour les blessés et les brancardiers portant le nom de la ferme).
Puis le 18 novembre les éléments du 33ème cantonnés à Pévy viennent cantonner à Prouilly.
Le 20, le 3ème Bataillon vient cantonner à Ventelay, qui est un secteur calme. Le lendemain, il détache la 9ème compagnie à Trigny pour relever une compagnie du 201ème R.I. (cartes 11 et 12).
La 5ème compagnie relève la 6ème à la Passerelle.
Cette période d’aménagement de l’arrière comme il a été défini permet certains départs en permission.
Le Général Duplessis partant en permission du 19 au 28 novembre, par ordre de la Brigade laisse le commandement de la Brigade à Mr Le Lieutenant-Colonel Boud’hors, commandant du 33ème R.I qui reste à Pévy.
Le Commandant Lagrange (du 1er Bataillon) prenant provisoirement la direction du 33ème.
Le 21 novembre 1915, à 14 heures, le Général Guignabaudet commandant la 2ème D.I vient remettre des décorations au Docteur Mahaut, au Capitaine Dolon et au chef de musique Beaumont.
Dans les jours qui suivent, les journées sont occupées aux exercices et aux entrainements destinés à s’adapter aux nouvelles techniques de combat de cette guerre de tranchée.
Le 23 novembre, le régiment reçoit 1 renfort, le 15ème, de :
- 1 adjudant
- 1 sergent
- et 19 hommes
Venant du dépôt de Cognac.
Le 24, le Capitaine Charue qui avait assuré des cours d’instruction à Trigny vient reprendre le commandement de la 9ème compagnie.
Pour les journées de fin novembre aucune action n’était programmée, la météo pluvieuse l’interdisant d’ailleurs. Les journées sont occupées à l’instruction et à la réparation du matériel.
Au loin, on entend des échanges de grenades, d’artillerie dans Le Bois Franco-Allemand, au Bois de La Mine et la Tranchée Victor Emmanuel.
Le 27, on voit un avion allemand qui est abattu à l’est de Berry tomber dans l’Aisne.
Le 28 novembre 1915 :
à 16 heures, les 2ème et 3ème bataillons du 33ème sont mis en alerte suite à une attaque allemande dans le Bois Franco-Allemand. Le 2ème étant à Roucy et le 3ème à Ventelay (carte 11).
Chose gênante car il avait été décidé de consacrer cette journée à préparer une séance récréative* que doit donner la 10ème compagnie du Capitaine de Gaulle (la 10ème compagnie est une des 4 compagnies du 3ème Bataillon). Les chanteurs et danseurs impliqués dans le spectacle étaient alors en pleine répétition sous les ordres du sous-lieutenant Lejeune.
L’adjudant Hideux et le sous-lieutenant Averland étant occupés à la préparation de la salle de spectacle. Le travail ne manquait pas avec l’éclairage de la scène et de la salle à installer. Il fallait aussi assurer la mise en place du plus grand nombre de sièges possible. Pour le confort des acteurs et des spectateurs, un système de chauffage constitué de braseros et de poêle avait été disposé.
Cette séance, aux yeux du commandement était destinée à entretenir le moral des troupes ce qui était jugé indispensable dans la gestion de jeunes hommes au front.
Dans la soirée, les hommes du 3ème Bataillon apprennent qu’ils doivent assister le lendemain à une parade de dégradation d’un soldat. Les hommes préparant le spectacle en étant dispensés sauf l’adjudant Hideux qui doit procéder à la dégradation du condamné*.
Cette dégradation se fera place de la Mairie à Ventelay. Le départ est fixé à 7h30 du matin*.
*Malheureusement, aucune information supplémentaire n’a été trouvée sur la parade d’exécution du 29 au matin et le spectacle du 29 organisée par la 10ème compagnie qui aurait pu se faire dans l’après-midi.
Ce même 29 novembre 1915 :
Les Bataillons du 33ème sont à nouveau alertés vers 12h30.
La Division prévient le 1er Bataillon stationné à Pévy qu’il ira relever le Bataillon du 8ème R.I du sous-quartier de La Miette dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre. L’Etat-Major du 33ème et la cie de Mitrailleuses restant à Pévy.
Vers 20 heures, le 2ème Bataillon stationné à Roucy est envoyé dans la nuit par la Division en réserve au Bois Clausade. Il est de retour le lendemain soir le 30.
Le 3ème Bataillon reçoit l’ordre de se déplacer à Roucy où il arrive à 22 heures. Le lendemain, le 30 on lui demande de revenir à d’où il était parti. Il part à 15 heures et arrive à 18 heures à Ventelay d’où il était parti.
Le 30 novembre, les cours de perfectionnement des chefs de section à Pévy prennent fin et instructeurs et élèves rejoignent leurs unités.
Voir la carte 11 où l’on voit que toutes ces villes sont distantes de quelques kilomètres entre-elles.
Le 1er décembre
Le 3ème Bataillon effectue une marche d’entraînement de 16 km, une boucle de Ventelay à Ventelay en passant par Bouvancourt – Pévy – Jonchery – Montigny.
La mission du 3ème Bataillon pour le reste de la journée sera de travailler à améliorer la route de Ventelay – Romain. Travail poursuivi le lendemain 02 et le matin du 03 décembre.
Du 2 au 4 décembre 1915 :
- En vue de la relève prochaine du 73ème par le 33ème, il est demandé au commandant du Bataillon du 73ème destiné à venir à Roucy de venir sur le secteur et de se mettre au courant des travaux en cours pour travailler à l’organisation de la 2ème ligne et de se rendre à l’Etat-Major de la division pour y recevoir des instructions.
- Le lieutenant téléphoniste du 33ème se rendra à Gernicourt le 2 avec son matériel personnel.
Le commandant de Bruignac reçoit la Rosette de la Légion d’Honneur et récupère à l’arrière, épuisé physiquement et nerveusement.
Les mouvements pour rejoindre un autre secteur commencent.
La 9ème compagnie part à Pévy alors qu’un de ses sous-lieutenant (Martel) est évacué pour maladie.
Le 04 décembre, le Régiment reçoit l’ordre de se rassembler pour faire mouvement pour rejoindre le Bois de Gernicourt le 05 à 05 heures (cartes 7 et 11).
A 10 heures le Régiment prend possession de ses nouveaux quartiers dans le secteur de :
Choléra-La Miette
05 décembre 1915 – 10 février 1916
Durant leur séjour dans le secteur, le 33ème aura eu en ces 3 mois sans effectuer d’attaque :
- 28 tués
- 84 blessés ou évacués pour maladie